Le drapeau et l’étoile

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Palestine

Mi-octobre, en réaction au génocide en cours à Gaza, Mathieu* a spontanément accroché un drapeau de la Palestine à sa fenêtre. Le matin du 31 octobre, en sortant de chez lui, il découvre sur sa porte d’entrée une étoile de David taguée en rose fluo. La suite est ubuesque.

Mi-octobre, en réaction au génocide en cours à Gaza, Mathieu* a spontanément accroché un drapeau de la Palestine à sa fenêtre.

Le matin du 31 octobre, en sortant de chez lui, il découvre sur sa porte d’entrée une étoile de David taguée en rose fluo. En descendant les escaliers de son immeuble, il constate la présence de six autres étoiles de David, peintes sur les murs de chaque étage, de deux mètres de hauteur, et une inscription « ISRAEL » d’un mètre de large. Un véritable chemin tracé jusqu’à sa porte d’entrée, la seule ciblée de cet immeuble comptant 11 appartements.

Les faits ont été commis en pleine matinée, entre 9h et 10h15 ; la police nationale, appelée par le voisinage, est venue constater les faits dans l’après-midi. "Ils venaient pour constater une menace antisémite. Ils ont eu du mal à entendre que je n’étais pas de confession juive, que ces tags étaient pro-israéliens. Même quand je leur ai dit qu’un drapeau palestinien était accroché à ma fenêtre, visible depuis la rue. Déjà, j’ai senti que leur grille de lecture ne pouvait pas sortir de la binarité."

"J’ai ensuite discuté avec quelques un.es de mes voisin.es, lesquel.les ont exprimé une peur légitime."

Le lendemain, Mathieu est allé porter plainte au commissariat, pénible étape nécessaire pour la prise en charge de la remise en état de sa porte par son assurance. Mais aussi dans le souci de laisser une trace au cas où ce fâcheux épisode aurait à connaître une suite, dans un contexte où les médias se font bien moins volontiers le relai des attaques pro-sionistes ou islamophobes que des attaques antisémites.

Après une bonne heure d’attente, il a pu être auditionné par une agente de police.

« La première chose que m’a dite la personne qui a pris ma plainte, c’est que je pourrais être poursuivi pour incitation à la haine raciale. Elle avait un ton très agressif. Elle m’a affirmé que mettre un drapeau palestinien à ma fenêtre était illégal, or une avocate m’a confirmé que ce n’était pas vrai.

Elle m’a ensuite redemandé si j’étais de confession israélite, parce que « ce sont d’habitude les personnes de confession juives qui sont victimes de dégradation ». Je lui ai répondu que non, et j’ai du une fois encore répéter, qu’en l’occurrence, ces inscriptions étaient pro-israéliennes, vu la présence du drapeau Palestinien à ma fenêtre, et que le gros tag « Israël » dans l’allée le confirmait.

Mais elle m’a rétorqué que les directives de Paris étaient très claires, que les étoiles de David étaient « la cible des communautés juives ». Sa grille de lecture complètement binaire ne laissait aucune place à plus de complexité.

Tout le long, en m’accusant d’incitation à la haine raciale, elle a insinué que ces tags étaient une réponse à une provocation de ma part, avec un discours complètement contradictoire, qui oscillait entre la reconnaissance de la gravité des faits – en tant que faits supposément antisémites – et la minimisation des mêmes faits, parce que j’avais mis un drapeau palestinien à ma fenêtre.

Lorsque je lui ai demandé d’ajouter au procès-verbal le caractère menaçant de ce tag ciblé, elle a refusé en criant : « de la menace de quoi ? Vous n’êtes pas de confession juive donc de la menace de quoi ? » Elle a ajouté plus tard qu’interpréter la dégradation de ma porte comme un acte menaçant à mon égard était complètement subjectif de ma part. Que c’était ma porte et non moi qui était menacée."

Cet échange se conclura aussi mal qu’il avait commencé. La policière redemandera si le drapeau allait être enlevé, ce à quoi Mathieu répondra par la négative.
"Le peuple palestinien est en train se faire exterminer, j’ai juste mis un drapeau, je lui ai redit qu’il n’y avait aucune incitation à la haine là-dedans, que c’était juste un acte politique."

" Au commissariat, j’ai été attentif au texte du dépôt de ma plainte, j’ai même demandé de rajouter des mentions alors que l’on voulait me faire signer sans relire ma déposition. Quand je suis rentré chez moi, je me suis rendu compte que le mobile de ma plainte était : Antisémitisme. J’étais dégouté. Quand la policière faisait défiler le texte sur l’écran qui était devant moi, je n’ai pas eu le temps de voir cette mention.
Malgré, ma déposition allant dans le sens contraire, cette policière va faire rentrer cette histoire dans les statistiques des faits antisémites. C’est une déformation consciente de la réalité ; il faut que cela se sache et que l’info circule. Et puis c’est complètement occulter la dimension politique de ce conflit que de le transformer en bataille religieuse.
"

Qu’est-ce qui a pu pousser la fonctionnaire de police à qualifier ainsi le mobile de la plainte : "Je lui ai pourtant dit de préciser que ces actes avaient à priori été commis par des personnes pro-israéliennes. Elle m’a répondu qu’on ne pouvait pas le savoir, et que seule l’enquête pourrait le déterminer. Elle m’a aussi répété que " les instructions de l’Etat et du gouvernement étaient très claires, qu’on parlait d’un fait très grave et qu’eux, ils avaient de "grosses instructions" qui arrivaient de Paris. "

Bien entendu, il n’est pas question ici de minimiser la réalité des actes antisémites, ni leur gravité. En revanche, l’on peut s’interroger sur le fait que les médias reprennent allègrement les recensements faits par les pouvoirs publics, sans aucune enquête, ni remise en question de la réelle nature de ces actes. Combien de "free palestine" au marqueur ou de tags sur des McDo sont entrés dans ces statistiques ?

Cette histoire nous conforte dans l’idée que la lutte contre l’antisémitisme est plus que jamais instrumentalisée par le pouvoir. La confusion systématique entre antisionisme et antisémitisme judéophobe fait le jeu de la politique israélienne. Elle contribue à étouffer et à criminaliser le soutien à la résistance palestinienne, qui s’oppose à l’apartheid et à la colonisation illégale de territoires palestiniens. Ce jeu malsain ne fait au final que nourrir les haines racistes, antisémites et islamophobes. Aussi, nous pensons primordial de recenser toutes les histoires qui illustrent cette dynamique. Si vous avez des témoignages à nous faire remonter, envoyez les nous sur l’adresse suivante : voisins.solidaires@proton.me ;

Mathieu a décidé de ne pas céder à cette intimidation et de laisser son drapeau accroché à sa fenêtre.

En solidarité avec le peuple palestinien, qui subit depuis des décennies les exactions de l’état colonial sioniste, et qui fait actuellement face à un nettoyage ethnique ;

En solidarité avec nos voisin.es qui subissent ce genre de menaces ;

Face aux interdictions systématiques d’exprimer notre soutien à la Palestine,

Décorons nous aussi nos fenêtres et nos balcons avec des drapeaux, des banderoles et des pancartes ! Nous ne pouvons pas continuer à nous taire et à nous laisser étouffer par la pensée unique imposée par la classe politique et par les médias !

Tahia Falestine !

* Le prénom a été modifié

P.-S.

Si vous avez des témoignages de ce genre à nous faire passer, ou des photos de vos fenêtres et balcons décorés, écrivez à voisins.solidaires@proton.me

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