Il n’y a pas vraiment de quoi être surpris. Toutes ces mesures sont dans la droite ligne de la politique sanitaire gouvernementale : assurer le fonctionnement de l’économie le plus normal possible. Que la crise du COVID ralentisse le moins possible la course du PIB et attendre le moment où il est déjà trop tard pour agir. Cette déclaration c’est finalement un bon résumé de cette année et demie de gestion du COVID. Non, ce qui est plus étonnant c’est bien certaines réactions qu’ont suscitées ces annonces.
La liberté d’autrui, loin d’être une limite ou la négation de ma liberté, en est au contraire la condition nécessaire et la confirmation.
Une des principales réactions a donc été d’en appeler à la liberté de se faire vacciner ou non, argüant de la libre disposition de son corps (qu’une partie, hypocrite, refuse quand il s’agit d’avortement ou de PMA, mais ce n’est pas le sujet). Mais de quel genre de liberté parle-t-on réellement ici ? Quel genre de liberté nous autorise à choisir en conscience de refuser de faire barrage à une maladie contagieuse. Dijoncté.info publiait, quelque temps avant que la pandémie commence à toucher l’Europe, un texte où on pouvait lire :
« Selon les philosophes libéraux, la liberté est la possibilité pour un individu de faire tout ce qu’il veut. Pour le philosophe Ruwen Ogien par exemple,« être libre n’est rien d’autre et de plus que le fait de ne pas être soumis à la volonté d’autrui ». Ce n’est pas faux. Quand on est soumis à la volonté d’autrui, on n’est pas libre. Mais c’est une drôle de façon de poser le problème qui oppose les individus les uns aux autres. » et plus loin il opposait « En effet, quelle valeur peut avoir ma liberté si elle repose sur l’asservissement des autres ? Au contraire, la liberté des autres étend la mienne à l’infini. C’est une conception optimiste de l’être humain, où le rôle des structures collectives n’est pas d’empêcher, mais de faire jouer collectivement des volontés individuelles, sans les opposer.[…] Dans cette conception, « avoir le droit », c’est être en capacité matérielle (et pas seulement théorique) d’exercer ce droit. C’est une conception concrète de la liberté, car une liberté abstraite n’est rien si les conditions de son exercice ne sont pas réunies. ».
À la suite de ces camarades, nous dirons que la liberté de refuser le vaccin c’est la liberté du renard dans le poulailler, c’est la liberté du plus fort de ne pas prendre en considération l’existence du plus faible. C’est le triomphe de l’idéologie bourgeoise qui veut que la liberté des uns ait pour limite celle des autres face à une conception collective de la liberté. Pour défendre ta liberté de refuser un traitement, on va étendre à l’infini la liberté de tous à être frappé par la maladie et avec elle la liberté de chacun de connaitre la mort ou l’infirmité. Ta liberté de ne pas te faire vacciner c’est la liberté des soignants de se retrouver encore une fois à être débordé, de devoir encore une fois s’exploser au travail. Ta liberté de te faire vacciner c’est finalement bien une liberté qui borne celle des autres. Et dans la mesure où après 3 milliards de doses injectées [1] il n’y a pas de raison sérieuse de douter de la relative fiabilité du vaccin, il semble bien que la liberté de tou·te·s ce soit d’attendre de chacun·e qu’il·le se vaccine et qu’il·le ait le moyen de le faire.
Alors bien sûr vous pourrez objecter, et vous aurez raison, que le passe sanitaire est lui clairement une mesure liberticide. Que donner un pouvoir de contrôle d’identité et sanitaire à tout un tas d’acteurs nouveaux est clairement problématique. Que refuser de se soumettre à ces contrôles semblerait des plus légitime. Vous pourrez parler de la société de contrôle que promeut ce passe sanitaire et si vous êtes un peu savant ou verbeux, vous pourrez même parler de biopouvoir. Vous pourrez aussi vous foutre de mon petit discours sur la liberté et me faire remarquer qu’il n’y a pas grand-chose d’une liberté collective dans la mise en place d’un laissé passer pour vaccinés.
À mon tour j’ajouterais que le gouvernement à beau jeu de se vexer que les gens renâclent à se vacciner quand il à lui-même été incapable de mettre en place une procédure accessible. Que son incapacité à tenir un discours franc et cohérent n’est pas pour rien dans l’absence de confiance de certains dans les vaccins contre le COVID. Que si ce n’était pas le même gouvernement qui nous avait dit que les masques sont inutiles, voire dangereux, avant de les rendre obligatoires nous n’en serions surement pas là. On n’en serait surement pas là non plus si le gouvernement n’avait pas refusé de contraindre le patronat à organiser le télétravail sur la durée, si les ministres chargés de l’enseignement n’avaient pas préféré débattre de l’islamogauchisme plutôt que des moyens de limiter les contaminations dans les environnements clos dont ils ont la charge… La liste des fautes du gouvernement pourrait faire plusieurs pages. Elles sont le résultat de la logique des pouvoirs depuis 30 ans qui visent à faire payer les problèmes à l’état et à faire encaisser les bénéfices par le secteur privé. Pourtant le passeport n’est ni plus ni moins liberticide que les confinements où on envoie tout le monde travailler.
C’est justement dans l’historique de cette gestion catastrophique de la crise que se place le passeport. Le passeport ce n’est finalement qu’une version améliorée de la logique de l’attestation, c’est l’aboutissement de l’approche punitive de la gestion des populations par les gouvernements néolibéraux.
Car c’est toute la gestion de la crise sanitaire qui réussit de manière brillante à être à la fois liberticide et inefficace. L’état, après avoir subit ces 30 dernières années une politique systématique de démantèlement, à été incapable de répondre aux enjeux sanitaires. La sécu et les ARS se sont montrées inefficaces pour organiser le soin comme la prévention. Le gouvernement a refusé d’imposer au patronat un vrai confinement envoyant les mêmes à qui on refusait toute vie sociale se contaminer dans les boites et dans les transports. On peut même croire qu’ils n’hésiteront pas à recommencer. En tout cas avec la réforme de l’assurance chômage et celle des retraites, ils nous ont déjà promis que c’est ceux qui travaillent qui finiront par payer la note pendant que le patronat s’engraisse.
Face à ça, notre réponse doit être construite, nous ne pouvons pas nous laisser dicter notre agenda par une bande de populistes et de complotistes. Ceux-là n’existent que pour s’engraisser de notre malheur. C’est notre solidarité de classe qui doit fonder notre réponse, nous devons exiger une vaccination accessible à tous et des mesures préventives. Le renforcement des capacités d’accueil des hôpitaux et une meilleure protection face à la crise sociale. Le retrait des mesures de contrôle des populations et la fin des mesures de confinement-travail. En sommes, nous devons nous organiser pour imposer la sortie de la logique capitaliste de gestion de crise. Cette crise du COVID comme les inondations, sècheresses et incendies qui peuplent l’actualité est les résultats de l’activité humaine organisée sous le règne du capitalisme, nous ne trouverons pas de solution sans changements radicaux. Si nous ne prenons pas rapidement le contrôle de l’imaginaire qui construit le monde d’après pour le peupler de notre solidarité et de notre pouvoir, nous serons condamnés à subir la crise.
Si vous désirez une image de l’avenir, imaginez la crise piétinant un visage humain… éternellement.
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