Fichier SIVIC et fichage des manifestant·e·s à l’hôpital

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Le bruit d’un fichage des manifestant·e·s dans les hôpitaux courait depuis l’hiver. Cette semaine, le Canard Enchaîné a mis en lumière l’existence de ce fichier SiVic, utilisé dans les hôpitaux. Quelques infos complémentaires sur son origine, son fonctionnement, et ce qu’on peut faire pour en sortir.

À l’origine, ORSAN et le fichier SINUS

À l’origine le fichier SiVic est une partie du dispositif « ORSAN ». ORSAN (Organisation de la réponse du Système de santé en situations sanitaires exceptionnelles) a été créé en 2014 dans le but de répondre aux crises sanitaires importantes : il s’agit d’organiser les secours, les soins et la prévention, par exemple en cas de catastrophe climatique, d’épidémie de grande envergure, d’utilisation d’arme biologique ou nucléaire, d’attentat ou de catastrophe du même type…

Mais le fichier SiVic n’est pas le seul fichier mis en œuvre dans le cadre de ORSAN : Avant le fichier SiVic, existait, à Paris et en région parisienne seulement, le fichier SINUS (Système d’information numérique standardisé, Arrêté du 17 février 2010 du Ministre de l’intérieur) qui permet de délivrer à chaque victime un identifiant (un numéro) unique. Aujourd’hui, SINUS est étendu à l’ensemble du pays.
SINUS est mis en œuvre par les premiers secours (les pompiers en général). Ça consiste en donner un bracelet avec un code-barre à chaque victime. Son utilisation n’est pas rare, il est mis en place des dizaines de fois chaque année (par exemple en cas d’incendie ou de carambolage). Derrière le code-barre, des données personnelles et médicales sont enregistrées : nom, prénom, sexe, date de naissance, nationalité, profession, pathologies, hôpital qui prend en charge la personne, organes touchés.

SINUS est mis en œuvre par le préfet de police de Paris. Outre les personnels de soin, peuvent aussi accéder à l’ensemble des données les officiers de police judiciaire et agents de police judiciaire tant de la police que de la gendarmerie. Peuvent aussi y avoir accès les procureurs, juges et les associations de sécurité civile. Les données sont censées être conservées 1 mois.

Accès aux données et demandes d’effacement

Pour SINUS : pour accéder aux données, il faut écrire une lettre recommandée avec accusé de réception, accompagnée d’une copie de la pièce d’identité, au secrétariat général de la zone de défense et de sécurité de Paris (1bis rue de Lutèce, 75004 PARIS). On peut aussi demander l’effacement ou la rectification des données, à la même adresse.

Pour SiVic : pour avoir accès aux données personnelles nous concernant et contenues dans SiVic, chacun·e peut écrire une lettre recommandée avec accusé de réception, accompagnée d’une copie de sa pièce d’identité, à la Direction générale de la santé (14 avenue Duquesne, 75350 PARIS 07 SP). Pour demander l’effacement des données, c’est au même endroit !

Pour ces démarches, vous pouvez utiliser les lettres-types en pièce-jointe de cet article. N’oubliez pas de joindre une copie de la pièce d’identité, et de les envoyer en recommandé avec accusé de réception.

En 2018, création du fichier SIVIC

Aujourd’hui, SINUS est couplé avec le fameux fichier SiVic (Système d’Information des Victimes). SiVic a été créé en application de l’article L3131-9-1 du code de la santé publique et apparaît aux articles R3131-10-1 et R3131-10-2 du même code (décret n°2018-175 du 9 mars 2018). SiVic s’appuie sur SINUS : il utilise le même numéro unique par victime. Cependant, il n’est pas utilisé par les pompiers, mais par les personnels soignants : SAMU, personnels hospitaliers, etc.

SiVic n’est pas mis en œuvre par le préfet de police de Paris, mais par les hôpitaux, sous la responsabilité de la Ministre de la santé.

Les données récoltées dans SiVic sont les mêmes que dans SINUS, mais plus précises : nom, prénom, date de naissance, etc. ainsi que les pathologies et les soins en cours, et si la personne est hospitalisée ou non, si oui dans quel service de quel hôpital. Accessoirement, comme le publie le Canard Enchaîné le 24 avril 2019, y figurent aussi, lorsque la personne a été blessée au cours d’une manifestation, notamment à Paris : l’origine de la blessure (par exemple tir de LBD, coup de matraque, …) voire la couleur des chaussettes. À la base, c’est déjà scandaleux.

Ça le devient encore plus quand on voit qui peut consulter le fichier SiVic : cet accès est très large, et comprend les personnels du ministère de l’intérieur ainsi que ceux du ministère des affaires étrangères nommément désignés (article R3131-10-2 du code de la santé publique). Ainsi, SiVic est un outil de délation institutionnalisée et en temps réel, qui vise à ce que lorsqu’une personne va se faire soigner à l’hôpital, sa présence, son identité, ses blessures, voire son signalement (la manière dont elle est habillée) soient directement communiqués aux flics. Ces derniers n’ont alors qu’à venir la cueillir aux urgences , et les tentatives d’intimidations voire d’interrogatoires et d’interpellations dans des chambres d’hôpital sont courantes.

Officiellement, SiVic ne devrait pas servir à la délation en temps réel. De la même manière, officiellement, les données ne sont conservées que pendant la prise en charge de la personne.

Aujourd’hui, être pris·e en charge par les services de secours fait courir le risque de voir son nom se retrouver dans des fichiers de police, et être utilisé pour alimenter notes blanches, procédures et enquêtes à charge diverses et variées. Qui sait, si l’interdiction administrative de manifester avait été conservée dans la loi anti-casseurs, si une personne blessée n’aurait pas pu se trouver interdite de manif pour le seul motif d’avoir été hospitalisée au cours d’une manifestation « qui dégénère » ? Cette intuition et cette méfiance à l’égard des hôpitaux se trouvaient déjà chez bon nombre de gilets jaunes : la prolifération des équipes autonomes de médics et le recours à des modes de soin non-institutionnels s’expliquent d’autant mieux au vu des dernières actualités…

À Paris, Sébastien Maillet, qui a eu la main arrachée par une GLI-F4, devrait déposer plainte pour « collecte illicite de données à caractère personnel » et de « violation du secret professionnel » d’après son avocat Arié Alimi. Nous nous tenons à disposition de toute personne ayant été blessée sur Lyon et prise en charge par les services d’urgence les derniers mois pour l’accompagner dans l’accès à ses données et le cas échéant, porter plainte.

Pour contacter la caisse de solidarité : 06.43.08.50.32
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