Monsieur le Ministre,
Sur France Culture, lors de votre intervention du 19 décembre, vous avez déclaré qu’à votre connaissance il n’y avait plus d’enfants à la rue, que M. le maire de Lyon, Grégory Doucet, vous aurait affirmé que tous les enfants étaient hébergés dans des écoles ou dans des gymnases.
Ces propos nous ont laissés sans voix.
Nous souhaitons aujourd’hui rétablir quelques faits.
Rappelons pour commencer que l’État n’héberge pas, ou peu.
Depuis le 13 décembre, jour du plan déclenchement Grand Froid par la préfecture de Lyon, seuls 24 enfants ont été orientés par la Maison de la veille sociale : il en reste aujourd’hui 270 !
Ce chiffre est uniquement le fruit du comptage de notre collectif, Jamais sans toit : nous sommes donc très probablement en dessous de la réalité. Notons d’ailleurs que ce chiffre ne prend pas en compte les mineurs isolés non hébergés.
Ainsi, au premier jour de l’hiver :
- 215 enfants sont encore dehors dans la métropole de Lyon.
- 3 enfants sont mis à l’abri dans une école qui demeure occupée à Lyon.
- 36 enfants sont abrités par la mairie de Lyon, mais seulement pour les vacances, dans le gymnase Chanfray.
- 16 enfants sont dans les écoles mises à disposition par la mairie de Villeurbanne.
Peut-on donc vraiment considérer que le problème des enfants sans toit est réglé à Lyon ?
Par ailleurs, au moment même où la mairie ouvre un gymnase à quelques familles, nous apprenons qu’elle ferme les portes du gymnase Dargent dédié aux mineurs isolés, sans pour autant leur garantir à tous un hébergement.
Jamais sans toit est solidaire de ces enfants aussi, et nous ne pouvons que nous insurger contre cette politique qui consiste à reprendre d’une main ce que l’on donne de l’autre.
De plus, il faut bien avoir en tête que les mairies n’hébergent que les familles qui avaient été abritées par les écoles occupées. Nous rappelons aussi qu’elles ont annoncé ne prendre le relais de ces écoles que pour les vacances scolaires !
Ainsi le gymnase Chanfray refermera-t-il ses portes dès le 3 janvier. Ces enfants qui sont pour l’instant hébergés par la Ville – et non par l’État comme la loi le stipule – sont censés retourner à la rentrée dans les écoles occupées.
Les mairies semblent donc considérer que c’est aux citoyens qui se sont mobilisés jusqu’ici qu’incombe indéfiniment le rôle de mettre à l’abri ces familles.
Or, nous refusons de pallier plus longtemps l’incurie et la négligence honteuse de la France envers ces enfants laissés pour compte.
Reprécisons ici ce qu’est une occupation d’école : c’est la réquisition, illégale, de bâtiments scolaires la nuit pour mettre des familles à l’abri.
Ces réquisitions sont faites parce que des familles entières dorment dehors, parce que des enfants de 3 ans sortant de la protection de l’enfance de la Métropole sont remis à la rue, même au mois de décembre, et que l’État ne prend toujours pas le relais.
Ces réquisitions, faut-il vraiment le préciser, limitent le nombre de morts à la rue chaque année.
Ces réquisitions sont faites par des enseignants et des parents d’élèves qui en plus de leur travail, accompagnent ces familles le soir et la nuit. Tous sont aujourd’hui épuisés.
Les écoles que nous avons occupées temporairement pour protéger et alerter ne sont en aucun cas des centres d’hébergement. Il est inadmissible que l’État fasse peser sur nos épaules le poids de son incompétence en la matière.
Nous répétons que 270 enfants sont aujourd’hui en attente d’un hébergement d’urgence par l’État ; que seulement une vingtaine d’enfants a été mise à l’abri depuis le 13 décembre. C’est une goutte d’eau dans la mer. Bien loin du « plus d’enfant à la rue », nous sommes plutôt dans une situation de « beaucoup plus d’enfants à la rue » par rapport à l’année dernière à la même époque.
Nous portons à votre connaissance ces chiffres dramatiques et nous vous invitons à venir au plus vite à Lyon, ou alors à vous mettre en relation avec le SIAO de notre Métropole.
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