Mais aujourd’hui c’est aussi l’époque de l’émergence médiatique de certaines formes de résistances, par exemple les Anonymous et l’opération 56K qui a rétabli des connections là où on ne voulait pas qu’elles soient, de Wikileaks, de DoxUMP et de bien d’autres qui restent dans un quasi-anonymat lorsqu’ils ne terminent pas trainé-e-s devant « leur justice ».
On ne peut pas rester insensible à ces enjeux, ce qui s’y joue est primordial. On ne peut pas faire mine de rester en dehors de ces pratiques, de toute façon c’est trop tard, on est déjà pris dedans.
Finalement, des trucs ont changé, d’autres pas. Il faut rejoindre l’auto-défense numérique et préparer les prochaines offensives. Il faut se renseigner, chercher à comprendre, pratiquer, diffuser (notamment avec les tutos publiés sur Rebellyon [1] [2]ou ailleurs [3]) ; comme ils disent « information is power ».
L’intérêt d’un tel texte, dans une perspective libertaire, c’est qu’il peut être remanié, secoué, coupé, supprimé, diffusé, recopié dans une infinité d’envies. S’il reste très actuel, ça pourrait être intéressant d’en sortir une version 1.0b, jusqu’à la v3.5.z et bien plus si on en veut encore. Commençons déjà par en discuter sous cet article, on créera peut-être autre chose sur une nouvelle base. Mais qu’on ne reste pas sans rien faire.
Et que vive le LOL [4].
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Manifeste d’un anargeek v1.0a
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Je suis un anargeek.
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Geek, parce que j’appartiens sans conteste à cette catégorie de personnes qui prennent plaisir à utiliser, comprendre et modifier ces mystérieuses machines qu’on appelle ordinateurs.
Geek, donc, parce que je suis curieux de leur fonctionnement, des possibilités offertes par leurs programmes, et excité par d’autres qui n’ont pas encore été explorées, ou même imaginées.
Geek, parce que ces engins font partie de ma vie quotidienne, et se font simultanément horloges, chaînes hifi, bibliothèques, machines à écrire, à café, téléphones ou aides-mémoire... mais aussi et surtout vastes terrains d’expérimentation, de communication et de découverte.
Geek, aussi, parce que ma vie a intégré la communication numérique. Tous les jours ou presque, je lis mon courrier électronique, veille au bon fonctionnement des serveurs internet que j’utilise, entretiens le réseau que je partage, m’informe, apprends et échange par le biais des forums, mailing-lists et divers sites, discute et rencontre par irc, etc.
Geek, toujours, parce que le terme, insulte à l’origine, a été délicieusement réapproprié et positivé par la communauté qu’il désigne, à la façon d’autres « minorités culturelles ».
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Anar, parce que je rejette une société basée sur la domination des un-e-s sur les autres, et demeure persuadé qu’il est possible de se réaliser dans le respect de tout-e un-e chacun-e, par la pratique de l’égalité, de la solidarité et de l’autogestion.
Anar, donc, parce que je suis révolté par cet ordre des choses, qui impose exploitations, souffrances et morts quotidiennes, que je veux contribuer à bouleverser, par une implication dans des mouvements sociaux et une participation aux courants de remise en cause radicale du système.
Anar, parce que je tente d’expérimenter au quotidien mes idées, vers une autonomie vis à vis des normes sociales : refuser les sirènes de la consommation et de la compétition, enrayer l’aliénation et déconstruire les comportements dominants, développer des pratiques de vie égalitaires et collectives.
Anar, aussi, parce que je suis inévitablement critique et méfiant vis à vis de l’information « officielle », commerciale et institutionnelle, qui formate notre vision du monde à coup d’omissions, de mensonges et déformations. Sans prétendre à l’objectivité, je veux chercher d’autres moyens de m’informer et de communiquer.
Anar, encore, parce que je déplore la paranoïa sécuritaire qui gagne la société en instrumentalisant ses peurs. Je refuse la criminalisation, le fichage, la répression déployés par les autorités contre les pauvres, contestataires et diverses « classes dangereuses ». Nous pouvons et devons nous y insoumettre !
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Anargeek, parce que j’entends combiner curiosité et savoir-faire technologiques avec volonté et pratiques éthiques et politiques. Si les idées donnent sens aux pratiques et les orientent, les pratiques nourissent et matérialisent les idées.
Anargeek, donc, parce que j’aspire à une société basée sur l’autodétermination, la libre coopération et l’intelligence collective. C’est dans ce sens que j’adhère au mouvement des logiciels libres, fruit de la collaboration volontaire de milliers de personnes de part le monde, permettant à quiconque de partager, mais aussi de modifier et de distribuer les programmes informatiques libres.
Anargeek, parce que je refuse d’être esclave d’un système politique comme d’un système informatique. Les états imposent leurs lois, les logiciels propriétaires leurs « standards ». Les premiers empêchent la contestation par la répression, les seconds l’alternative par les brevets. Je veux pouvoir autogérer ma vie, comme je veux pouvoir comprendre, modifier et créer mes outils.
Anargeek, aussi, parce que je veux résister à la consommation frénétique imposée par le capitalisme, qui ne cesse de produire et de manipuler, pour toujours jeter et gaspiller. Je récupère le matériel jugé obsolète pour le réanimer à coups de logiciels libres et pièces dépareillées ; m’amuse à explorer les limites des machines démodées ; tente d’intégrer créativité, imagination et expérimentations à mes pratiques électroniques.
Anargeek, parce que j’ai envie de bousculer certaines réalités et clichés qui collent aux milieux dans lesquels je suis impliqué. Si j’ai à coeur que les communautés militante et informatique alternatives puissent se rencontrer, c’est qu’il me semble primordial, notamment, de mettre à mal le sexisme qui sévit chez les geeks, d’avoir un regard critique sur l’ultra-spécialisation qui accompagne l’informatique, mais aussi d’ouvrir les milieux contestataires aux perspectives numériques, sur lesquelles ils sont si souvent fermés et cyniques.
Anargeek, encore, parce que l’informatique est aussi un excellent support d’information indépendante. Aussi puis-je participer à des réseaux de contre-info comme Indymedia, média autonome dispersé dans le monde entier, ouvert aux contributions de tou-te-s, cassant la frontière actrice/spectateur/journaliste, explorant des sujets boycottés ou maltraîtés par « l’information » de masse.
Anargeek, enfin, parce que je crois que les ordinateurs ne se résument pas à des instruments de fichage et d’aliénation, mais peuvent constituer des outils d’épanouissement, de communication et de transformation sociale. Je préfère partager mes savoirs plutôt que de jalousement les garder, en participant, par exemple, à des ateliers d’informatique alternative ; ou à la mise en place d’outils et de « services » collectifs & non-marchands, tels que serveurs, accès internet, sites ouebs ou collectivisation de matériel...
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Ce « manifeste » n’a pas vocation de vous représenter. Libre à vous de le reprendre, tout ou partie, de l’adapter, de l’endosser ou de le rejeter. Parce qu’il y a autant d’anargeeks que d’individualités, j’encourage chacun-e à écrire et réaliser son manifeste, ses idées, son texte, son graffiti ou son ascii !
Contre le culte de la personnalité, les leaders et la passivité, tout le monde peut s’inventer et se réaliser !
décembre 2002,
darkveggyContre le copyright, le copyleft ! Ce texte est placé sous licence Creative Commons Atribution-NonCommercial-ShareAlike 2.0.
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