Le site du Progrès nous l’apprenait hier soir : un ouvrier a été « victime d’un malaise mortel », mercredi après-midi, à Décines. Autrement dit, il est mort sur le chantier du stade contesté au 6000 places VIP.
Pour le journal lyonnais, l’enquête a été rondement menée puisque le quotidien peut déjà affirmer, moins de 24 h après, qu’« aucun manquement à la sécurité n’a été constaté sur le chantier ». Plus fort encore, Metro News qui publie l’info en rajoutant les condoléances déplacées d’un des joueurs multimillionnaires du club, classe le drame en « Fait divers ».
Ni l’un ni l’autre ne s’interroge bien évidemment sur les conditions de travail de cet ouvrier, polonais précisent-ils, et qui fait donc partie des salariés détachés venus d’autres pays de l’Union Européenne, employés massivement par les patrons du BTP. Et bien entendu payés moins cher, en l’occurrence par Vinci. Il serait intéressant de connaître le salaire de cet ouvrier et le nombre d’heures qu’il devait faire chaque jour pour toucher un salaire décent.
Les patrons du bâtiment sont les plus gros employeurs de salariés détachés, qui représentent 37% de leurs ouvriers rappelle un gros article que le journal La Croix avait publié fin 2013.
En effet, la concurrence légale sur les charges sociales se double souvent d’une concurrence frauduleuse. Premier type d’abus : la sous-déclaration. Le ministère du travail estime que seul un détachement sur quatre ou sur cinq serait déclaré.
Autre type d’abus courant : le sous-paiement des heures de travail. « Dans le secteur de la viande, où on a vu des travailleurs détachés arriver dès 2006-2007, les ouvriers sont payés 35 heures mais ils font 40, 42, voire 45 heures. Ça descend le taux horaire bien en dessous du smic, explique Yannick Ledoussal, syndicaliste à la FGA‑CFDT. Il arrive aussi que les charges sociales qui sont censées être payées dans les pays d’origine ne le soient jamais, et dans ce cas le salarié n’a aucun droit. »
« Normalement, l’entreprise doit respecter non seulement le salaire minimal et le temps de travail, mais aussi la convention collective », ajoute le syndicaliste auvergnat Laurent Dias, de retour d’une visite sur le chantier du futur hôtel de région. « Mais ce matin encore, j’ai vu des contrats à 48 heures pour 700 € brut. » Souvent, cependant, ces salaires de base sont complétés par des allocations de détachement, mais celles-ci sont parfois amputées de frais de transport ou d’hébergement, pourtant à la charge de l’employeur.Dans ces conditions, la sécurité des travailleurs détachés n’est pas toujours assurée. Sur le chantier Bouygues de l’EPR de Flamanville, où opère une cascade de sous-traitants, une petite quarantaine d’accidents du travail n’auraient pas été déclarés.
Pour le plus grand plaisir de Vinci, aucun des journaux ne fait évidemment le lien avec la situation des travailleurs détachés. Pourtant il y a des précédents, avec des éléments similaires : un grand stade, construit par Vinci. Deux minutes de recherche sur le net, et hop tu tombes dessus : plusieurs polonais sont décédés lors de la construction du stade de Nice par Vinci. Fakir raconte ainsi, à partir des infos du Monde, à l’occasion d’une AG des actionnaires du géant du BTP :
Et bien voilà :
sur le chantier du stade de Nice, deux Polonais sont morts à quelques jours d’intervalle. « L’un, de 54 ans, a fait un AVC, le second, âgé de 64 ans, responsable de la sécurité, a fait une chute de six mètres. » À la suite de ce drame, l’inspection du travail a stoppé le chantier. Elle a contraint Vinci à « imposer au sous-traient polonais que tous soient payés selon la convention collective du bâtiment français ». La Commission nationale de lutte contre le travail illégal note que « ces situations de fraude sont en forte croissance, ont pris des formes de plus en plus complexes et de plus grande ampleur pour répondre à de véritables stratégies économiques et financières. » À quand une traduction de la charte éthique de Vinci en polonais ?
Dans l’article de La Croix, un délégué syndical expliquait : « La vie de l’ouvrier détaché, ça ressemble parfois à de l’esclavage moderne ».
Pour les journaleux qui bossent main dans la main avec les patrons et l’OL, il ne s’agit que d’un simple malaise mortel.
Il est effectivement plus simple et plus vendeur d’établir un classement raciste de la délinquance que d’enquêter deux secondes sur l’exploitation des travailleurs étrangers.
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