Ce samedi 2 mars, lors de la manifestation de l’acte XVI des Gilets Jaunes, nous avons vécu une situation nauséabonde. Sortis du bar le Wallace, une quarantaine de fascistes « matossés » ont commencé par faire une démonstration de force sur le pont de la Feuillé avant la place des Terreaux ; des Gilets Jaunes qui avaient décidé de s’attaquer à une banque se sont fait caillasser, insulter, puis agresser par un groupe d’une trentaine de fascistes à la hauteur de la place Guichard ; un manifestant d’origine africaine, un peu éméché, a été chassé de la manif à coup d’insultes racistes et de coups de poing sur la place Bellecour ; plus loin deux jeunes se sont fait encercler par quelques fascistes qui leur ont expliqué qu’ils devaient abandonner leur pancarte qui n’était pas à leur goût ; sans compter les nombreux.ses manifestant.es quittant, ou refusant de rentrer dans le cortège, après avoir vu ces mêmes militants fascistes armés se déplacer, et encadrer en toute impunité le cortège. Et à raison, le risque ce samedi était réel.
Après l’affrontement durant l’Acte XIII, le 9 février, une certaine accalmie s’était temporairement installée à Lyon. Les agressions quasi-systématiques qui étaient la réalité des manifestations durant le mois de janvier, ont en effet disparu des cortèges de ces dernières semaines. Les groupes d’extrême droite lyonnais, suite à l’image désastreuse causée par leur attaque inique, et face à la riposte d’une centaine de personnes qui leur ont fait face avec détermination, avaient presque disparu de la rue durant les deux dernières semaines. Un certain sentiment de victoire s’est installé chez les militants anti-racistes et anti-fascistes. Un sentiment qui a pour conséquence un relâchement aux conséquences nauséabondes. La rue ne se gagne malheureusement pas en une journée, et après deux semaines « tranquilles », le mouvement des Gilets Jaunes à Lyon a dû faire face à un déploiement en force de militant.es fascistes.
Et pourtant ils.elles étaient en infériorité numérique. Au maximum ils.elles devaient n’être que 80 dans une manifestation de 3.000 à 5.000 individus. Il y avaient dans le cortège des centaines de manifestant.es proches de groupes anti-racistes et anti-fascistes. Mais désorganisé.es, dispersé.es, et incapables de se regrouper sans risquer une attaque plus ou moins immédiate, rien n’a été fait contre l’encadrement fasciste de cette manif qui aura duré de 14h à 17h environ, avant la dispersion des groupes fascistes et une fin de manif tendue avec la police.
Bien mieux organisés, préparés, équipés de bar de fer, de parapluies, de gants plombés et de projectiles, le mouvement fasciste lyonnais a mis en place un encadrement structuré de la manifestation de samedi. Deux groupes d’une trentaine d’individus armés se sont placés au début et au centre de la manifestation. Ils utilisaient comme marque de ralliement un drapeau pirate et un drapeau tricolore. De plus des groupes de 3 à 5 troublions se sont disposés un peu partout pour faire de la surveillance. De tel manière qu’aucun endroit dans le vaste cortège n’était exsangue de leur contrôle. Exceptée peut être la fin de la manif qui, avec les heures, s’est étalée sur une distance de plus en plus étendue. Un tel dispositif ne peut être que la résultante, soit d’une division des différentes écoles du fascisme lyonnais en différentes officines qui refusent de se regrouper pour cause de division, soit, et le scénario est plus sombre, celle d’une organisation et d’une collaboration délibérée en vue d’attaquer un potentiel cortège anti-raciste et laver « l’affront » de l’acte XIII. Dans tous les cas les conséquences sont là, et le quadrillage de la rue par des militant.es violent.es et organisé.es pour en découdre est inacceptable.
Bien entendu, cela n’est pas nouveau dans le mouvement des Gilets Jaunes. Depuis le premier jour, les revendications sociales, économiques et démocratiques légitimes pour plus de justice sociale et de démocratie se mélangent à un certain nombre de pratiques et de revendications poujadistes, nationalistes, voir racistes et xénophobes. Ce mélange des genres est une raison de la division à gauche entre ceux qui refusent de participer au mouvement, voir qui le condamne, et certains groupes et militant.es qui ont décidé d’aller soutenir les franges progressistes du mouvement et combattre de l’intérieur ces dérives. Mais face au renforcement de la branche la plus violente des groupes d’extrême droite, et leurs interventions de plus en plus musclées contre ces militants qui ont décidé d’accompagner cette révolte sociale tout en condamnant et combattant les dérives racistes et nationalistes, nous risquons de voir semaine après semaine toute frange progressiste des Gilets Jaunes disparaître sous la menace.
Enfin il ne faut pas croire que cette situation est le soucis des « Gilets Jaunes », quel que soit leur bord politique, car même si demain toute la « gauche » décidait d’un commun accord que ce mouvement est à abandonner aux fascistes, l’expérience, l’organisation, les contacts, et l’assurance qu’auront gagné et concentré ces nouvelles milices brunes ne disparaîtront pas avec le dernier acte de ce mouvement. Une fois confiants dans leur force supposée, ces groupes ne s’arrêteront pas là, et nous devrons, à Lyon comme ailleurs, vivre en permanence sous la menace potentielle d’attaques fascistes. C’est pourquoi nous devons faire front aujourd’hui pour chasser les fascistes de nos rues.
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