​​​​​​​Agression de militant-es solidaires de la Palestine devant le salon de l’Alyah, vitrine de la banalité du mal.

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Compte-rendu de l’agression de militant-es solidaires de la Palestine par un groupe ultra-nationaliste sioniste, à l’occasion du « salon de l’Alyah », qui se tenait à Lyon le 19 décembre 2023.

Le mardi 19 décembre 2023 se tenait à Lyon le salon de l’Alyah, organisé par L’Agence Juive pour Israël [1]. Cet événement, qui se produit à l’abri des regards et sans diffuser son adresse, comme s’il avait quelque chose à se reprocher ou à craindre de la lumière, a pour objectif d’aiguiller les candidat-es à la colonisation de la Palestine dans leur démarche pour s’installer là où vivent déjà d’autres gens, dans la perspective assumée de les y remplacer. L’Alyah répond en effet à cette promesse messianique qui aurait été faite à la diaspora juive de pouvoir un jour « retourner » s’installer en Palestine sans s’y soucier de ceux qui y vivent depuis des siècles. Pour accompagner ces candidat-es à la colonisation, les Olim, le ministère Israëlien de l’Alyah fournit une quantité de cadeaux, d’avantages et d’aides financières dont les montants sont listés sur leur site internet. Le « panier d’intégration » à lui-seul représente plus de 19 000 shekels (5 000€) pour une personne seule, et jusqu’à 37 000 shekel (9000€) pour un couple [2].

L’Agence Juive pour Israël explique ainsi que « Tous les Juifs, quel que soit leur lieu de naissance, sont des citoyens israéliens de droit. » Si l’on se réfère aux statistiques, ce sont donc entre 8 et 14 millions de personnes à travers le monde qui pourraient faire valoir leur droit à occuper la Palestine en plus des 6,7 millions de citoyen-nes juif-ves déjà présent-es en Israël (sur une population totale de 9,6 millions). Sur 22 000 km², cela impliquerait que la superficie de territoire disponible par citoyen d’Israël passerait des 2,30 m² actuels à moins de 1,5 m², si l’on inclue la population totale actuelle qui n’est pas constituée que de personnes de confession ou d’origine juive. On comprend alors le besoin absolu des partisan-nes de la colonisation d’agrandir leur « Lebensraum » (espace vital) en déplaçant ou en épurant ethniquement le territoire qu’il-elles convoitent en plus de celui qu’il-elles occupent déjà. La logique génocidaire qui sous-tend ce projet apparaîtra évidente à toute personne douée de raison.

Alors que près de 20 000 Palestinien-nes, dont près d’une moitié d’enfants, sont massivement exterminé-es dans le bombardement implacable du ghetto de Gaza, la tenue d’un tel événement démontre l’insensibilité et l’immoralité sans limite de ses organisateur-ices, qui poursuivent de manière implacable leur projet de colonisation. Chaque participant-e à ce salon porte la responsabilité indéniable du crime de masse qui se perpétue entre la mer Méditerrannée et le Jourdain, confirmant combien le mal peut se cacher derrière la banalité apparente d’un simple « déménagement vers Israël ». 

C’est donc légitimement qu’une poignée de personnes sensibles au sort des Palestinien-nes pris-es en otages et condamné-es à mort par l’expansionnisme sioniste ont décidé ce 19 décembre de se rendre à proximité du salon de l’Alyah pour dénoncer l’atrocité que ces transferts de population impliquent. 

Le salon se tenait dans les locaux partagés par le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) et le Fond Social Juif Unifié (FSJU), au 68 rue Mongolfier dans le 6e arrondissement de Lyon. A proximité du bâtiment, près d’une vingtaine d’hommes habillés de noir et au visage dissimulés étaient chargés de sécuriser l’événement, sans qu’aucun signe distinctif ne puisse permettre d’identifier s’il s’agissait d’une entreprise de sécurité privée ou d’une milice ultra-nationaliste d’obédience sioniste. A l’étude des articles publiés au lendemain de l’événement, il est permis de croire qu’il s’agit du groupement d’extrême-droite sioniste Ligue de Défense Juive (LDJ) [3].

Inquiété par la présence dissuasive et virile de ces vigiles au visage dissimulé, le petit groupe d’une douzaine de sympathisant-es de la cause Palestinienne a choisi de ne pas manifester avec bruit et de se contenter de tenir des pancartes et des drapeaux palestiniens sur le trottoir en face de l’événement, au niveau du parking situé place Zoé Roche. Les messages des pancartes ont été choisis pour ne pas permettre d’amalgame sur la clarté politique des motivations du piquet de protestation : « Stop au génocide », « Liberté pour la Palestine », « Stop à la colonisation »... Sur certains cartons étaient collés des portraits de victimes civiles du massacre à Gaza.

Alors même que le groupe essayait de se tenir sur le trottoir faisant face à l’événement, les miliciens du salon ont traversé rapidement le carrefour et ont immédiatement agressé leurs détracteurs, en arrachant leurs pancartes et leurs drapeaux et en tentant des coups de pieds et de poings dans leur direction, tout en les insultant verbalement de « fils de putes » et autres injures dépolitisées et masculinistes.

Les protestataires ont ainsi été repoussés violemment sur le trottoir de la rue Boileau jusqu’à la rue Duquesne. Leur réaction a été de ne pas entrer au contact des agresseurs et des vidéos montreraient (les agresseurs ont filmé leur propre attaque, comme le font les soldats de Tsahal pour leurs crimes commis à Gaza) qu’à plusieurs reprises il-elles ont tenté de temporiser, d’abord en questionnant le fait que la sécurité privée d’un événement traverse la chaussée pour aller intimider des protestataires non-violent-es sur le trottoir d’en face, puis en leur criant de « garder leurs distances ». Face à l’agression, des personnes du groupe pro-Palestinien ont légitimement invectivé leurs agresseurs, sans qu’aucune insulte à caractère discriminatoire n’aie été prononcée. Ce qui était dénoncé, c’était leur ultra-nationalisme et leur qualité de colons, ce que l’un des agresseurs à même admis en rigolant, trahissant le fait que « colon » ne constituait pas pour lui une injure. 

Au croisement de la rue Duquesne, un membre de la milice sioniste a aspergé l’un des manifestant-es au visage, aveuglant au passage l’un des ses collègues, qui est tombé au sol dans la foulée. Le reste des manifestant-es s’est alors enfui pour se débarrasser de ses agresseurs qui semblaient déterminés à continuer de les repousser par la violence. Ayant enfin pris leurs distances, les militant-es de la cause Palestinienne ont juste eu le temps de se compter et pour certain-es de quitter les lieux, avant qu’une trentaine d’agents des forces de l’ordre (BST, CDI...) n’arrêtent six d’entre eux-elles sur le croisement de la rue Créqui, soit à trois pâtés de maison et plus de 350 mètres du salon de l’Alyah.

Lors du contrôle, une demi-douzaine de membres de la milice sioniste se sont positionnés sur le trottoir d’en face pour filmer, insulter et menacer les six personnes contrôlées, sans que les policiers ne les fasse partir, ni ne les contrôlent. Au contraire, ils recueilleront par la suite les plaintes outrageusement mensongères de deux des agresseurs, qui viendront nourrir la procédure judiciaire ouverte contre les personnes interpellées, alors même qu’aucun élément probant en la possession de ces dernières ne permettent de caractériser les faits de violences qui leur sont imputées à tort. 

Précisons que le 11 décembre 2023, toujours à Lyon, une conférence pour la Palestine avait été violemment attaquée par un groupe armé d’ultra-droite à l’aide de barres de fer, de mortiers d’artifices et de bouteilles en verre, blessant sept personnes dont trois ont du être hospitalisées, sans que la police ne soit aussi prompte à intervenir pour arrêter les agresseurs avérés. A la place, ce sont les participant-es à la conférence qui ont été injurié-es par la police et menotté-es pendant 45 minutes alors qu’ils-elles se trouvaient à l’intérieur du local associatif. Au regard de ces deux événements, mais aussi de l’interdiction de conférences organisées par les collectifs antifascistes sous prétexte de menaces de la part de l’ultra-droite, force est de constater que la préfecture, le ministère de l’intérieur et le parquet se posent systématiquement en soutien des groupes nationalistes/fascistes en investissant une étonnante énergie à persécuter les victimes plutôt que leurs agresseurs.

Et au tour de la presse, notamment le Figaro et le premier article du Progrès [4], de donner crédit aux mensonges éhontés des agresseurs, relatés par le site de la Chambre de commerce France-Israel « Israel Valley » et repris par « i24 », en parlant de « l’attaque » du salon de l’Alyah par une « cinquantaine » de membres de la « mouvance d’ultra-gauche » qui auraient tenté de « s’introduire dans le bâtiment de l’événement » avant qu’une « bagarre n’éclate avec les forces de l’ordre et les membres de la sécurité privée ». Les forces de l’ordre auraient ensuite « mis fin à cette bagarre », toujours « selon les sources » d’i24 [5]. L’enquête de police quant à elle révèle que les agresseurs auraient eu l’indécence de déposer plainte et de déclarer avoir été attaqués à l’aide de « matraques télescopiques » et de « gaz lacrymogène », tout en ayant subi les insultes « sales juifs » et « mort aux juifs ». Il est sidérant de voir comment les déclarations mensongères d’un groupe ultra-nationaliste assumé fait office de vérité juridique et médiatique, alors même que plusieurs informations sont objectivées par les faits : il n’y a pas eu plus de quinze personnes dans le groupe de protestataires, il n’y a pas eu d’attaque ou de tentative d’intrusion, il n’y a pas d’armes en possession des personnes interpellées, il n’y a pas de blessé-e, personne n’a jamais employé d’injures racistes à l’encontre des agresseurs, et la police n’était présente à aucun moment de l’altercation. Là encore, l’agresseur sioniste fonde la commission de ses crimes sur la désinformation et le mensonge, comme il le fait dans les ruines de Gaza, bien incapable de prouver la véracité et la légitimité des arguments justifiant le génocide de tout un peuple.

Si tout le monde vous ment en permanence, la conséquence n’est pas que vous croyez les mensonges, mais plutôt que personne ne croit plus rien. En effet, les mensonges, de par leur nature même, doivent être modifiés, et un gouvernement menteur doit constamment réécrire sa propre histoire. Au bout du compte, on ne reçoit pas qu’un seul mensonge - un mensonge que l’on pourrait ressasser jusqu’à la fin de ses jours - mais un grand nombre de mensonges, selon le vent politique qui souffle. Et un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut plus prendre de décisions. Il est privé non seulement de sa capacité d’agir, mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, on peut alors faire ce que l’on veut. - Hannah Arendt, dans un entretien avec l’écrivain français Roger Errera (1974).

En attendant, six personnes se sont vues privées de liberté, prélever leurs empreintes digitales et génétique et saisir leurs téléphones dans le cadre d’une enquête transmise à des « services spécialisés » sans qu’aucune trace ou preuve de l’injustice qu’elles ont subi ne soient conservées en leur possession. Relâchés sans explications après 24 heures d’une garde-à-vue coupée en deux (18 heures, puis une reprise de 6 heures après une nuit d’interruption), leur téléphones restent entre les mains d’enquêteurs non identifiés. Il leur est également signifié que la police peut à tout moment les reconvoquer pour les placer en garde-à-vue ou effectuer des actes d’investigations complémentaires (auditions, confrontations ou « tapissages », perquisitions...) 

L’une des personnes interpellées est une ressortissante Syrienne, conjointe de Français, qui vit depuis le mois d’octobre avec la douleur permanente de voir son peuple (au sens large) exterminé par Israël. Au fond de son sac à dos, dans lequel se trouvaient aussi les tupperwares témoignant du fait qu’elle venait directement de son travail pour un rassemblement pacifiste qui lui tenait à cœur, et donc sans s’être préparée à une « attaque à main armée », les policiers ont trouvé un petit spray de gaz poivre (OC) de 9 cm, neuve et non utilisée, comme en portent avec elles des milliers de femmes constamment harcelées et violentées dans une société profondément sexiste et misogyne. Cet élément anodin vient de manière absurde caractériser les faits et l’objet a été saisi et placé sous scellé au même titre que son keffieh, qui au delà de sa symbolique pro-Palestinienne, est un accessoire traditionnel des peuples arabes de tout le Proche-Orient. Notre amie, encore choquée par ces mesures prises à son encontre, demande aux communautés féministes et intersectionnelles de bien vouloir lui montrer du soutien, en affirmant haut et fort qu’un spray lacrymogène constitue un moyen minimal de se protéger en tant que femme. Contrairement à ce qu’Israël invoque pour justifier le génocide à Gaza, on parle ici bien d’un droit à se défendre... 

Il faut que les poursuites contre les 6 soient abandonnées et que leurs téléphones leurs soient rendus sans tarder !


NOTES :

1 - Voir la page du salon de l’Alyah : https://www.jewishagency.org/fr/salon-de-lalyah/

2 - Voir les sites de l’Agence Juive pour Israël et du ministère de l’Alyah : https://www.jewishagency.org/fr/aides-a-lintegration/ et https://www.gov.il/fr/departments/general/absorption_basket 

3 - Voir le site du groupe fasciste LDJ : https://www.liguedefensejuive.com/lyon-des-racailles-pro-palestiniennes-attaquent-le-salon-de-lalyah-six-interpellations-2023-12-20.html

4 - Voir les articles du Figaro et du Progrès : https://www.lefigaro.fr/lyon/a-lyon-des-tags-free-palestine-sur-le-crif-et-un-salon-de-l-alyah-attaque-par-des-manifestants-20231220 et https://www.leprogres.fr/faits-divers-justice/2023/12/20/affrontements-autour-du-salon-de-l-alyah-fin-de-garde-a-vue-pour-les-manifestants-pro-palestine

5 - Voir les articles de « Israel Valley » et i24 : https://israelvalley.com/2023/12/21/succes-incroyable-du-salon-de-lalyah-organise-par-lagence-juive-qui-se-tenait-a-lyon/ et https://www.i24news.tv/fr/actu/israel-en-guerre/1703153557-lyon-le-salon-de-l-alyah-attaque-par-des-militants-propalestiniens

P.-S.

Les auteur-es de cet article portent la responsabilité exclusive de leurs parole et point de vue, qui n’implique pas l’ensemble des personnes présentes et/ou impliquées dans les faits relatés. Pour nous joindre, contacter : interstice.1@tutanota.com

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