Nous qui enseignons dans des établissements accueillant une majorité d’élèves issus de milieux populaires et scolarisés massivement dans des collèges REP et REP+, connaissons les besoins de nos élèves. Nos élèves peuvent réussir à condition qu’on leur offre un encadrement renforcé. Si l’on prend au sérieux la nécessité de lutter contre l’inégalité des chances scolaires, on ne peut attribuer les moyens des lycées en faisant abstraction de cette réalité.
Notre démarche se situe donc à deux niveaux :
- Au niveau rectoral. Nous demandons au Recteur de l’Académie de Lyon de porter une attention particulière à nos établissements dans l’attribution des moyens. D’une part dans l’attribution des dotations horaires globales. D’autre part dans l’affectation des personnels de vie scolaire (CPE, assistants d’éducation) et médico-sociaux (infirmier, assistant social).
- Au niveau national. Nous alertons Pap Ndiaye sur la nécessité de remettre à l’ordre du jour le retour des lycées dans le giron de l’éducation prioritaire.
Une action symbolique se déroulera à cette occasion : les deux précédents ministres (Najat Valaud Belkacem et Jean-Michel Blanquer) étant les fossoyeurs de l’éducation prioritaire en lycée, ils seront victimes d’un attentat pâtissier symbolique à l’image de celui subi - réellement cette fois - par Jean-Michel Blanquer. |
Cette lettre a été adoptée en réunion dans les lycées Jacques Brel de Vénissieux, Pierre Brossolette de Villeurbanne, Robert Doisneau de Vaulx-en-Velin, Frédéric Faÿs de Villeurbanne, Marcel Sembat de Vénissieux. Nous l’envoyons ce jour par la voie hiérarchique et ce de manière coordonnée.
Nous voulons prendre au mot le nouveau ministre qui se présente comme un enfant de la méritocratie et vante dans chacune de ses interventions la nécessité de combattre l’inégalité des chances. Les lycées sont sortis il y a déjà près de 5 ans du dispositif de l’éducation prioritaire ; ce qui fait que nos lycées de quartiers populaires ne bénéficient plus de moyens supplémentaires pour accompagner les élèves et réduire les effectifs par classe. Or la majeure partie de nos élèves est issue des collèges REP et REP+. Nous exigeons donc, au nom de l’égalité des chances que promeut notre nouveau ministre, une relance de l’éducation prioritaire pour les lycées des quartiers populaires.
Un rassemblement des lycées signataires de la lettre, soutenus par d’autres établissements et plusieurs organisations syndicales, aura lieu le mardi 14 juin à 13h devant le Rectorat du Rhône.
Lettre ouverte au Ministre de l’éducation Pap Ndiaye
Monsieur le Ministre,
La France est régulièrement épinglée dans les enquêtes internationales pour le caractère profondément inégalitaire de son système scolaire. C’est un constat terrible : loin d’ouvrir à chacun·e une destinée sociale déconnectée de son origine, l’école reproduit les inégalités de naissance. La lutte contre cette situation inacceptable devrait présider à toutes les politiques scolaires, guider toutes les réformes.
Nous, qui enseignons dans des lycées accueillant une majorité d’élèves de milieux populaires - le plus souvent issus des collèges REP et REP+, concentrant les difficultés sociales et scolaires -, savons l’importance de disposer de moyens supplémentaires pour réduire les effectifs par classe et augmenter le temps d’apprentissage. Nous savons également la nécessité de développer divers projets de soutiens à nos élèves et d’ouverture culturelle. Nous savons enfin que l’efficacité de nos lycées repose sur le travail collectif d’équipes pédagogiques stables et expérimentées. Nous le savons, car nous y exerçons chaque jour.
Après 5 années de réformes Blanquer, au cours desquelles rien n’a été fait pour nos établissements, nous constatons la souffrance de nos élèves et de nos collègues. Dans nos établissements plus qu’ailleurs, l’aggravation des inégalités sociales, la dégradation constante des conditions d’apprentissage des lycéen·ne·s, des conditions de travail des enseignant·e·s et de l’ensemble des
personnels socio-éducatifs ont des effets directs sur la santé physique et psychologique des élèves et des personnels. Cette année encore, nous ne comptons plus les incidents graves, entre élèves ou entre élèves et personnels. Cette année encore, nous avons constaté que les APM (Allocations Progressives de Moyens) qui sont censées répondre à la « spécificité » de nos publics, se
réduisent comme peau de chagrin. Cette année encore, nous avons pu constater le mépris de notre hiérarchie face aux multiples alertes et aux dysfonctionnements chroniques que nous n’avons eu de cesse de dénoncer (personnels de direction et collègues non remplacé·e·s, CPE manquant·e·s, manque criant d’AESH, d’AED, de personnels socio-éducatifs...).
Ces cinq dernières années, nous avons attendu des réponses à nos questions concernant l’éducation prioritaire en lycée. À quand une véritable prise en compte des difficultés spécifiques de nos établissements ? À quand une véritable prise en compte des besoins de nos élèves, majoritairement issu·e·s des quartiers populaires et des collèges REP ou REP + ?
M. le Ministre, il est urgent de vous atteler à cette question. Les moyens accordés pour les CP et CE1 en REP et REP+ ne suffisent pas à masquer l’abandon dont sont victimes les générations actuelles de lycéen·ne·s de milieux populaires scolarisé·e·s dans nos lycées.
C’est pourquoi nous demandons un véritable statut « d’éducation prioritaire » pour nos lycées, matérialisé par la publication d’une carte des lycées en bénéficiant, avec :
des seuils fixes et clairs concernant les effectifs par classe (25 élèves maximum en Seconde GT et en voie Technologique ; 30 élèves maximum en Première et en Terminale Générales ; 12 élèves en CAP, 15 élèves en 3e prépa métiers, 24 en bac pro) ;
des moyens supplémentaires conséquents, en heures-poste, pour dédoubler les classes et réaliser les projets pédagogiques dont nos élèves ont besoin ;
des embauches massives de personnels de vie scolaire, de personnels médicaux et socio-éducatifs (infirmier·e·s, assistant·e·s sociales/sociaux, médecin scolaire) ;
un système de bonifications et de primes pour tous les personnels exerçant dans nos lycées de manière à stabiliser les équipes et rendre nos métiers attractifs ;
des moyens pour l’éducation socio-culturelle dans un contexte de coupes budgétaires sévères au niveau régional.
Au-delà de nos lycées, ce sont des dizaines d’autres établissements en France qui sont au bord de l’implosion. Nous ne pouvons pas attendre 5 ans de plus. Nos élèves et leurs familles non plus. Il est temps que les moyens soient alloués en fonction des besoins des élèves et de la communauté éducative, et non en fonction de logiques budgétaires injustes qui creusent depuis tant d’années déjà les inégalités, au détriment de nos élèves.
Frédéric Faÿs (Villeurbanne) et Marcel Sembat (Vénissieux).
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