Chaque mouvement de révolte laisse derrière lui une cohorte de manifestant.e.s arrêté.e.s et souvent condamné.e.s. Alors que 2023 et sa diagonale du feu (mouvement contre la réforme des retraites suivi des émeutes pour Nahel en passant par les journées de St Soline) est derrière nous, la première partie de l’année 2024 a connu une répression touchant beaucoup les activistes de la cause palestinienne : conférences interdites [1], IEP expulsé par la police, rassemblements pour la Palestine encore régulièrement interdits par la préfecture, sans compter les arrestations et les garde-à-vue liées à tout un tas d’actions.
Mais même dans ces situations d’écrasement, il reste toujours de la place pour manifester de la solidarité et ne pas laisser les inculpés à leur sort. Renforcer des liens, en créer de nouveaux, centraliser de l’argent pour être en mesure d’assurer une aide financière, se donner des billes pour mieux gérer de telles situations à l’avenir, indiquer un contact d’avocat, maintenir active l’envie de lutter, etc. c’est ce qu’essaie de faire la Caisse de solidarité au quotidien. Petit tour d’horizon non-exhaustif de quelques histoires s’étant présentées à nous ces derniers mois.
Pendant la réforme des retraites, Emmanuel [2] bloque son lycée (Juliette Récamier) avec d’autres élèves. Au cours d’un des blocages, la directrice appelle les forces de l’ordre. Arrivée sur place, une patrouille de police procède à un contrôle d’identité des lycéens. Emmanuel arrive à s’enfuir. Mais c’était sans compter sur la directrice-adjointe qui le dénonce comme ayant participé au blocage et donne son identité aux policiers présents ! En voilà une qui n’a pas attendu le « sursaut d’autorité » de Gabriel Attal pour cibler les contestataires et leur provoquer un maximum d’ennuis. Il est ainsi convoqué quelques temps plus tard au commissariat. Ayant décidé de garder le silence, il refuse également de donner son ADN. Au mois de mars 2024, soit un an après le mouvement, il reçoit deux amendes du Trésor public pour « dégradation légère » et « dissimulation volontaire du visage », soit 631 euros à régler. Le papier parle d’« un jugement du tribunal correctionnel » alors qu’il n’a jamais été convoqué... Assez cher payé pour s’être opposé à une réforme au pays de la marconie.
Au cours du mouvement qui a suivi la mort de Nahel, on a dénombré en seulement quelques jours un peu moins de cent cinquante interpellations (sur Lyon et la proche banlieue). Vingt-deux personnes ont été incarcérées dans les prisons de Corbas et de Villefranche. Presqu’un an après, la plupart sont sortis de détention mais pas tous. C’est le cas de Redouane toujours incarcéré à la maison d’arrêt de Corbas. Il s’est pris quinze mois ferme alors qu’un policier l’a savaté dans le magasin JD Sports de la presqu’île (dont la vitrine était déjà été défoncée). Ayant d’autres condamnations sur le dos (dont il n’était pas au courant) il est encore possible qu’il reste un an de plus en prison ! Sans-papier, il est aussi possible qu’il soit enfermé en CRA au terme de son enfermement à Corbas.
Fin novembre 2023 dans le quartier de Montchat, une banale dispute éclate entre deux automobilistes sur un parking au sujet d’une voiture qui gêne la sortie d’une autre. La situation s’envenime (insultes) et une des conductrices vient mettre un coup de pied dans la portière d’Iman. Iman sort de sa voiture et la conductrice, bientôt rejointe par sa mère, se jette sur elle et lui assène des coups de poing avant qu’un voisin ne vienne les séparer. Choquée, Iman remonte chez elle. Quinze minutes plus tard, des policiers de la BAC viennent frapper à la porte d’Iman : la conductrice était en fait une de leur collègue et ils lui demandent de la suivre (l’un rentre même chez elle). Iman est immédiatement placée en garde-à-vue (pour « menaces de mort » et « violences sur policier en service ») et n’en ressortira qu’au bout de 48h. Très éprouvée, elle se voit affichée un refus catégorique quand elle demande à porter plainte contre la policière. Un médecin lui prescrit 10 jours d’ITT. Elle est convoquée (en tant qu’accusée) pour un procès dans un an...
Dans la nuit du 11 au 12 février, un drapeau palestinien est peint sur les marches de la rue Sainte-Marie-des-Terreaux (1er arrondissement). Cinq personnes sont interpellées dans un véhicule à proximité. Sur elles, quelques traces de peinture. Elles sont immédiatement placées en garde-à-vue. S’en suivent des perquisitions au domicile de quatre d’entre elles [3]. Laissées libres sans poursuites pour l’heure, les interpellés ont néanmoins reçus des amendes pour infractions routières imaginaires (non-port de la ceinture de sécurité, non utilisation du clignotant, non respect des limitations de vitesse, soit plusieurs centaines d’euros). Les directives du ministère de l’intérieur sont bien appliquées : chaque action pour la Palestine donne lieu à une arrestation et une garde-à-vue pour intimider [4].
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