En avril dernier, nous publiions avec le Réseau d’Autodéfense Juridique Collective (RAJCOL) une analyse des conséquences de l’état d’urgence sanitaire dans notre quotidien
Depuis, un état d’urgence sanitaire a chassé l’autre, reconduisant une restriction similaire de nos droits, notamment en matière de défense. Cet article revient sur l’absence de publicité effective des débats à Lyon.
Deux textes encadrent les conditions actuelles de la publicité des audiences :
• L’ordonnance n° 2020-1401 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière pénale
• La circulaire CRIM-2020-22/H2-19.11.2020 présentant cette ordonnance
Ces textes prévoient que le président de séance puisse choisir, avant l’ouverture de l’audience, une publicité restreinte des débats, et du rendu de jugement. C’est le président du tribunal judiciaire qui définit les conditions d’accès aux salles d’audience et aux services du tribunal, en vue d’assurer le respect des règles sanitaires en vigueur.
Deux conditions à ces largesses : d’une part il est explicitement prévu que ces règles soient portées à la connaissance du public par voie d’affichage.
D’autre part, la circulaire précise : « Il convient de rappeler que les juridictions et les salles d’audience restent ouvertes au public. Par suite, les dispositions ici commentées ne sauraient permettre ni de fermer l’accès du public aux juridictions, ni d’en réserver l’accès aux seules personnes munies d’une convocation. »
De fait, à Lyon, les audiences ne sont plus publiques : nous avons pu constater à plusieurs reprises et contrairement aux dispositions de la circulaire, l’interdiction d’accès au tribunal sans convocation, et le filtrage quasi-total non seulement à l’entrée du tribunal, mais ensuite à l’entrée des salles d’audience.
A titre d’exemple, le lundi 9 novembre : une personne souhaitant assister aux audiences se voit interdire l’accès au tribunal dans son ensemble car elle n’a pas de convocation. Devant son insistance, le planton de l’accueil la menace de vérifier le motif de déplacement dérogatoire sur son attestation...
Le vendredi 20 novembre, plusieurs personnes observatrices sont empêchées d’entrer, malgré rappel par leurs soins, décret à l’appui, des conditions de publicité des audiences, au motif que trop de personnes sont convoquées en audience. L’affichage sur le palais de justice n’est pas à jour et ne précise pas les conditions d’entrée.
Le lundi 30 novembre dernier passait en comparution immédiate une personne arrêtée le samedi 28 novembre dans une manif contre la loi Sécurité Globale. Sa mère n’a pas pu assister à son procès, refoulée à l’entrée sous prétexte qu’elle n’avait pas de convocation.
Le jeudi 10 décembre dernier, lors du procès (qui a été reporté) des policiers ayant tabassé Arthur le frère de ce dernier n’a pas pu entrer dans la salle. A l’entrée du tribunal, les membres du Comité de liaison contre les violences policières ont par ailleurs constaté qu’un prévenu qui devait passer en procès mais n’avait pas sa convocation sur lui, se faisait refuser l’accès au tribunal par les policiers.
De fait, et ce jusque fin décembre au moins, le tribunal judiciaire de Lyon n’ouvre plus ses portes au public, hors convocation ou rendez-vous. Les audiences ne sont plus publiques, et l’affichage sur les conditions d’accès n’a été mis à jour que fin décembre.
Et ailleurs ?
A Marseille la publicité des audiences est également déniée puisque le tribunal judiciaire n’est accessible que sur convocation, et que les proches de justiciables sont eux aussi refusés à l’entrée.
(voir l’article de nos camarades :Sur Mars-infos-Autonomes)
A Paris, l’accès au tribunal se fait sur présentation de carte d’identité (et consultation des fichiers par les flics sur leur tablette). Dans les salles d’audience, la consigne est seulement de laisser un siège sur deux inoccupé.
A Caen, toutes les identités des personnes qui accèdent aux audiences sont notées sur une liste à l’entrée du tribunal par un vigile de sécurité privée. A la cour d’appel, les policiers se permettent même d’exiger la conservation des pièces d’identité durant les audiences, et ne les remettent qu’à la sortie.
En dehors du respect réglementaire du principe de la publicité des débats (fixé par les articles 400 à 405 du code de procédure pénale et l’article 433 du code de procédure civile), nous savons pertinemment, sensiblement ce qu’entraîne ce confinement de la justice : c’est la disparition pour le prévenu de cette solidarité, essentielle au moment de passer devant le juge, de se savoir accompagné par des camarades de lutte. C’est accepter que la justice soit rendue dans l’opacité, sans regard extérieur.
Concrètement, il est possible de se présenter au tribunal, muni.e de l’ordonnance suivante pour exiger de pouvoir assister librement aux audiences publiques : disponible sur légifrance
Un accès libre à tous et toutes ne peut se faire sur présentation de carte d’identité, refusons-la !
La caisse de solidarité
06.43.08.50.32
caissedesolidarite@riseup.net
Membre du Réseau d’Autodéfense Juridique Collective (RAJCOL) : https://rajcollective.noblogs.org/
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