Il y a quelques jours, le Comité accusait les autorités d’avoir organisé le « maintien du désordre » pendant les manifestations de l’année 2019. La préfecture persévère en 2020. Vendredi 24 janvier, les observateur-ices du Comité ont directement constaté que le changement impromptu de parcours, décidé par les autorités, a causé beaucoup d’incompréhension et de tensions. Au départ de la manif interprofessionnelle, vers 12h30, la rumeur commence à annoncer que la rue de la Barre serait barrée (sic), contrairement au parcours qui était déclaré. De fait, très rapidement plusieurs signes policiers font monter la tension, à l’arrivée place du Pont (en vue de la Presqu’île), vers 13h30. L’hélicoptère fait son apparition, alors que le cortège avait cheminé dans le calme jusque là. Au même moment, le groupe de gendarmes mobiles (GM) qui accompagnait la tête de cortège remonte dans les fourgons et disparaît. Le commissaire au maintien de l’ordre (censé assurer le contact avec les manifestant-es) devient lui aussi invisible.
Parcours balisé aux lacrymos
A 13h50 la tête de cortège arrive face à la rue de la Barre et à l’Hôtel Dieu, protégé par un cordon de CRS, une grille anti-émeute, et des GM sur la droite (quai Jules Courmont). L’hésitation est complète. Que faut-il faire ? Au bout de quelques minutes, quelques projectiles partent en direction de la police et des gendarmes. On entend et voit une GM qui depuis l’intérieur de son camion lance un appel, absolument incompréhensible. Elle le fera plusieurs fois, sans que les observateur-ices situés à une dizaine de mètres seulement puissent comprendre ce qu’elle dit. Un policier avec la banderole tricolore, situé juste à droite des camions de GM, tire à plusieurs reprises en l’air. On entend à peine la détonation et ne voit rien d’autre qu’un peu de fumée. Finalement, des lacrymogènes sont jetés sur la foule, mais bien vite la police s’arrête : le vent leur rapporte leurs propres gaz. Quelques minutes plus tard, alors que la banderole et le camion CGT arrivent, qu’une partie du cortège a commencé à avancer, d’autres grenades lacrymogènes sont lancées sur la foule, plus loin, au niveau du quai Gailleton : à l’endroit que le cortège était censé emprunter. Malgré cela la foule, peu rancunière, finit par continuer au milieu des lacrymos.
Communication incompréhensible
Contactée par le Comité samedi matin, la préfecture reste droite dans ses bottes : « on a informé les organisations syndicales avant le jour de la manifestation que la rue de la Barre serait interdite. Par ailleurs, nous avons envoyé un communiqué à la presse, mis également en ligne et sur Twitter, dont le texte précise bien que la rue de la Barre n’est pas exclue du périmètre d’interdiction ». Effectivement, dans les communiqués concernant les précédentes manifestations, le texte mentionnait la rue de la Barre parmi les lieux « exclus de ce périmètre ». Le texte du communiqué du 22 janvier ne la mentionne pas. Mais seule une lecture très attentive permettait de comprendre la différence. Résultat, personne ne s’attendait à cette interdiction : après avoir reçu le fameux communiqué préfectoral, la presse elle-même annonçait que le parcours emprunterait la rue de la Barre. Le préfet, si doué pour vanter l’ampleur de ses dispositifs de sécurité ou encore le nombre de « casseurs » interpellés, est resté bien timide cette fois-ci. Interrogé par le Comité en fin de manif place Bellecour, Jacky Abada, de la CGT du Rhône, explique : « nous avons déclaré notre parcours (...). Nous n’avons pas eu d’interdiction, ce qui signifiait que le parcours était accepté. Mais juste au début de la manifestation, un commissaire au maintien de l’ordre est venu nous annoncer qu’on ne pourrait pas passer par la rue de la Barre parce qu’elle faisait partie du périmètre d’interdiction ». Dans le Progrès du samedi, le secrétaire général de la CGT dénonce « ces agissements qui servent uniquement de provocations ».
A gauche, la rue de la Barre est ouverte ; à droite, elle est fermée. Limpide !
Attention : le préfet paie sa tournée de lacrymos pour tout-es les perdant-es...
Une mini « garde à vue à ciel ouvert »
Samedi 25 janvier, en milieu d’après-midi, la manifestation Gilets jaunes, après avoir salué Gérard Collomb, s’apprête à faire un peu de lèche-vitrine à l’Hôtel-Dieu. Arrivée rue Bellecordière, elle n’a pas le temps d’entrer : la police intervient, interpelle un manifestant et en nasse une quinzaine d’autres en bloquant les deux côtés de la rue. La nasse dure de 16h05 à 16h50 : trois quarts d’heure de garde à vue à ciel ouvert pour un motif inconnu. Un épisode qui rappelle en miniature celui de Bellecour en 2010, pour lequel la justice n’a pas encore jugé les responsables. A 17h15 environ, un groupe décide de se rendre au commissariat rue de la Charité (2e arr.) pour d’exiger la libération du camarade arrêté. Pendant que des slogans sont scandés pendant près de 20 minutes, et alors que des renforts bouclent peu à peu les rues adjacentes, un peloton de CRS arrive au pas de charge de la rue... Condé ! Après trois sommations la charge intervient. Le monde se disperse dans les rues adjacentes. Certain-es ont été fouillées, mais de retour à Bellecour, aucune arrestation à notre connaissance. Encore une provocation policière : le manifestant interpellé pour avoir déployé une simple banderole (« Macron vend les retraites, Collomb vend Lyon ») sera finalement relâché deux heures et demie plus tard, sans être poursuivi.
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