En commençant par les différents collectifs des familles des victimes qui, à chaque assassinat de plus, crient leur colère contre ce système politique qui défend la police au profit des victimes. Des familles entières s’arment de courage et affrontent les tribunaux, les administrations, les préfets pour stopper les vérités déguisées et rendre lumière sur ces assassinats par la police française.
En mémoire à Tina, Raouf, Umut, Wissam EL YAMNI, Abdelhakim AJIMI, Ali ZIRI, Lamine DIENG, Abou Bakari TAMDIA, Mamadou MAREGA, Abdel EL JABRI, Djamal GHERMAOUI, Lakhamy SAMOURA et Moushin SEHHOULI et à tous ceux et celles qui ont été victime de violences policières, des rappeurs se lèvent pour faire écho aux voix des familles.
Comme en renfort, en soutien à ce combat, le rap vient se solidariser à cette lutte et offrir un outil de plus au combat pour la justice et la vérité. Des rappeurs de différentes villes et de tous âges se sont mis à écrire pour dénoncer la situation de toute puissance policière dans les quartiers et surtout pour rendre hommage aux victimes, à leurs frères, à leurs amis tombés. Ce rap vient souvent des quartiers concernés, ce sont des jeunes et moins jeunes qui prennent le mic pour parler de leurs proches tombés sous les balles et les coups de la police, pour parler de la violence quotidienne qu’ils subissent.
Ce qu’il y a de différent dans ce rap, c’est que c’est un rap en réaction directe à une situation. Les rappeurs qui posent ici des rimes n’ont pas passé 8 ans à réfléchir, au contraire, les textes se posent ici sans imagination, sans fioritures. Les textes se posent comme on écrirait une brève dans un journal, il faut dire ce qu’il se passe, un point c’est tout. Les rappeurs de ce son en lutte contre la police ne sont pas des MC qui s’inventent des univers, ils parlent de leurs frères et sœurs assassinés, comme quelque chose d’hyper douloureux qu’il faut dénoncer, faire savoir.
Si le rap militant s’est beaucoup emparé de la thématique des violences policières, de près ou de loin parfois, ce rap dont on parle ici est différent car ce sont les principaux concernés qui s’expriment eux-mêmes, sur leurs proches et dans le respect des familles. Ce n’est pas quelque chose qui a été construit dans une démarche militante, c’est du rap en direct, en freestyle, fait et posé par les principaux concernés.
A Lyon : "Les 2 frères" pour Raouf et Tina
C’était une nuit d’hiver, 4 jeunes circulent dans une voiture volée, jusque là, juste des jeunes qui s’amusent. Sauf que cette nuit-là, la BAC – Brigade Anti Criminalité - décide de la jouer à la Gran Turismo. Les jeunes refusent de s’arrêter au contrôle et se font prendre en filature musclée par 5 voitures de la BAC. La chasse policière les conduit dans une impasse, l’impact sera meurtrier. Tina et Raouf n’avaient que 17 et 15 ans cette nuit où ils ont perdu la vie, et une troisième personne restera dans le coma plusieurs années.
Cela fait 5 ans que la mère de Tina se bat pour que justice soit faite, que la lumière soit enfin posée sur cette affaire qui fait l’objet de nombreuses zones d’ombres et d’une négation absolue de la responsabilité policière dans cet accident prémédité.
Ils sont de Paul Santy, Lyon 8e, quartier des Etats. Ils ont 15 et 16 ans et rappent depuis qu’ils ont 10 et 11 ans. Le rap, c’est « ce qui soulage », ça fait parti de leurs vies, tous les jours, c’est comme ça qu’ils sortent ce qu’ils ont à l’intérieur. Ils ont commencé à écrire, à rapper, à freestyler tôt. Au début, dans des ateliers d’écriture dans le centre social, et petit à petit, avec les plus grands, à poser avec d’autres rappeurs du quartier de Paul Santy.
Aujourd’hui, ils rappent à deux, à deux frères. Pour parler, du quartier, de l’avenir, de ceux qui partagent leurs vies, sur leur secteur / Lyon 8e, pour dire que ça dort pas, pour dénoncer ce qu’ils vivent et dire ce qu’ils veulent !
Après la mort de Tina et Raouf, leurs amis d’enfance, Minar et Derka ont fait un son en soutien au combat que mène la mère de Tina, Mme Mellaz Sebaa, et pour le Collectif de Solidarité Lyonnais. Ce son, c’est comme ils l’expliquent : « pour mobiliser les gens » contre la violence quotidienne de la police dans les quartiers, et en hommage à ceux et celles qui sont morts assassinés par ce qu’ils appellent des « bavures policières ». C’est un son « pour la cause », et surtout « pour les parents, pour les familles ». Pour que personne n’oublie, que les gens sachent. C’est d’ailleurs le Collectif Solidarité Lyonnais qui les a contactés pour définir un cadre au morceau qu’ils sortiraient. Il fallait que le texte respecte le combat des familles, qu’il le renforce et qu’il ne soit pas prétexte à problème avec une justice qui cherche la moindre faille pour décrédibiliser la lutte de cette mère.
Hommage de deux rappeurs de Lyon 8e à Tina et Raouf, deux jeunes assassinés par la police à Saint-Fons en février 2007.
A la mémoire de leurs amis et en soutien aux familles. Pour que rien ne soit oublié et que justice soit enfin rendue.
A Clermont-Ferrand, « 12 mesures pour Wissam »
A Clermont-Ferrand aussi, les rappeurs se sont mis en marche pour dénoncer les violences policières. En mai dernier, un son sort en hommage à Wissam El-Yamni, tué par la police le 9 janvier 2012 par les forces de l’ordre. Wissam avait trente ans quand un soir, lors d’un contrôle d’identité, il sera menotté, plaqué au sol puis roué de coups jusqu’au coma. Il meurt 9 jours plus tard à l’hôpital. En tentant de dépasser la douleur, les familles combattent depuis pour dénoncer les violences policières et pour réclamer justice.
Pour soutenir ce combat, douze rappeurs de Clermont proposent d’écrire un texte en hommage à Wissam, qui lui-même était rappeur quand il avait une quinzaine d’année. Comme pour les 2 frères, le collectif de soutien à la famille a envoyé une ligne directrice d’écriture, et les rappeurs ont composé dans le respect de la volonté des proches. Les rappeurs ont attendu plusieurs mois pour sortir le son, ils ont attendu que le deuil soit respecté, que les familles reprennent quelques forces pour combattre et démarrer les poursuites judiciaires.
Les MC’s : Dulim, Ted l’afro, Sami, Trk, Alchimiste, Yassin, Da Luz, Brahms, Mistral & Gaets (Metodik), Junior, Joe Natt, Fénix (Division Blindée), Vincenz (La Connecta).
« Hommage des rappeurs de Clermont-Ferrand & de sa région pour notre frère WISSAM parti trop tôt le 9 janvier 2012. En soutien à la famille El Yamni et pour que la justice passe. »
Dans d’autres villes aussi d’autres rappeurs et collectifs ont produit des sons en hommage à toutes les victimes des violences policières. L’objet de cet article est de rendre visible cette production rap locale qui accompagne le combat des familles. Très peu relayée, cette musique doit être entendue, soutenue, diffusée, car elle est la parole d’une jeunesse directement touchée et attaquée par cette traque de la police dans les quartiers.
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