1er Mai à Paris. La vidéo avait d’abord été diffusée sur BFM TV : une explosion énorme au niveau de la tête d’un gendarme. Il s’effondre immédiatement malgré son équipement. La chaîne de télé affirme alors en direct : « un policier s’écroule victime d’un jet de projectile ». Un commentateur ajoute « il s’agit d’un engin explosif ». Puis plus rien.
En effet, de nombreux internautes ont mis la vidéo au ralenti, et remarqué qu’en fait d’engin explosif, on voit distinctement une grenade mal lancée par un gendarme situé derrière la première ligne qui tombe à l’arrière du casque de l’agent blessé, et explose. Un lancer non seulement raté, mais totalement illégal, puisqu’il est effectué en cloche, au lieu d’être au raz du sol.
À partir de cette vidéo, nous avons établi qu’il s’agit d’une grenade de type ASSD, dite « assourdissante », composée d’explosif. Ces munitions ont été distribuées aux forces de l’ordre l’an dernier. C’est la grenade la plus puissante utilisée en maintien de l’ordre en France avec la GM2L, explosive également. Le fabricant de la grenade ASSD explique que l’explosion monte à environ 159 décibels dans un périmètre de 10 mètres [1]. Rien que le blast peut faire exploser des tympans. Lors de la diffusion de cette vidéo, nous nous interrogions sur l’état physique du gendarme.
Le journal Libération a enquêté. Et la gendarmerie est très gênée. Elle minimise : il « souffre de douleurs dorsales » et « son état de santé est en cours d’évaluation ». En réalité, Libération révèle que le gendarme souffre de plusieurs vertèbres cassées et qu’il présente un large hématome. C’est une blessure importante, dont il gardera probablement des séquelles à vie. C’est, de très loin, le blessé le plus grave côté forces de l’ordre depuis le début du mouvement.
Ce type de grenade peut tuer, arracher une main, envoyer des éclats dans les chairs. Les gendarmes sont équipés de casques balistiques très solides avec un protège nuque résistant, d’une armure et d’un gilet pare-balle. Sans ces protections, il ne fait aucun doute que cet homme serait mort, la colonne vertébrale arrachée. Par ailleurs, tous les gendarmes à proximité doivent, au minimum, avoir de graves lésions auditives.
Bizarrement, le monde médiatique est très discret sur cette blessure gravissime. Surtout en comparaison du policier « brûlé au deuxième degré » – donc sans séquelles importantes – par un cocktail Molotov dont les images sont diffusées sans cesse depuis lundi. Ici, un gendarme a failli mourir à cause d’une grenade de son collègue.
Pour rappel, on nous a parlé pendant des jours de gendarmes « gravement blessés » et « en urgence vitale absolue » lors des affrontements de Sainte-Soline. À l’antenne, les autorités disaient qu’elles n’avaient jamais vu un tel niveau de violence et des blessé-es aussi grave. Un porte-parole de la gendarmerie avait finalement avoué que le blessé le plus grave souffrait d’un simple hématome à la jambe. Rien à voir avec des vertèbres explosées.
En 2018, un policier s’était arraché la main à la Réunion lors du mouvement des Gilets Jaunes avec sa propre grenade. Des agents de la BAC de Nantes ou un policier de Rennes s’étaient sérieusement blessés la main avec les mêmes armes. Les données du ministère de l’intérieur indiquent que, de manière générale, 72% des agents blessés en mission l’ont été de façon accidentelle.
La plus grande menace pour l’intégrité physique des force de répression, ce sont leurs propres armes et leurs propres collègues. Mais cela est passé sous silence. Car cela reviendrait à reconnaître qu’on envoie sur la population civile des munitions de guerre qui peuvent mutiler ou tuer des hommes lourdement protégés.
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