« J’ai manifesté avec des moyens que j’estimais légitimes, et j’ai fui ma condamnation car je la savais injuste. »
Vincenzo Vecchi
Le 13 juillet 2012, Vincenzo Vecchi a été condamné en Italie à douze ans et demi de prison pour sa participation aux manifestations du contre-sommet du G8 à Gênes en 2001. Exilé et arrêté en France à l’été 2019, l’Italie demande depuis au gouvernement français son extradition. Les deux mandats d’arrêt européens émis à son encontre par l’Italie ont été déclarés inapplicables par deux cours d’appel (Rennes puis Angers) avant que le procureur ne se pourvoie en cassation.
La Cour de cassation a demandé à la Cour de justice de l’Union Européenne de se prononcer sur la question : cette dernière a jugé que la France était tenue d’exécuter le mandat d’arrêt, quand bien même le délit de « saccage et dévastation » italien n’a pas d’équivalent en France. Vincenzo doit donc repasser devant la Cour d’appel de Lyon ce vendredi 24 février.
Comment comprendre un tel acharnement répressif pour des manifestations vieilles de deux décennies ? L’épée de Damoclès qui plane au dessus de la tête de Vincenzo est liée au mouvement de répression des manifestations contre le sommet du G8 de Gênes de 2001. Ce sommet réunissait à l’époque le gratin des représentants du monde occidental (Blair, Bush, Poutine, Berlusconi et consorts). La répression a été directe, sur le moment, avec la mort de Carlo Giuliani, abattu d’une balle en pleine tête par un carabinier, plus de 600 blessé·es du côté manifestant, et plusieurs dizaines de cas de séquestration, avec tortures et viols suite à l’assaut policier contre l’école Diaz. Amnesty International qualifiait alors l’action de la police de « plus grande violation des droits humains et démocratiques dans un pays occidental depuis la seconde guerre mondiale ». Puis l’acharnement répressif a continué dans le temps, avec son lot de discours de dissociation (de journalistes, d’organisations politiques, associatives…), d’enquêtes et de procès. Dix ans plus tard, sur les centaines de milliers de manifestant·es qui ont participé à ces journées, vingt-cinq sont accusé·es de « saccage et dévastation » et « concours moral ». Ils et elles ont écopé de peines de six à quinze ans de prison. Parmi eux, Vincenzo qui avait choisi à l’époque de fuir l’Italie.
La machine étatique est toujours rancunière. La sévérité des peines est liée au sentiment de vengeance qu’a animé le parti de l’ordre devant l’outrage qu’a représenté la révolte de Gênes : deux ans après les émeutes de Seattle (1999), plus de 300 000 personnes affluent pour attaquer la réunion des puissants de ce monde. Juridiquement parlant, cette répression utilise une vieille loi émanant du code Rocco établi en 1930 par le régime fasciste de Mussolini : le délit de « dévastation et saccage », passible de huit à quinze ans de prison n’implique pas d’avoir commis tel ou tel fait mais d’avoir seulement été présent·e sur les lieux d’une émeute. Adopté à l’origine pour lutter contre le mouvement ouvrier et les syndicats, elle a été réactivée à partir des années 2000 pour lutter contre les mouvements de révolte qui ont traversé la société italienne (manifestations contre l’austérité, mouvement No-Tav, certains groupes anarchistes, etc.).
Vincenzo a été arrêté par une brigade de recherche spécialisée dans la traque des fugitifs·ves en juillet 2019, dix-huit ans après le contre-sommet de Gênes. Depuis, les G7 ont continué. Ils se déroulent désormais dans de petites localités et sont de plus en plus cadenassés par la police, comme le dernier à Biarritz (2019) où la contestation n’était pratiquement plus tolérée. Ce qui fait écho aux récentes lois et à l’atmosphère de l’époque : une tentative de verrouillage des possibilités même de conflictualité à l’aide de tout un ensemble de lois. On pense à la pénalisation de l’intrusion dans les établissements d’enseignement supérieur pour y « troubler la tranquillité », le « service minimum » dans les transports, la loi « anti-casseurs » votée pendant les gilets jaunes qui judiciarise la dissimulation du visage et autorise les amendes en cas de manifestations « non-déclarées » ou interdites, la dernière loi LOPMI qui prévoit des amendes de plusieurs centaines d’euros pour occupation de son « lieu d’étude » ou « entrave à la circulation »...
Nous nous rappelons l’audace et le courage des manifestant·es à Gênes. Même avec face à eux et elles, des milliers de policiers, les médias et les politiciens de tout bord, ils et elles sont parti·es à l’assaut du ciel, ont tenté de pénétrer dans la zone rouge, sont allé·es affronter la police, attaquer les banques et la prison de la ville. Comme aujourd’hui, les gens continuent de sortir dans la rue pour défendre d’autres mondes et se dresser contre celui-là. Être fidèles aujourd’hui à ce qui s’est tenté pendant ces journées de juillet 2001, c’est d’abord ne pas oublier cette révolte contagieuse qui a stupéfait les puissants de ce monde et fournir toute notre solidarité et notre bienveillance avec les manifestants toujours inculpés.
Ce vendredi 24 février, RDV à 10h30 devant le Palais de Justice (24 Colonnes) rue du Palais de Justice, 69005 Lyon.
Boissons chaudes, grignotages, et prises de parole de membres du Comité de soutien à Vincenzo de Rochefort-sur-Terre : https://www.comite-soutien-vincenzo.org/
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