Le projet de réforme du droit du travail que prépare le gouvernement est la plus ambitieuse d’une vaste série de libéralisations à mettre au forfait du PS. Ces attaques contre le droit du travail, guidées par la volonté de construire un social-libéralisme à la française, dégradent chaque fois nos conditions de travail et par là nos conditions de vie au nom d’une prétendue reprise de l’emploi.
L’esprit de cette loi voudrait faire retourner la capacité de décision dans les mains d’un prétendu couple employeur-employé. Dès lors que le capital a liquidé le prolétariat, il ne compte plus que des sujets raisonnables qui vont coopérer ensemble, « démocratiquement », à la recherche de la sainte croissance. C’est donc en toute logique que les droits acquis jadis sont désormais des entraves à la marche de l’économie. Il incombe donc aux pouvoirs de les anéantir méthodiquement.
Ainsi les indemnités de licenciement seront plafonnées à un taux particulièrement bas, les 11 heures de repos minimum journalier pourront être fractionnées, les apprentis mineurs pourront travailler 40h par semaine, les licenciements économiques se feront sur la bonne foi de l’employeur, le congé légal en cas de décès d’un proche va disparaître, le taux de rémunération des heures supplémentaires n’est plus garantie par les accords de branche…
Pourtant la chose est claire, le prétendu couple employeur-employé est loin d’être une relation égalitaire. Et si il y a un code du travail, c’est parce que des hommes et des femmes ont lutté pied à pied pour obtenir de maigres améliorations de leurs conditions de vie.
Depuis plus de 30 ans la "lutte contre le chômage" sert de dispositif rhétorique à partir duquel on nous fait avaler des pilules de plus en plus grosses. Mais ces attaques – ou "modernisation du marché du travail" – ne répondent en rien à la question de la répartition de la richesse posée par le chômage structurel de nos sociétés.
Les gains de productivité sur les 150 dernières années, associés à la répartition inégalitaire des richesses propre au capitalisme, rendent de toute façon une partie d’entre nous inutile à la sphère de la production. Nous sommes déjà nombreux à n’entretenir que des rapports épisodiques avec le salariat. Partant de là, nous affirmons qu’il n’y a pas le « problème du chômage » mais bien plus le « problème du travail », donner du sens à nos actes dans un monde qui n’a plus grand-chose à promettre.
L’exemple grec nous l’a montré, dans leur monde, il n’y a pas de fin à l’austérité promise par les réformes. C’est un monde qui carbure à la crise, un monde qui gère tant bien que mal sa décomposition. Plus que de refuser ce projet de loi particulier c’est le refus du monde de l’économie qu’il faut réaffirmer. C’est ce monde qui produit quelques puissants et une horde de crève la faim, c’est ce monde qui assèche les rivières pour mettre l’eau en bouteille, ce monde qui vit comme si nous avions dix planètes et qui se targue de faire taire tout ce qui vit contre lui.
Le refus on le porte déjà en germe chaque fois qu’on trouve des solutions avec les gens autours de nous pour nous débrouiller en dehors du salariat. Parce que déserter le monde qu’on nous promet c’est arriver à arracher ensemble les conditions matérielles de nos existences. A partir de là se pose la problématique de reprendre en main pan par pan chaque aspect de la vie quotidienne... L’amitié est aussi une ressource stratégique. Nous faisons l’hypothèse qu’à chaque fois que nous tirons les ficelles de l’autonomie politique et affective avec un certain penchant pour l’offensivité, le caractère proprement irréconciliable de nos existences se dessine.
La journée du 9 mars a été enthousiasmante à bien des égards. L’ambiance posée ce jour-là appelle d’autres gestes, à commencer par l’occupation des universités, des lycées, des lieux de travail... Bref, à sortir de son chez soi et à prendre goût à une certaine intensité collective. A tisser les complicités propres à neutraliser le pouvoir de captation et de pilotage des organisations politiciennes.
Dans cette situation, nous ne partons pas de zéro, ce mouvement se doit de se s’enrichir des luttes qui l’ont précédées, de notre histoire finalement. Regardez les luttes pour les sans-papiers, la ZAD, les mouvements hackers, les caisses de solidarités etc... Loin de suivre un mouvement de cohérence, elles dessinent une constellation de gestes et d’expériences qui nous sont propres.
L’intelligence collective est déjà-là. Il s’agit désormais de la mettre à l’épreuve, de la faire croître. Le temps libéré du travail qu’annonce cette grève doit être pour nous l’occasion de prendre en mains ensemble nos vies. Le refus catégorique de cette loi pourrait être le prétexte pour nous organiser avec nos voisin.es, nos collègues, nos ami.e.s et leurs ami.es et comploter gaiement pour inventer les manières que nous choisirons pour satisfaire aux besoins de tou.tes en dehors du monde que nous promet le capital.. Qui sait ce qu’une grève peut ?
Le monde ou rien !
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