Les Nuits Debout envahissent les places et les conversations depuis quelques semaines maintenant. Entre exaltations, interrogations ou rejets, les réactions à ce « mouvement » (est-ce un mouvement ?) sont diverses et il est difficile de porter un discours complet sur la question.
Sur Rebellyon, des impressions personnelles sont publiées quasi-quotidiennement : le 9 avril, le 11 avril le 15 avril le 16 avril le 17 avril, le 19 avril, le 22 avril .
Certaines personnes relaient leur questionnement vis-à-vis de la possible présence de groupes autoritaires comme Égalité et réconciliation, et l’extrême-droite tente de perturber le mouvement. La préfecture au départ hostile à la tenue de ces nuits les autorise aujourd’hui (jusqu’à quand ?). Certaines discutent d’une possible constitution, d’autres et parfois les mêmes reprennent place dans la ville avec des manifs spontanées le 14 avril et le 20 avril par exemple.
Si les points de vue divergent, l’agora prend position massivement contre les violences du système
On peut aussi avoir des retours sonores grâce aux émissions Megacombi et Montaigne was a Thug, toutes deux diffusées sur Radio Canut.
Petite revue de presse afin d’appréhender les mouvements de place d’hier à la place Guichard et ailleurs en France.
Retours sur les Nuits Debout en France
Les retours en France sont tout aussi divers.
À Lille, Nuit Debout démarre en fanfare, trouvé sur le site de La Brique
De fait, les avis semblent parfois diverger sur les objectifs que peut accueillir ce mouvement. Pour certains, il doit perdurer, sans pour autant évoluer : « Il faut faire comme Occupy Wall Street, sans chercher à faire ou à rentrer dans un système », explique Manuel. Pour Sylvie, il faut cultiver les germes de l’assemblée : « Il faudrait s’arrêter un mois et demi, envisager un autre rapport au temps, et penser », en assumant de ne pas avoir un programme clés en main.
Pourquoi les Nuits debout m’emmerdent, à lire sur le site Mars.info.
Globalement la composition sociale et idéologique des ces Nuits Debouts, tout du moins à Marseille, n’est pas si variée que ça. Il n’est d’ailleurs pas anodin que celles de Marseille se déroulent au Cours Ju, ancien quartier populaire perdu et gentrifié qui a vu sa population changer au fil des années pour devenir un quartier d’étudiants et de bobo avec ses commerces et ses bars bio et équitable pour alterno et autres artistouilles. Si tous ces gens pouvaient rester dans leur quartier, ça serait déjà moins problématique et ça serait vraiment sympa pour tout le monde et vis-à-vis de la lutte en cours.
Dijon : retour sur la lutte contre la loi El Khomri et le mouvement Nuit Debout
De très jeunes personnes viennent au micro et font remarquer que si nous avons pu nous installer sur cette place, c’est qu’on a bien voulu nous laisser faire et que pour lutter efficacement contre la loi travail il faut bouger, mettre le désordre dans la ville, prendre d’autres places, bloquer les voies etc. Ils ont moins d’aisance verbale que les autres intervenants, ils n’appartiennent apparemment pas non plus au même milieu social, mais je trouve leur propos plus concret, plus cohérent et il va se révéler à mon avis plus réaliste que tout ce qui allait se dire par la suite.
De la Nuit Debout à la Nuit des Barricades, de la place de la République à la place de la Commune, à lire sur Paris-luttes.info.
Il y a quelques choses de déroutant, inquiétant et enthousiasmant à constater la multiplications de gestes subversifs dans la foule et au grand jour, eux qui sont d’habitude cantonnés à des « milieux radicaux » et donc forcément codifiés (au premier chef par les nécessités d’anonymat, mais aussi également par un certain silence destructeur dans les gestes, donc un anonymat qui confine parfois à l’absence à l’autre).
Nuit debout et les ouvriers : la convergence est hésitante, à lire sur le site Reporterre.
Mais les ouvriers des usines et des services ont-ils tout simplement entendu parler du mouvement citoyen Nuit debout ? « De loin ! On s’est demandé de quoi il s’agissait avec mon fils l’autre soir ! » Sylviane Rosière, ancienne ouvrière dans une usine de décolletage en Haute-Savoie a publié ses mémoires en 2010 dans Ouvrière d’usine ! Après qu’on lui a expliqué ce dont il s’agit, elle réagit au quart de tour : « Tant mieux que l’on ait encore les jeunes pour se préoccuper du travail. Ils sont loin d’être endormis comme certains le disent. Mais la bataille contre les lobbies et le politique est déséquilibrée ! » Dur de mobiliser les jeunes générations, de moins en moins familières avec l’animal syndical. « Il y a de nombreux jeunes diplômés qui ont un CAP, un BTS ou un Bac + 2 à l’usine, poursuit-elle. Nombre d’entre eux sont intérimaires aussi. On est pourtant tous pareils devant la chaîne, mais plus personne ne se sent ouvrier. »
Analyses plus théoriques de NuitDebout
Dans un article publié en 2012, Occuper le monde : un désir de radicalité, le site Zones-subversives tente une analyse plus globale sur les mouvements de place de ces dernières années.
Aux États-Unis, David Graeber décrit l’influence du comité anarchiste. Ainsi les assemblées expérimentent le consensus comme mode de décision. Le consensus n’est pas l’unanimité, mais chaque participant peut bloquer toute décision si elle est jugée inacceptable. Mais ce droit de veto reste peu utilisé. Les mouvements d’occupation des places, loin de se conformer à une idéologie, expérimentent d’autres manières de décider et de s’organiser sur des bases égalitaires.
La Nuit Debout par tous les bouts —Des usages du dissensus scriptural, à lire sur le site Pense bête.
Penser la Nuit Debout avec Deleuze et Guattari, à lire sur le site lundi.am.
Devenir, c’est, à partir des formes qu’on a, du sujet qu’on est, des organes qu’on possède ou des fonctions qu’on remplit, extraire des particules entre lesquels on instaure de nouveaux rapports de mouvement et de repos, de vitesses et de lenteurs, les plus proches de ce qu’on est en train de devenir, et par lesquels on devient. C’est en ce sens que le devenir est le processus du désir. » (Mille Plateaux, p.334
Occupy Wall Street, Indignados, etc. : des modèles ?
Éléments de réflexion sur les « Nuits debout » : indignados et mouvement du 15M (Barcelone)
Brest mediaslibres relaie des extraits d’entretiens publié dans le livre Constellations, avec plusieurs personnes ayant participé aux mouvements de place en Espagne. L’intégralité des entretiens peut être lue sur le site constellations.boum.org ]]
Inès : Moi j’habitais à côté de la Plaça Catalunya, le lieu de l’occupation, donc je suis passée le premier jour, mais beaucoup de gens des milieux radicaux l’ignoraient ou jugeaient que ce n’était pas intéressant, trop étranger à notre culture militante. Et puis je me suis rendue compte que c’était en train de prendre une tournure spectaculaire, le jour suivant il y avait le double de personnes et ça continuait comme ça à se multiplier.
Madrid : les racines du 15-M, publié sur Jef Klak.org.
Pour les personnes impliquées dans le mouvement d’occupation, l’enjeu est double. Participer activement au relogement de ceux – ils sont nombreux – qui pâtissent lourdement de la crise, mais également encourager les initiatives autogestionnaires (assemblées, ateliers, coopératives…), démultipliées depuis le 15-M.
Retour sur Occupy Wall Street : quelles leçons en tirer ?, publié sur le site l’Autre futur, revient par le biais d’entretiens également sur le mouvement Occupy Wall Street.
Je ne faisais plus que cela à l’époque. C’était 24h/24h, 7j/ 7 à travailler pour Occupy ! J’ai arrêté d’aller en cours, de travailler, je ne faisais plus qu’Occupy... J’étais tout le temps dans le parc. J’ai aussi participé au groupe média, à la planification des actions, etc
Enfin, en novembre 2011, [une première compilation d’articles sur les mouvements d’occupation de place avait été publié sur Rebellyon :
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