Lors de la manif du 1er mai, la préfecture a organisé un maintien de l’ordre à la parisienne, avec de violentes charges récurrentes s’abattant sur ceux et celles qui tentaient de se constituer en cortège de tête. De nombreuses personnes ont été blessées et plusieurs dépôts de plainte sont en cours (notamment pour vol de téléphone), voir l’article à paraître de Surveillons-les. Certaines personnes ont été frappées pour avoir filmé les violences des flics. Qu’importe si l’article 24 de la loi Sécurité Globale n’interdit pas de filmer la police (pour rappel, la version finale de l’article 24 invente le délit de « provocation à l’identification d’un policier » mais n’est pas censé punir le fait d’enregistrer des images de policiers). Dans les faits, le passage de cette énième loi sécuritaire [1] renforce le sentiment d’impunité policière. Grâce à la solidarité, l’arrestation de personnes a pu être empêchée.
Cinq personnes ont été arrêtées et quatre ont été présentées au tribunal. Le lundi 3 mai, après de longues garde-à-vue, un manifestant est ressorti libre après un passage en composition pénale, deux sont ressorties sous contrôle judiciaire après avoir demandé un délai pour préparer leur défense et un autre avait été envoyé en prison après avoir lui aussi demandé un délai pour préparer sa défense.
À la suite d’une rapide demande de mise en liberté, cette personne a été libérée ce vendredi 14 mai en attente de son procès !!!
Pourquoi demander le report de la comparution immédiate ?
Souvent, lorsqu’on est arrêté.e en manifestation (et surtout le samedi), on fait une longue garde-à-vue et on est présenté le lundi en comparution immédiate. Ce genre de procès correspond à une justice d’abattage : les dossiers sont jugés rapidement, à la chaîne et les peines prononcées sont souvent lourdes. On se retrouve dans un environnement profondément hostile, sans recul sur ce qui vient de se passer, sans avoir pu discuter de la défense avec des camarades ou une caisse de solidarité. L’avocate a à peine eu le temps de prendre connaissance du dossier, et on a évidemment pas eu le temps d’apporter des témoignages et des vidéos en notre faveur, pour contrer la version policière.
Argument supplémentaire : la comparution immédiate est une arme politique qui vise à « faire des exemples » en se montrant sévère, pour mieux faire peur à l’ensemble des manifestant.es. Lorsqu’on est jugé 2 jours après une manif, on pâtit souvent des retombées médiatiques du week-end, et les juges peuvent se servir de nous pour « faire passer un message ».
Quand on demande un report de sa comparution (et c’est un droit non négociable), la juge décide de mesures censées garantir qu’on se présentera à notre procès. Concrètement, le risque à ce moment-là, c’est la détention provisoire : le fait d’aller en prison en attendant sa date de procès. Toutes les pièces qu’on peut présenter pour assurer de la stabilité de notre situation comptent : ça s’appelle les garanties de représentation. Évidemment, c’est un petit jeu désagréable de devoir montrer patte blanche aux yeux d’une justice de classe. On pense quand même que ça vaut le coup de s’éviter un passage en prison, et comparaître libre à notre futur procès influera pas mal sur son issue.
Les garanties de représentation regroupent des justificatifs de domicile (bail et/ou quittance de loyer, ), de travail (contrat de travail, bulletin de salaire, promesse d’embauche…) ou de situation (certificat d’études, attestation de la formation en cours…), des lettres de moralité (de profs, d’employeurs, d’associations où on file un coup de main…).
Il est à noter que l’ensemble des personnes déférées le 3 mai avaient au moins deux délits en commun qui leur étaient reprochés : « participation à un attroupement après les sommations » et « participation à un groupement en vue de préparer des violences volontaires, dégradations ou destructions »… Ces délits sont une traduction dans le droit de la limitation progressive du droit de manifester : ce sont les prétextes bien pratiques pour permettre de légitimer après coup n’importe quelle arrestation. Concrètement, personne n’a entendu les prétendues sommations qui auraient précédé les charges violentes qui ont démarré dès le début de la manif. Et puisque la manif a poursuivi son parcours jusqu’au bout, ce sont alors des milliers de personnes qui sont coupables du même délit, y compris les camions sono de la CGT. On attend les convocations. Quant au groupement, il doit être caractérisé matériellement, et en l’occurrence, les juges ont motivé à chaque fois la participation à un groupement par le fait d’avoir manifesté « en l’espèce, en se trouvant dans le cortège de tête regroupant les individus du type black bloc, munis de pancartes avec des clous et vis apparents, et tirant des mortiers ». Au-delà des mensonges éhontés (faire passer des pétards pour des mortiers), et des lubies bizarres (déjà pendant la lutte contre la loi Travail en 2016, les flics faisaient une fixette sur ces vis de banderoles ou de pancartes, « faites pour les blesser »), cette description vient criminaliser le seul fait de manifester dans des espaces comme le cortège de tête. Cette judiciarisation des intentions (se préparer à) et de la présence (se trouver dans le cortège de tête) se fait le relais, au sein du tribunal, de la stratégie policière dans la rue : briser les solidarités et blesser et arrêter tout ce qui remue un peu trop.
Dans la rue comme devant les juges, la solidarité est notre arme !
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