Samedi 23 mars 2019, mon fils V, 19 ans, non violent, participait à la manifestation des gilets jaunes à Lyon. A ce moment-là, il était rue de la République. Un policier lui a fait une balayette, V est tombé et a reçu des coups de matraque sur la tête, la nuque, les jambes. La généraliste qu’il a vu par la suite a constaté des marques sur la hanche et une bosse à la tête. Ensuite, il a été plaqué contre un mur. Il a été fouillé. Des policiers l’ont emmené jusqu’à leur camion, en le tenant par le col devant les manifestants et en lui suggérant que ce serait drôle s’il se faisait caillasser.
Il a été placé en garde à vue au commissariat du 8e. Les policiers qui l’avaient interpellé ont porté plainte contre lui pour violence. Ce n’est que lundi midi que V a eu le soulagement d’apprendre que la plainte n’était pas retenue. Plusieurs entretiens ont eu lieu, afin de lui faire comprendre qu’il était dans de mauvais draps mais en restant évasifs. Normal, quelle faute pouvait-on objectivement lui reprocher ? Aucune, à part une participation pacifique à un rassemblement. En théorie, le gardé à vue a droit à 30 minutes de communication avec des proches. Mais V s’étant vu confisquer son téléphone, il n’avait pas notre numéro. Il a demandé qu’on cherche celui du fixe de son père, mais les policiers ont eu la flemme de chercher dans les pages blanches. Une « avocate » a été désignée. Mais elle passait son temps à dire à V qu’il lui cachait sans doute quelque chose, et elle a déclaré qu’elle n’avait pas le droit de contacter les proches.
On a demandé à V de consentir à un prélèvement ADN et de communiquer son code PIN. Il a refusé. Mais des lois récentes y obligeant, ça y était, la police tenait enfin un motif de garde à vue.
De notre côté, nous étions très inquiets de ne l’avoir pas vu rentrer. Le lendemain après-midi, j’ai obtenu à la gendarmerie l’information selon laquelle mon fils avait été placé en garde à vue, et qu’il aurait une audience au Tribunal de grande instance le lundi. Sans autre détail, par exemple sur les raisons. Donc, même si je sais que V n’est pas violent, j’ai pu tout imaginer !
Deux nuits en garde à vue, dans une cellule individuelle pourvue de : un matelas, une petite couverture, un robinet et des WC à la turque. Pour le PQ, réclamer ! Ni savon ni autre frivolité. Nourriture minimale. Sous-entendus moqueurs ou menaçants. Solitude, temps terriblement long où on doit envisager les pires scénarios. A tel point qu’une esquisse de sourire d’un gardien rappelle un instant que la chaleur humaine, ça existe, mais pas là... Refus de donner son livre à V (« C’est pas un centre de vacances ! »). Son pull avait été rangé dans son sac mis sous scellé, alors il reste en T-shirt tout ce temps.
Lundi 25 mars, nous l’avons attendu toute la journée au TGI, apprenant en début d’après-midi qu’il passerait en correctionnelle en juin, et les charges contre lui, grâce à sa nouvelle avocate (par chance, la première n’était plus disponible). C’est cette nouvelle avocate qui a obtenu qu’il ne soit pas placé sous contrôle judiciaire jusqu’en juin. V est sorti enfin à 17h. Sans son portable, gardé sous scellé. Ses amis, son père et moi avons eu l’immense joie de le prendre dans nos bras.
Reste à préparer sa défense pour juin, afin d’éviter, je l’espère, l’inscription au casier judiciaire et le sursis.
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