7/12/18 - vers minuit
Ce soir j’ai été à la librairie la Gryffe à une discussion sur le mouvement des Gilets jaunes. Voici un petit résumé de ce que j’ai vu et entendu.
Pour cette discussion, pas de thème ni d’ordre du jour. La Gryffe n’est affiliée à aucune organisation ni parti politique, les gens présent.es étaient des citoyen·nes avec un désir de s’informer, de militer et/ou de se révolter contre le système en place (pour celleux qui ont pris la parole, en tout cas). Une libraire distribuait la parole. Nous étions une cinquantaine.
1. Qui sont-iels ?
Les Gilets jaunes sont un mouvement insurrectionnel spontané et inexpérimenté : une citoyenne a raconté son expérience de manif avec elleux, et parle de l’enthousiasme et de la détermination extrêmement forte qui se dégageait d’elleux. Une autre, résidente à Lyon et travaillant à Bourgoin-Jallieu, raconte qu’iels occupent les rond-points de 7h à 23h tous les jours depuis presque un mois.
Les Gilets jaunes sont nés d’une insurrection populaire : la classe moyenne, les gens dont la voiture est l’outil de travail premier, et à qui l’augmentation des taxes gouvernementales sur le carburant va enlever suffisamment d’argent qu’iels ne pourront plus vivre correctement. Une citoyenne dit que ce sont des gens en colère mais paumés politiquement, dépolitisés, beaucoup de droite, d’autres pas... mais dans un tel sentiment de ras-le-bol qu’iels ont décidé de prendre la rue.
Celleux qui les ont rencontré·es (1 citoyenne, en manif) ou en font partie (2 citoyens) parlent de personnes ouvert·es à la discussion, demandeurs d’échange et de débat politique.
Les Gilets jaunes ne sont pas une organisation : pas de porte parole officiel, personne à la tête, pas de ligne commune. La manière par laquelle sont nées les 42 revendications que vous avez peut-être lues est incertaine. Il y a une culture du secret qui s’est créée très rapidement autour de la circulation des informations (ex. échange par télégramme), a rapporté un citoyen.
Tolérance de l’Etat : si l’État a commencé par traiter le mouvement avec tolérance voire sympathie condescendante au début, les répressions policières sont maintenant extrêmement violentes (cf. Mantes-la-Jolie, Marseille), il y a eu beaucoup de blessé.es et même des mort·es.
Le mouvement des Gilets jaunes est d’une grande ampleur. Iels ont été rejoint.es par un mouvement étudiant et lycéen (blocages), et des grévistes de plusieurs professions.
2. Les critiques
Il est reproché aux Gj d’être anti-écolo : notamment la marche pour le climat qui s’est autoorganisée citoyennement, a traité avec méfiance et mépris le mouvement, a rapporté une citoyenne.
Il leur est reproché d’être des fachos, d’être xénophobes : en effet dans les 42 revendications qui ont émergés sur internet, 2 concernent les migrants et le droit d’asile et expriment un rejet nationaliste, selon les mots d’un citoyen.
3. Mon point de vue citoyen et afroféministe
Le mouvement des Gilets jaunes est désorganisé, hétérogène et polymorphe : c’est sa faiblesse, mais c’est aussi sa force. Si vous vous reconnaissez dans le rejet du système tel qu’il est, dans le rejet du gouvernement tel qu’il exerce son pouvoir, vous partagez la valeur de base des Gilets jaunes : Y’EN A MARRE, STOP.
Le mouvement est composé de gens de tous horizons et ouvert à toustes, n’importe qui peut se revendiquer des Gilets jaunes. Une citoyenne a dit : « je comprends l’attrait du mouvement, mais il suffit pas d’être tous en colère pour être tous ensemble ». Je pense qu’à un endroit, elle a tort : l’insurrection populaire qui a lieu ne peut pas être abandonnée par les personnes de gauche. Nous ne pouvons pas traiter ces gens avec mépris alors même que nous avons un objectif en commun : la fin des inégalités, de classe, mais pas que. La manière d’accéder à autre chose, et quel est cette autre chose, ce sont des questions qu’il faut nous poser, mais je pense qu’il est essentiel de soutenir les Gilets jaunes.
C’est un mouvement tellement nébuleux qu’il ne demande qu’à être approprié : approprions-nous le, allons à la rencontre de celleux qui s’insurgent, rencontrons-les, discutons avec eux, essayons de comprendre quelles sont leur revendications en tant que groupe et en tant qu’individu·es, servons-nous de cette énergie fédératrice pour, comme l’a justement formulé une citoyenne, « pousser nos luttes », activement, efficacement, humainement.
C’est déjà le cas du Claq (collectif queer parisien) qui a affiché son soutien, les Gilets jaunes antiracistes, le comité Adama...
4. La manif de demain, samedi 8 décembre
Demain a lieu une marche pour le climat. Départ 10h30 place Jean Macé. Il est prévu que des Gilets jaunes s’en mêlent. La police a fait 20 arrestations de Gj hier afin qu’iels soient le moins à être présent.es demain. 39000 policiers sont déployés sur le territoire métropolitain. Si les Gj foutent le zbeul, ça peut devenir violent. Iels ont une expérience de manif sauvage et fragmentaire, c’est grâce à ça qu’iels ont réussi à accéder aux Champs Élysées à Paris lors des premières manifs : iels partent en 4/5 petits groupes, font des itinéraires différents et échappent ainsi aux arrestations.
Si vous voulez manifester, embarquez du sérum phy, venez en noir et soyez prêt·es à courir.
Plein de bises révolutionnaires,
Marianne
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