Au printemps dernier, la direction des TCL
a pris l’initiative de dénoncer les accords
d’entreprise : comme elle ne touche pas à
la grille des salaires ni aux 35 heures, il n’y
aurait pas d’atteinte « aux acquis fondamentaux ». Sauf que la gestion des pauses, des
congés et l’organisation même du travail sont
remises en cause. Comme s’il n’y avait rien
de scandaleux à devoir faire des heures supplémentaires payées au tarif normal ; comme
s’il n’y avait aucun problème à se faire imposer ses périodes de vacances ou ses jours de
congés ; comme s’il était tout à fait acceptable
de devoir marner 17 heures au dépôt en étant
payé pour 13, ou d’être déplacé d’une ligne
à l’autre, d’un site à l’autre, pour un remplacement, en étant prévenu la veille… Avec la
nouvelle organisation du travail, la gestion
des postes est devenue beaucoup plus rigide
: plus question d’échanger ses heures avec le
collègue parce qu’on a un imprévu ou simple-
ment l’envie d’une matinée de libre. Chacun
à sa place. Mais une place où tout peut être
chamboulé en fonction des « nécessités de
l’activité » : les heures sup’ deviennent quasi
obligatoires (ou c’est un coup à se faire virer),
« plus possible de passer du temps avec les
mômes le mercredi alors que c’était le seul
truc qui vaut la peine dans la semaine… et si
tu t’étais arrangé pour les amener à l’école
un matin, un coup de fil et ça saute ». Les
plannings sont gérés au plus près ; ça embauche dès 5 heures du mat’, « pour une minute
de retard tu perds une heure sur la fiche de
paie et tu peux avoir un service prévu jusqu’à
23 heures ou une heure du mat’ ». La vie à
flux tendu…
La grève des TCL, c’est pas qu’une affaire
de thunes, et en discutant, on se rend bien
compte qu’au delà des accords d’entreprise,
c’est contre l’ensemble des nouvelles conditions de travail que les salarié-es sont en
colère. Contre ce taf merdique et sa discipline,
contre les petites humiliations quotidiennes.
Plus le droit d’écouter de la musique en
conduisant. Les locaux prévus pour les pauses
sont sans frigo, sans micro-onde. Quand tu te
mets en arrêt maladie ils appellent dès le premier jour pour mettre la pression. Ça traque
le temps perdu, ou justement le temps gagné,
arraché au taf : un traminot qui avait l’habitude de s’arrêter aux chiottes au terminus
s’est fait convoquer par la hiérarchie : « Vous
avez des problèmes de santé ? Non ? Alors
pourquoi vous allez aux toilettes à chaque
fois ? ». Menaces de sanctions disciplinaires.
Idem pour un type qui avait refusé de serrer
la main d’une cadre, et qui a fini muté des
trams aux bus. L’ambiance est particulièrement pourrie sur la ligne T4 et au dépôt de
Saint-Priest. Cette ligne a été vendue par le
SYTRAL comme la nouvelle réussite des transports lyonnais, sauf que l’envers du décor est
beaucoup moins rose : des trams surbondés et
des conducteurs qui du coup se font engueuler... Et depuis les perturbations au moment
de l’inauguration, les salariés les plus rétifs
sont dans le collimateur de la direction (ce
qui avait donné lieu à plusieurs mises à pied
et licenciements pour faute avant même le
démarrage du mouvement).
En plus de toutes ces vexations, il y a l’intuition que ce conflit pourrait bien être le dernier
avant longtemps. Parce que la boîte prépare
ses arrières. Elle aura bientôt beau jeu de
diviser les salarié-es : entre les anciens et les
nouveaux entrants, embauchés sur des conditions bien moins favorables. A cause aussi
de sa politique de recrutement ciblée : « pas
mal de femmes seules avec enfants, qui ont
pas le choix, qui doivent bosser et peuvent
pas partir en grève ». Pour tout le monde, de
toute façon, il y a cette laisse : « les crédits,
l’habitude d’avoir du fric », ça rend compliqué
de partir dans un conflit dur… Et le nouveau
cahier des charges devrait rendre encore plus
compliquées les luttes au sein de l’entreprise :
« Tabary il a déjà fait le coup à la TAG, à Grenoble. Et est-ce qu’on entend parler de conflits
par là bas ? Non, ça a calmé tout le monde,
personne ne bouge ».
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