8/12/18 15h59
Aujourd’hui c’était la marche pour le climat. Une manif autorisée dont le trajet fut déclaré à la Préfecture.
Nous nous sommes retrouvé.es à 10h30 place Jean Macé. Il y avait pas mal de monde : surtout des citoyen·nes lambda, quelques gilets jaunes affiché·es, une vingtaine sur toute la place. Il y a des CRS mais pas beaucoup. 11h départ de la marche. Avenue Jean Jaurès, jusqu’à Saxe. Certains panneaux publicitaires JC Decaux ont été recouverts par des affiches sur le climat. Les slogans : “on est plus chauds, plus chauds, plus chauds que le climat”, “et 1, et 2, et 3 degrés, c’est un crime contre l’humanité”, "les petits pas, les petits pas, ça suffit pas", "fin du monde, fin du mois, même combat". Je discute avec des Gj-affiché·es pour savoir ce qu’iels font/pensent du mouvement.
Un peu avant Saxe-Gambetta, un groupe de Gj-affiché·es s’écarte du cortège principal, un mec au mégaphone, appelons-le Albert, annonce “les Gilets jaunes, rassemblement”. Iels veulent faire un autre trajet que celui prédéfini. Je leur demande si je peux les suivre même sans être Gj, iels me disent bien sûr. Ce petit cortège passe par-devant le gros cortège de la marche climat, cours Gambetta jusqu’au pont de Guillotière. C’est désordonné : nous marchons à une vitesse approximative, plusieurs personnes donnent des indications contradictoires (arrêtez-vous, ralentissez, d’autres accélèrent...), Albert n’a visiblement pas été désigné comme chef. Chacun fait sa sauce. Beaucoup de Gj sont resté·es avec le cortège principal. Les CRS font barrage sur le pont de Guillotière.
Nous sommes arrêté·es là une quinzaine de minutes. Iels veulent atteindre Bellecour, où des représentant·es des Gj ayant fait les blocages à Feyzin, Villefranche, Teo... nous attendent pour prendre la parole. Longue tergiversation sur le chemin à prendre. Finalement, Albert dit à tout le monde d’enlever son gilet, nous faisons le tour par le pont de l’Université. Là-bas il y a a une autre vingtaine de Gj. Temps de latence. Albert demande un rassemblement. Nous nous rapprochons. Il évoque la nécessité de communiquer mieux : en effet il y a eu des infos différentes quant à l’heure et au lieu la réunion, les Gj sont éparpillé·es. Il demande un·e volontaire pour gérer les réseaux sociaux des Gj Lyon. Je propose mon aide. Je suis applaudie. Je donne mon nom au mégaphone et je dis que je débarque et ne connais pas le mouvement. Un Gilet orange explique que des groupes Facebook existent déjà, nous décidons de nous parler après pour nous mettre d’accord sur la manière de procéder.
Nous partons en cortège rue de la République. Nous marchons dans le quartier presqu’île sans itinéraire prédéfini. Cordeliers, place de l’Opéra, place des Terreaux, place des Célestins, quais de Saône... entre 12h et 15h nous faisons plusieurs boucles en repassant systématiquement place Bellecour où d’autres Gj nous attendent à chaque fois. Des citoyen·nes nous rejoignent spontanément. Vers 14h nous sommes au moins 1000 selon mes estimations. Tout au long de la manifestation les flics (Police + CRS) sont présent·es mais nous regardent avec neutralité, voire sympathie pour certain·es policier·es. Aucune violence ni affontement. A 15h, à Guillotière, les CRS balancent des grenades lacrymo pour essayer de disperser les gens, qui pour la plupart restent groupé·es autour.
C’est un peu après que je suis partie.
Ce que j’ai perçu aujourd’hui...
Les Gj sont très énervé·es, mais complètement désordonné.es. Nous sommes parti·es en manif sauvage, qui a mal commencé (petit nombre), bien continué (augmentation au fil des boucles), et pas très bien fini (gaz lacrymo).
Pour ce qui est des valeurs, dans la première partie de manif iels gueulaient surtout pour leur pouvoir d’achat, contre l’évasion fiscale, pour qu’on arrête de taxer les petits. Slogans : “Macron, démission/rends l’pognon/en prison", “Macron si tu continues tu vas être pendu par la peau des fesses”, “les lyonnais en gilet”, “la police avec nous”. Iels ont aussi hué Starbucks qui ne paie pas d’impôts. 2e partie de manif, quand pas mal de gens de la marche climat nous avaient rejoint·es : “a-a-anticapitaliste”, “gilets jaunes, climat, même combat”. Hue sur McDo. Il y a eu un moment une marseillaise fut entonnée. Je me suis désolidarisée du groupe.
Le mouvement me semble extrêmement divers en terme de spectre politique. Des gens avec un drapeau français défilaient au même titre que des drapeaux anarchistes. Certain·es criaient “la police avec nous” tandis que d’autres disaient “les vrais casseurs, les vraies racailles, c’est les flics”. Une pancarte affichait “Ta Brigitte est p’t’être trop vieille, mais moi je veux des enfants”, un gilet “Macron, baise ta vieille (pas les français)”, mais en revanche, personne n’était là pour les contredire.
Ce mouvement est mystérieux en ce que je ne comprends pas comment il est né. Sans doute ne suis-je pas assez bien informée. Ce que je vois, c’est d’un coup, des gens de tous bords politiques qui se donnent rendez-vous avec un gilet d’automobiliste et commencent à bloquer des ronds-points. C’est un mouvement polymorphe, sans ligne directrice, donc ouvert : tout le monde peut être Gilet jaune.
J’invite donc les femmes, les personnes racisées, les personnes lgbt+, les personnes queer, qui se sentent concerné·es par le mouvement, intéressé·es par la révolte, l’insurrection et l’action politique sous toutes ses formes, à s’intéresser au mouvement, et à se poser la question suivante : si le mouvement est populaire, fragmentaire et ouvert, pourquoi ne pas apporter notre soutien et y porter nos propres revendications ? Nous confronter à leur énergie de lutte en apportant la nôtre, confronter nos idées sur le terrain ? Leur apporter notre soutien, nous battre pour eux, et qu’iels se battent aussi pour nous ? Bref : agir en allié·e·s les un.es des autres, pas en ennemi·es. Support your local gilet jaune.
Albert n’était couronné d’aucune légitimité par personne : c’était juste un type avec un mégaphone.
Become your local gilet jaune.
Marianne
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