La parole aux expulsés d’hier : « Ça commence mal les vacances scolaires pour les personnes qui n’ont pas d’hébergement »

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Non, elles n’ont pas subitement disparu dans la poussière du trottoir quand hier à 6 heures du matin, en plein creux des vacances pour faire leur sale besogne discrètement, les dizaines de flics venus les expulser, parfois les embarquer, puis les harceler*, sont partis. Elles sont plus de 150 personnes à la rue, sans aucune solution et sans aucune piste d’hébergement. Des gamins, des personnes malades ou très malades, un monsieur en fauteuil roulant, des familles, des hommes seuls. Hier encore, ils étaient nos voisins. Aujourd’hui, après cette nuit, ils sont à Fourvière dans un abri de quelques dizaines de mètres carrés. Une bonne partie d’entre eux a dû dormir dehors. Hier soir, ils ont écrit ce qu’ils ont à nous dire, à nous Français, et à ce préfet dont ils ont compris que « se ne frega niente », il s’en fout, de leur situation.

Ils sont là, bien là, dans ces lignes écrites hier soir mardi. Ils sont là sur cette colline.

Et nous, que faisons-nous ?

Les merveilleuses lois du préfet de Lyon

Je commence en nous présentant, nous les malheureux. Nous sommes un groupe de personnes venues à la ville de Lyon pour trouver une protection civile et morale. Mais quand on voit ce qui a eu lieu aujourd’hui, le 14/04/2015 ! Le préfet a donné l’ordre d’expulser plus de 55 familles d’un édifice qui ne sert à rien, à personne. Toutefois, nous y avions trouvé un peu de tranquillité… Mais M. le préfet accepte que des familles qui demandent une protection politique se retrouvent à la rue.
Et de plus !

1. Aujourd’hui la police nous a traités très mal et nous a fait peur, au squat. Les policiers qui donnent des coups de pieds et de poings contre les portes et ne se comportent pas en êtres civils.
2. La peur subite aujourd’hui est un scandale. Les enfants qui pleurent, qui tremblent, les mots ne suffisent pas pour décrire tout cela.

Mais, je me demande : le préfet connaît-il la Convention de Genève de 1951 ? Si non, je la lui lirai !

Salutations distinguées

Le squat est vraiment une mauvaise place pour habiter

Toutes ces personnes qui sont dans la rue c’est pas bien et c’est pas juste pour ces personnes qui demandent l’asile. On a nos droits.

Dans notre pays, on n’a pas nos droits et c’est pour ça qu’on est ici pour demander nos droits.
Je demande au préfet de Lyon : pourquoi inscrivez-vous toutes les personnes pour l’asile quand vous ne donnez pas nos droits à l’hébergement ? Pourquoi les personnes qui ont des problèmes personnels dans leur pays d’origine ne peuvent pas avoir leurs droits pour les papiers d’ici ? Il y a des gens qui meurent tous les jours dans leur pays d’origine. L’Albanie est considérée comme un pays « sûr » mais elle n’est pas sûre ! Même s’il y a cent ans que l’Albanie a son indépendance, elle est un pays dangereux. Vous savez que lorsque des personnes sont retournées dans leur pays d’origine, elles ont été tuées par d’autres. De plus, il y a des enfants qui sont malades et ils ont besoin d’être soignés.

Donc c’est pour ça qu’on ne peut pas retourner dans notre pays d’origine, parce que notre vie est en danger.

On demande aide et sécurité à la France.

En France, on ne nous donne rien

Nous sommes venus en France il y a deux ans, de Serbie. Avant, on était à Saint-Fons, dans un gros campement pendant 4 mois, puis dans un autre campement pendant un an. A chaque fois, la police est venue casser notre campement. Ensuite nous nous sommes installés à Gerland (boulevard Yves Farges). La police nous avait prévenus qu’on devait partir. A 5 heures du matin, la police nous a fait sortir de force et nous a laissés sur le trottoir. Ensuite ils ont détruit nos cabanes. Il y a beaucoup de choses qu’on a pas pu prendre avec nous, sauf quelques vêtements et un peu à manger. On a attendu sur le trottoir et aucun travailleur social n’est venu. On n’avait pas de solution.

Maintenant, nous ne savons pas. Nous avons une tente deux places. Quelqu’un nous avait dit qu’on pouvait dormir à l’abri à l’église de Fourvière. Mais nous sommes dehors. Nous espérons que nous allons pouvoir trouver des tentes et à manger pour ce soir.

C’est une catastrophe d’être comme ça depuis deux ans. Dans la rue il n’y a pas de douche, il n’y a rien, rien.

Ce que nous demandons c’est une place d’hébergement. Le 115, on l’appelle tous les jours et il n’y a rien. En France, on dirait que c’est normal qu’on dorme dehors.

Ça commence mal les vacances scolaires pour les personnes qui n’ont pas d’hébergement

Alors je vais commencer par le premier jour quand on est venu ici en France. On était resté à côté du tramway à Perrache et chaque matin il y avait des policiers pour nous réveiller à six heures. On avait des difficultés. Après ils ne nous ont pas laissés rester là, donc on est allé sur le pont Kitchener, je ne sais pas si vous vous souvenez, et on est resté là aussi donc ça fait deux mois qu’on est resté dehors.

Après deux mois, ils nous ont donné l’hébergement et donc depuis je commence à aller à l’école. C’était une résidence vers la Part-Dieu. Et là, on est resté 8 mois et après 8 mois ils nous ont mis dehors. Depuis ce jour-là, on est dans le squat de Gerland dans lequel vous avez fait l’expulsion aujourd’hui et là maintenant on est dans l’église à Fourvière et même là vous ne voulez pas qu’on reste. Je sais pas pourquoi, mais on a tous des droits, nos droits, et on est pas tous pareils, chacun est différent. Il y a des Albanais, des Kosovars, des Arméniens, etc. Moi-même, je suis kosovare.

Après, il y a des enfants qui sont malades et ils n’ont pas de solution dans leur pays d’origine. C’est pareil avec d’autres personnes aussi comme ma mère, elle a beaucoup de soucis de santé.

On est ici en France depuis deux ans et je vais à l’école depuis deux ans. J’ai eu le DELF (Diplôme d’études de la langue française) et le CFG (Certificat de formation générale) et l’ASSR 2 (Attestation scolaire de la sécurité routière). Après cette année, j’ai des bonnes notes en toutes les matières même en français j’ai eu la meilleure note de la classe.

Et je veux dire qu’en deux ans on n’a pas eu une réponse positive pour son dossier de maladie même si elle est suivie par l’hôpital. C’est quoi le problème ? Je sais pas pourquoi vous mélangez toutes les personnes en même temps. Je sais pas pourquoi les journaux disent n’importe quoi sur nous, comme par exemple sur un journal ils ont dit qu’ils vont envoyer beaucoup de personnes à Saint-Exupéry (l’aéroport) parce qu’ils ont pas besoin de rester ici en France.

Ils disent ça parce qu’ils ne savent pas tous les problèmes ou leur situation dans leur pays d’origine. S’ils ne savent pas c’est mieux qu’ils ne parlent pas de nous et des familles.

C’est tout de mon côté après chacun ses problèmes. J’espère qu’ils vont nous laisser avoir nos droits.

P.-S.

Soyons nombreuses et nombreux à les soutenir à Fourvière pour qu’ils et elles trouvent TOUTES ET TOUS un hébergement, à l’heure où les squats sont expulsés l’un après l’autre.

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