Le 17 mars 2020 sonne l’heure du confinement et du renoncement à certaines pratiques militantes. S’annonçaient des semaines sans manifs, sans fêtes, sans réunions, sans spectacles, sans chorales. Certaines devaient travailler quand même, dehors ou depuis chez elles, d’autres étudiaient, d’autres s’occupaient de leurs proches. Certaines étaient confinées avec des proches, d’autres dans une solitude parfois difficile.
L’envie est venue de lire ensemble. Une camarade a mis en ligne plusieurs autrices féministes, dont les œuvres de Monique Wittig.
Certaines d’entre nous connaissaient bien son œuvre littéraire, d’autres ses apports décisifs au féminisme, d’autres en avaient seulement entendu parler. Confinées dans nos appartements, nos colocs, nos familles, nous nous sommes enregistrées avec nos téléphones ou des enregistreurs en ligne, nous répartissant le « travail » de lecture, nous écoutant les unes les autres. Au montage, l’une d’entre nous, totalement débutante, avec juste l’envie de faire entendre ce texte poétique, subversif, fort, violent et libérateur, avec nos voix et en musique.
Le résultat, ce sont des heures de lecture, ça crépite et ça souffle entre les mots. La folk, la pop, les musiques de film, le rap et le post-punk sont là pour porter le souffle de ce récit étrange et lyrique. Le dernier épisode, choral, avec des voix qui résonnent ensemble, font chœur ou écho, résume bien notre envie : se réentendre ensemble, avec nos voix singulières et différentes, portant les mêmes mots, se répondant, se soutenant.
Chacune a interprété les pages qui lui avaient été attribuées, donnant un tour théâtral au texte de Wittig ou le laissant nous traverser en prêtant juste nos voix. Cinq d’entre nous ont écrit une introduction qui ouvre les épisodes (1-1, 2-1 etc.), pour lui composer un écho poétique d’aujourd’hui, le relier à la subversion profonde de son autrice, dire comment cette petite récréation créative de confinement s’ancre dans nos féminismes.
On a ri, aussi, à nous entendre pester contre nos langues qui fourchent et contre les phrases qu’on massacre. C’était lumineux et tendre, et très en colère. Un serin vert et des camarades.
On a pris énormément de plaisir à s’entendre à distance, mais finalement à construire ensemble, à se redonner de la force par nos voix mêlées. On espère que ces 16 épisodes vous donneront autant de plaisir qu’à nous !
https://radiocanut.org/emissions/emissions-speciales/article/les-guerilleres-de-monique-wittig
Ce que Monique Wittig disait elle-même des Guérillères :
“Mon but a été de faire que le elles arrive comme un choc pour le lecteur, comme une surprise ; Puisqu’elles tient tout le récit il doit s’en suivre une sorte de désorientation. Le lecteur entre dans un livre et se trouve confronté avec un elles qui n’est pas familier, pas ordinaire et qui est nouveau et héroïque. En tout cas, c’est ce qui m’a guidée et l’espoir que ce elles pourrait situer le lecteur dans un espace au-delà des catégories de sexe pour la durée du livre. C’est peut-être ici que réside l’utopie.”
Monique Wittig, « Quelques remarques sur Les Guérillères », L’Esprit créateur (hiver 1994)."
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