Isolement, éloignement familial, transferts disciplinaires, fouilles à nu, violences, quartiers disciplinaires, humiliations… Pour les 66 270 prisonniers en France au 1er février 2015, chaque journée passée en prison est un défi face à l’Administration Pénitentiaire (AP). Forte de ses casques, de ses uniformes blindés, de ses armes et d’un code pénal qu’elle manie à sa guise, l’AP encadre l’atomisation des prisonniers et orchestre la répression de leurs résistances.
Aspirateur social, prison de la misère, machine à broyer, entreprise de déshumanisation, les mots n’ont jamais manqué pour désigner la prison, la taule. Des paroles de prisonniers aux enquêtes de l’Observatoire International des Prisons en passant par les témoignages des familles et proches de détenus, les conclusions sont les mêmes : la prison détruit l’être social.
Résister, c’est y survivre, c’est exister.
Face aux institutions, ne pas se laisser piétiner et tabasser est trop souvent synonyme d’ « outrage, violence, menace »...
Sans notre soutien, les prisonniers et leurs combats contre l’Administration pénitentiaire sont écrasés dans le silence.
Le 28 avril 2015, Christine Ribailly, détenue à la prison de Strasbourg, sera transférée au tribunal de Poitiers pour y répondre d’ « incidents » survenus à l’automne 2014 quand elle était incarcérée à Vivonne. Alors qu’une plate-forme de revendications collective venait de voir le jour au quartier femmes du centre de détention, dans laquelle les détenues exprimaient leurs frustrations et aspirations immédiates, l’Administration pénitentiaire de Vivonne décida de porter plainte contre Christine. C’est dans ce contexte d’expression collective que Christine s’est débattue lors de fouilles et autres provocations des surveillants de la pénitentiaire. Coupable d’avoir refusé d’encaisser sans broncher, de ne pas s’être écrasée, elle comparaîtra ce 28 avril à 16h pour outrage, violence et rébellion.
Refus de promenade, de séances de sport, fouilles diverses et multiples, problèmes de courrier ou remarque déplacée, palpations… En prison, les situations de confrontation sont le lot quotidien :
« Les matons disent qu’ils ne font que respecter la loi. J’attends donc une honnêteté sans faille de leur part. Quand j’ai été incarcérée, j’ai lu le code du prisonnier et le code pénal. Je regarde toutes les notes de service affichées en détention. Si tout ça est respecté, je ne fais pas d’histoire. Mais c’est rarement le cas. »
A chaque manquement à ses droits ou provocation, que Christine soit elle-même concernée ou que l’une de ses codétenues soit visée, elle réagit avec la même ardeur et, en retour, essuie les sanctions. Christine a ainsi passé la moitié de ces deux dernières années en quartier disciplinaire ou à l’isolement, et subi dix transferts d’établissement. Certaines confrontations dérapent. Insultes, affrontements physiques… À plusieurs reprises, des surveillants ont porté plainte, ajoutant de nouvelles condamnations à sa peine. En deux ans d’emprisonnement, Christine a ainsi accumulé plus d’une année d’incarcération supplémentaire.
La Justice va-t-elle, une fois de plus, écraser la résistance des prisonniers face à l’arbitraire de l’AP et accorder à l’institution carcérale une nouvelle fois l’impunité ?
Qui est Christine ? (cf. article de L.Bjurström http://www.politis.fr/Christine-un-engrenage-carceral,28711.html)
Christine est bergère. Elle aime la montagne et son troupeau, pouvoir se déplacer en toute liberté, voir qui elle veut quand elle le veut. Quand son compagnon est incarcéré, condamné pour une longue peine, elle découvre les contraintes du parloir, la sévérité de l’administration pénitentiaire. En décembre 2004, une altercation avec des surveillants du centre de détention de Valence, pour un parloir promis puis refusé, l’expédie en garde à vue pour la toute première fois. En comparution immédiate, elle écope de quatre mois de prison avec sursis pour violence sur personne dépositaire de l’autorité publique et outrage. Chaque année qui suit ajoute une nouvelle peine à son dossier. Aux incidents de parloir s’ajoutent ceux des manifestations contre le système carcéral, la loi Loppsi 2 ou le puçage des moutons, et des gardes à vue qui s’enchaînent. Le 8 novembre 2012, partie voir son compagnon au parloir, elle passe un portail de sécurité. Celui-ci ne sonne pas, mais les surveillants lui demandent d’enlever sa veste. L’ordre résonne comme une manifestation supplémentaire de l’arbitraire de l’institution. Parce que « les familles n’ont pas à se déshabiller sans raison », Christine refuse. Sa résistance l’expédie en garde à vue, puis deux mois en prison pour outrage et rébellion. Les deux mois d’incarcération sont devenus années. Un à un, les sursis et peines accumulés depuis 2004 sont tombés. Et, en deux ans d’emprisonnement, les multiples altercations avec les surveillants ont déjà allongé sa peine d’un an. Du mitard au quartier d’isolement, de commissions disciplinaires en procès, Christine s’accroche et ne faiblit pas.
Pour plus d’infos sur la situation de Christine : https://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org/
LISTE DE REVENDICATIONS DES PRISONNIÈRES DE LA MAISON D’ARRÊT DES FEMMES DU CENTRE PÉNITENTIAIRE DE POITIERS-VIVONNE
Comme ailleurs, nous voulons :
Des payes correctes, tant aux ateliers qu’au service général
La suppression des QI et des régimes différenciés au CD
Les portes ouvertes en MA et/ou le téléphone en cellule
La mise en place systématique des aménagements de peine sans délais et des transferts en CD dès la condamnation
La facilitation du téléphone, des parloirs et des UVF avec nos proches, enfermés ou non
La fin des fouilles systématiques et/ou punitives
Les repas appétissants : marre de manger du plastique !
Localement, nous demandons :
Des conditions dignes à la nursery : arrêt des réveils nocturnes, une cour avec de l’herbe, des temps de socialisation pour la maman…
L’accès à l’école pour toutes : fin des refus avec la fausse excuse de la mixité
La télé à 8 euros par mois : alignement sur la loi, comme dans les prisons publiques (18 euros ici pour Eurest)
La fin de l’interdiction des apports aux parloirs (livres, disques, produits d’hygiène…) : on n’est pas là pour enrichir les cantines privées
L’ouverture d’une salle de convivialité : elle doit être systématique quand la météo est mauvaise car il n’y a pas de préau dans la cour
Plus d’activités : actuellement, il n’y a que « bricolages en papier « et « fitness », 2h. par semaine
L’accès au terrain de foot : seuls les hommes y ont droit
La gratuité du courrier interne : on doit timbrer les lettres pour le quartier hommes
(Ces demandes sont toutes réalisables dans l’état actuel de la législation)
Voir aussi le site du journal anti-carcéral L’Envolée : http://lenvolee.net/. Celui de l’OIP : http://www.oip.org
Voir tous les articles sur Rebellyon : Christine.
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