Christine est bergère. Elle a notamment eu des soucis avec les institutions répressives lors de sa participation à des luttes contre la loppsi 2, contre le puçage des moutons.
Depuis son incarcération, Christine a eu de multiples embrouilles en détention. Elle a été placée au mitard (QD ou Quartier Disciplinaire) et au QI (Quartier d’isolement). Elle a été transférée de La Talaudière à Corbas (Lyon) puis à Joux-La-Ville. Aux dernières nouvelles, elle est maintenant à Bapaume, vers Lille (ses proches sont dans le sud !). L’accumulation d’altercations en détention risque d’alourdir sa peine, voire de la mener à nouveau devant les tribunaux.
Dans différentes lettres qu’elle a pu faire sortir de prison, elle raconte ses combats en détention et la répression féroce. Elle souhaite que ces lettres (que nous avons récupéré un peu tardivement) soient diffusées auprès des groupes qui se préoccupent de ce qui se passe en prison, et publiquement. Nous vous en proposons ci-dessous de larges extraits.
Christine se bat et revendique au quotidien. Elle crie qu’elle refuse l’enfermement. Et se bat pour que, au minimum, ses droits soient respectés. Elle a entamé de nombreux recours administratifs et plaintes. Son avocat est Guy Nagel (Lyon), elle est en contact avec l’OIP (Observatoire International des Prisons).
Il est possible de lui écrire à la prison de Bapaume, et tout soutien sera certainement le bienvenu !
Christine Ribailly – Centre de détention – Chemin des Anzacs – 62451 Bapaume Cedex
------------------------------------------------------------------------------------------
Extraits de lettres de Christine
• Jeudi 31 janvier, Corbas, QD
Ne reculant devant aucun défi pour vous fournir des infos fraîches et diverses, votre envoyée spéciale au pénitencier est maintenant au mitard à Corbas.
Je suis passée au prétoire (à la Talaudière) et j’ai pris quinze jours (de mitard) ferme et 8 jours avec sursis. Je ne croyais pas que six mois allaient s’écouler sans que ça me tombe dessus, même si l’idée était séduisante. J’ai donc appris que je serai transférée ce lundi 28 (il n’y a pas de mitard au quartier femmes de la Talaud).
Entre le prétoire et ce transfert, j’ai vu un OPJ au parloir pour m’auditionner sur « l’incendie du 28 novembre ». Il m’a dit que selon lui ce serait classé sans suite, mais on sait ce que ça vaut une parole de flic.
J’ai aussi eu un signalement au procureur le 19 décembre, suite à une prétendue bagarre avec une codétenue en promenade. Ça me fait beaucoup plus chier car c’est faux : on n’a pas échangé un seul coup et si, moi, j’ai été blessée, c’est par les gros bras en bleu qui m’ont sortie manu militari de la cour. J’ai donc fait un recours à la DI à propos de ce rapport pour que les infos contenues dans le dossier disciplinaire soient honnêtes si je vais un jour en procès pour ça.
Dimanche 27 janvier, à la promenade, je me suis à nouveau engueulée avec la même fille. Cette fois on a échangé des coups (J’en ai pris plus car elles étaient à 2 contre moi). Bien sûr c’est moi que les bleus ont remonté en cellule, menottée dans le dos. Après m’être calmée, j’ai demandé à téléphoner, comme j’y ai droit. En fait, la surveillante ne voulait pas m’ouvrir sans un surnombre de matons comme ils me le font souvent, malgré l’accord avec la direction le 15 novembre. (…) L’auxi peut témoigner que j’étais calme. Mais les matons m’ont foutue au sol le temps de mettre en cellule le repas dans une barquette en plastique. J’ai dit : « je veux juste téléphoner, j’y ai droit, de quoi avez-vous peur ? Je ne me débats même pas ». Mais ils m’ont refoutue en cellule et je n’ai pas pu bloquer la porte. J’étais furax et j’ai glissé du papier journal sous la porte pour l’enflammer, comme je l’ai souvent pratiqué. (…) Ils ont ouvert la porte, l’un d’eux avait un extincteur. Il ne s’est pas contenté d’asperger la porte mais m’a délibérément aspergée. J’étais en train de respirer à la fenêtre. Je suis allée vers eux en gueulant : « Tu t’amuses bien ? » Ils ont essayé de la refermer mais je l’ai bloquée avec le genou. Ils se sont alors énervé et m’ont foutu au sol, dans la neige carbonique. Ils m’ont menottée dans le dos en me faisant vraiment mal à l’épaule et en serrant très fort. Depuis leurs cellules des filles criaient : « Salauds ! Lâchez-la ! On t’a entendu dire que tu allais lui casser le bras ! » Il m’a demandé de dire aux filles de se calmer mais j’ai refusé, demandant juste à ce qu’il lâche l’épaule. Je suis restée au sol sous ce mec le temps qu’ils vident entièrement la cellule (fringues, bouquins, poubelle, table…) puis ils m’y ont refoutue en le laissant un doliprane sur l’évier. Elle était trempée et noire de papiers brûlés, moi j’étais trempée et mal en point.
(…)
À 7h du matin, (quand ils ont ouvert), je suis allée vers la cabine. Mais ils m’ont dit que je téléphonerai après la douche. J’ai accepté car j’en avais vraiment besoin. Quand je suis (retournée dans la cellule), ils en ont profité pour claquer la porte. (…) J’ai gueulé « Vous aviez dit que je téléphonerai après ! » et ils ont répondu « Ben ouais, après, tu téléphoneras après… Allez, bon QD ! » ET un de ces s… rigolait en disant : « Ben quoi, tu chiales Ribailly ? », alors que je répétais, à bout de nerfs : « T’avais dit ! ». (Puis Christine a été transférée vers Corbas.)
Entre 7 et 9h, toutes les filles qui sont passées ont vu mon bordel dans le couloir et la crasse sous la porte. Beaucoup ont été choquées et m’ont gueulé quelques mots de solidarité. J’ai aussi eu un yoyo de mon propre tabac qu’elles ont pris dans ma veste, sur le tas. (…) Hier j’ai vu le toubib dans le cadre de l’accueil arrivante au mitard. Elle m’a fait un certificat médical avec 3 jours d’ITT. J’aimerais déposer plainte pour abus de pouvoir et violences. Pensez-vous que c’est possible ? Voulez-vous m’y aider ?
Bon, après ça j’étais remontée à bloc pour faire face au mitard. Ils ont du le comprendre car ils ont eu une toute autre position qu’il y a deux ans. Au greffe, ils se sont contenté d’un « Non ! » quand ils m’ont demandé la biométrie. J’ai pu avoir mon tabac à la porte de la cellule. J’ai vite eu des bouquins et de quoi écrire. Grâce à la réforme, j’ai même une petite radio. (…) Du coup, libérée de la peur qu’ils me psychiatrisent, je vis bien mieux le mitard que je ne le craignais. (…) J’écris beaucoup (vous voyez), je fais des séries de pompes et abdos. Je dors bien. (…)
Qu’est-ce que vous ne savez pas sur le QD de la MAF (Maison d’arrêt pour femmes) ? Il y a trois cellules, 2 cours goudronnées de 6×8m cernées de murs ou grilles de 3 ou 4 mètres de haut, et au plafond tellement tapissée de barreaux, grillage serré et rouleaux de barbelés que j’imagine que la neige ne passe pas (En tous cas le soleil, c’est sûr, n’atteint jamais le sol). (…)
• Mardi 5 février, Corbas, QD
(…) On m’a fait signer mon transfert prochain pour Roanne. Perso, je sais que, CD ou pas, ça ne changera rien pour moi car je serai en secteur fermé. J’espère aussi que la peine que je vais récupérer mercredi prochain ne sera pas de plus de un an. Ainsi, la confusion de peine aurait des chances d’aboutir et je resterai peut-être à la Talaud, où je suis arrivée, tant bien que mal, à établir un mode de relation assez sain avec la matonnerie. Tout ce que je vous raconte est fait pour être diffusé.
Comme je vous fais des lettres détaillées pour chaque histoire, j’ai dit aux potes de Radio Canut (Lyon), La Haine des chaînes (Marseille), Les murs ont des oreilles (Grenoble) ou Radio Méga (Valence) et Papillon (Saint-Étienne). Je pense aussi à Rebellyon et Jura Libertaire. Faites-vous un pool commun des infos, analyses, récits et autres et rediffusez chacun sur vos réseaux, c’est fait pour ça !
Dans ma lettre où je racontais l’altercation du 27 et 28 janvier à La Talaudière, j’avais joint le mot d’une co-détenue qui se disait outrée du traitement qu’on me faisait subir et prête à bouger pour que ça change (elle parlait d’alerter les médias). J’ai deux autres lettres de filles qui m’ont écrit ici et qui disent à peu près pareil. (…)
Ici j’ai découvert une cellule encore plus flippante que le mitard. Voilà ce qui s’est passé. Avec le lieutenant, toute la semaine, ça s’était pas mal passé, malgré le sureffectif constant (me surveillant). On ne fait pas semblant d’être potes, mais il fait ce à quoi il s’est engagé et a compris que son intérêt était le même que le mien : que j’obtienne des réponses à mes mots dans un délai correct. Il a même institué sans que je lui demande la douche quotidienne, deux promenades par jour et plusieurs appels téléphoniques par semaine. Bref, j’avais pris mon rythme. Mais l’équipe de ce week-end a voulu changer la donne. (…) Dimanche, ça a été encore plus tendu : ils m’ont mis à la promenade dès 8 heures du matin, alors qu’il faisait presque encore nuit. Puis ils m’ont refusé la douche alors qu’ils me l’avaient proposé le matin. À midi, ils n’ont pas ouvert la grille pour me passer la gamelle. Alors le soir, quand j’ai vu qu’ils n’ouvriraient pas plus, je leur ai dit : « Si, vous allez ouvrir ! » et j’ai enflammé une feuille de papier journal. Ils ont refermé la porte en laissant la gamelle dans le sas, hors accès. (…) Puis est venu un lieutenant pour calmer le jeu. Je lui ai expliqué que je refusais d’être servie comme un clebs au chenil et que je lui donnerai le briquet en échange du repas quand il aurait ouvert la grille. (…) Il m’a dit que je grillais mes chances d’avoir le parloir interne que je réclamais, alors que la direction avait émis un avis favorable. Je me doutais bien qu’il mentait, mais je ne voulais pas prendre de risque, alors je lui ai donné le briquet. Il est parti aussitôt, sans ouvrir le sas, et sans même me donner la gamelle. Dix minutes après, ils étaient 6, avec casques et boucliers, pour me menotter. Cassée en deux, ils m’ont menée à travers toute la MA. Je n’ai pas bien compris où on allait mais on a repris le souterrain. Ils m’ont accroupie au fond d’une cellule pour me démenotter après m’avoir pris lunettes et baskets. J’ai demandé où on était et ils m’ont dit « aux arrivants ». Mais la cellule n’avait rien d’une cellule d’arrivants. Je sentais la patte de l’architecte pervers de la chambre de l’UHSA. Lit, table, tabouret, tout était en béton. La télé était protégée par un plexiglass, tout comme la fenêtre, impossible d’accès. Il n’y avait pas de draps, juste deux couvertures en tissus. Même la télécommande était incrustée dans le mur (et ne marchait pas). Une grande surface était prise par la douche et le chiotte. L’évier en alu comme au mitard, sauf qu’il n’y avait pas de robinet, juste un jet d’eau pour boire. Tout était super propre, lisse. J’ai vu un petit sac sur la table : il y avait une affichette. « Vous êtes en souffrance. Il est nécessaire de vous aider. Ce kit fait partie du protocole d’aide. Le pyjama est aéré pour un plus grand confort. En cas de détresse, faites appel au surveillant, votre premier interlocuteur ». Et un pyjama bleu, comme en HP. J’ai eu peur, j’ai pensé qu’ils m’avaient hospitalisée au SMPR, que j’étais en HO (hospitalisation d’office) sans avoir vu de toubib. J’ai appelé mais personne n’a répondu. Une demi heure plus tard, comme j’avais bouché le judas avec l’affichette, ils ont cogné à la porte, joué avec la lumière et appelé à l’interphone. J’ai décidé de ne pas répondre, comme eux. (…) Ils ne voulaient pas rentrer, juste mater. (…)
À 9h le lendemain, j’avais faim et envie de fumer. J’ai fureté dans la cellule pour faire quelque chose. On ne pouvait rien casser, pas appeler. La fenêtre donnait sur une cour intérieure, un toit en fait, où jamais un humain n’est allé. Tout était arrondi, lisse, aseptisé, c’était franchement flippant. Au plafond il y avait une demi-sphère en alu poli pour faire miroir depuis le judas et ne laisser aucun espace sans vue (même collé à la porte). C’était vraiment de l’incitation au suicide, par sa volonté affichée de le rendre impossible. La frustration, même pour moi qui ne veux pas crever, était à son comble. (…) Enfin vers 11h, j’ai entendu une surveillante me dire que j’allais voir un médecin. J’ai pris une grande inspiration et accepté. Ils étaient au moins douze dans le couloir ! L’entretien a été assez court quand elles ont compris que j’étais en colère et pas suicidaire. Elles m’ont dit le sigle de la cellule, mais je ne m’en souviens plus, il y avait un P comme « protection » et elle est effectivement au quartier arrivant. (Puis Christine a été ramenée à la MAF.)
J’imagine le pauvre gars, tout juste sorti de garde à vue et enfermé dans cette cellule d’incitation au suicide lors de sa première arrivée à la rate. La façon la plus ignoble de lutter contre la surpopulation ! Elles sont belles, les règles européennes. (…)
• Dimanche 10 février, QD de Corbas
Demain je dois retourner à la Talaud. (…)
Excédée par le refus de parloir interne (avec son compagnon, incarcéré aussi à Corbas), j’ai essayé encore de revendiquer vendredi.
Sanction immédiate : plus de lumière et plus d’allume-cigare (bien sûr, pas de briquet en cellule). (…) Je vous joins la lettre que j’ai écrite à la direction :
Quand on se targue d’apprendre aux autres à respecter la loi, il faut d’abord, par cohérence, à défaut d’honnêteté, la respecter soi-même. Or :
J’ai été quinze jours au QD, trois lundis, et vous ne m’avez permis qu’un seul parloir.
J’ai signalé dès l’arrivée au médecin que j’avais une ordonnance pour de la kiné hebdomadaire et il n’y a eu aucun suivi.
Je n’ai pas pu m’alimenter du dimanche 3 à midi au lundi 4 à midi (deux repas refusés).
Malgré sa demande du 30 janvier, mon avocat n’a pas obtenu son permis de communiquer.
J’ai été jugée en mon absence le 5 à Aix en Provence, sans que soit organisée d’extraction ou de visioconférence.
Je n’ai pu ni lire ni écrire ni fumer du vendredi 8 à midi au samedi 9 à 8h.
L’évier de la cellule du QD est bouché.
La télévision de la cellule d’incitation au suicide ne marche pas. Le flotteur des toilettes est coincé.
La première semaine, je n’ai vu qu’une fois le médecin.
Vous avez laissé nombre de mes courriers sans réponse et les gradés ont parfois refusé de répondre à mes questions.
La cage de promenade est cernée de murs si hauts et fermée par un grillage si serré que ni la neige ni le soleil ne l’atteignent. Où est l’heure de promenade obligatoire « à l’air libre » ?
Le courrier interne m’a toujours été remis en retard, ou pas remis du tout.
(…) Je continuerai à exiger le respect des lois (à défaut du respect humain qui vous est inaccessible).
• Dimanche 17 février, Joux, QD
Je continue mon tourisme pénitentiaire. Je suis maintenant en CD, près d’Auxerre.
(…) (À mon arrivée) j’ai accepté la fouille au corps et répondu au topo du chef : « Si vous vous tenez bien, ça se passera bien » par « Si vous me touchez pas, je me tiendrai bien ». Ils n’ont pas insisté pour les empreintes et ont fait une photo tête baissée et yeux fermés pour la carte de circulation. Puis je suis allée au mitard. (…) Il fait super froid en cellule et ma voisine, une jeunette toute maigre, en chie beaucoup. Depuis trois jours on réclame qu’ils viennent prendre la température, mais ils ne font rien. (…) Je me souviens avoir lu qu’un mitard avait été fermé après qu’un huissier ait relevé 14°C. Je suis sûre qu’il ne fait pas plus ici. (…)
Il y a deux mois, deux filles ont pris en otage une surveillante. Après 30 jours de mitard bien agités et une comparution immédiate (18 mois pour l’une, deux ans pour l’autre), elles ont eu le droit à un transfert disciplinaire, mais je ne sais pas où.
• Jeudi 21 février, quartier disciplinaire, Joux
(…) Des nouvelles du « frigo » :
Vendredi, alors que j’étais assez détendue, vu l’accueil moins militarisé qu’à Corbas, j’ai réclamé par écrit au directeur qu’il s’inquiète de la température des cellules. Même s’il m’avait promis, lors de la rencontre arrivant, de répondre à mes mots, je n’ai pas eu de réponse. Samedi après-midi, ma voisine a eu des crampes à force de se crisper contre le froid. Un infirmier de l’UCSA lui a donné un doliprane et lui a promis du Decontractyl (qui n’est pas arrivé). À chaque passage, on relançait la demande de prise de température. [1] Le lendemain vers 17h, elle s’est bloqué les reins. L’alerte a été vite passée par les filles (moi, on ne me répondait plus). Une surveillante l’a vue bloquée sur son lit et a dit qu’elle allait prévenir. Durant une heure, j’ai essayé de la calmer car elle paniquait (« je ne veux pas mourir ! »), s’engourdissant toujours plus. Vers 18h enfin, j’ai entendu qu’on ouvrait la grille. Il n’y avait que des matons et deux chefs. Ils voulaient la forcer à se lever et elle criait qu’elle avait trop mal. J’ai même entendu : « Arrêtez de pleurer ou on va se mettre en rogne ». Quand ils m’ont apporté la gamelle, je les ai engueulé de ne pas avoir appelé de médecin et ils m’ont répondu : « Mêle toi de tes oignons ». Alors j’ai mis le feu aux poubelles. Et j’ai pris un rapport d’incident (…)
Mardi matin, le technicien est enfin venu. Il faisait 15°C près du radiateur (dans le sas) et 13°C dans le coin le plus éloigné. (…) Le médecin qui venait pour la visite hebdomadaire m’a dit que la température d’une salle d’habitation normale était entre 19 et 21°C. On en est loin ! J’ai fait une lettre de plus (la troisième) au directeur. (…) Le prétoire [commission de discipline suite au rapport d’incident] aura lieu le mercredi 27, soit le lendemain de ma sortie de trente jours de mitard, ils pourront donc m’en remettre autant (il suffit de trouver des violences, c’est pas dur).
• Mercredi 27 février, quartier d’isolement, prison de Joux
(…) Vendredi, à 18h, le chef, Dinan, m’a fait passer la gamelle sans ouvrir. Je lui ai rappelé que j’avais fait un mot et que je voulais une réponse. J’ai dit « Il faut que je les appelle, c’est ça ? ». Il m’a dit de ne pas crier, qu’il allait voir lui-même. À 18h30, je met la lumière, une matonne me dit qu’il est monté à la rue. À 18h45 je me met à taper sur la grille, les filles m’engueulent mais je continue. À 19h comme il n’y a rien, je met le feu aux poubelles. Ma voisine de mitard ne tarde pas à appeler à l’interphone, c’est plus de la balance que du soutien, mais ça les fait venir. À 19h15 ils arrivent avec l’extincteur et noient littéralement la cellule, m’aspergeant par la même occasion. Quand ils veulent refermer la grille, je me précipite pour bloquer. Ça les énerve et ils me foutent au sol trempé, bien violemment, la tête sous leurs godasses. Je ne le sens pas tout de suite, mais l’arcade sourcilière a pété. Eux voient le sang et me tirent au sec dans le couloir où ils me maintiennent au sol mais sans faire mal. Après qu’ils m’aient menottée dans le dos et relevée, j’en dénombre pas moins de 25 dans la coursive. Le chef me nettoie la figure avec une serviette propre et déclare : « Ce n’est rien, le médecin va venir. Tu vas pouvoir rencontrer un médiateur aussi. » C’est facile, le pouvoir du sang ! Car ils m’ont déjà fait bien plus mal avec les clés de bras par le passé. (…) L’attente commence. Je parle calmement, sans crier, sans insulte, répétant que j’en suis à la troisième lettre à la direction. Tous me font le discours « si tu te calmes pas dans ton comportement, tu ne sortiras jamais d’ici, penses à tes parents au moins ». Ils sont repartis, certains sont au bureau pour faire le rapport comme quoi j’ai glissé sur le sol mouillé. Ceux qui sont en cellule se détendent petit à petit. Puis arrive une directrice qui me dit de me calmer alors que je suis parfaitement calme, même si je me balance car mes vêtements mouillés me donnent froid. Je lui refais le topo : demande de suspension de peine. Aucune réponse. J’apprends plus tard que c’est la directrice technique, bref, rien d’utile !
Puis arrive le toubib. Enfin, ils acceptent de me dé-menotter et je suis escortée d’une dizaine de matons à l’infirmerie. Il nettoie, met des strips et me donne 1g de Paracetamol. Voilà, au revoir. « Et j’ai mal au genou aussi ». Mais il est parti. (…)
(Christine passe la nuit dans la cellule pleine de flotte et de cendres, sans ses affaires. Le lendemain, la cellule est nettoyée et elle récupère ses affaires.)
En prenant mes chaussures pour la promenade, je récupère papeterie et tabac. Ils promettent les couvertures propres et m’allument une clope dans la cour. Je suis crevée, mais leur dit quand même « Bon, on est revenus au point d’hier soir : couvertures, mitard propre, tabac. Maintenant, je n’ai pas changé de discours, je n’y retournerai pas s’il n’y a pas de chauffage d’appoint. » À la promenade, je marche peu et finis par m’assoupir, assise accroupie. Ils sont 6, me chopent tout de suite, menottes dans le dos, retirées alors que je suis glissée sous le lit. « Et dis-toi bien que ce sera comme ça tous les jours. » J’ai le moral en berne. Ça va un peu mieux après la sieste et une clope à 16h (par la grille, bien sûr).
Dimanche, la réintégration est encore plus violente, avec un clé de bras dont je sens encore les effets aujourd’hui. Ils ne perdent pas de temps avec les menottes et me portent directement sous le lit. J’entends le chef de détention, Bacher, dire « Ne prenons pas de risque avec cette connasse ».
Le lundi, je suis extraite au tribunal de Lyon pour voir une juge d’instruction pour une plainte déposée il y a deux ans contrer l’administration pénitentiaire et l’UHSA. C’est super frustrant. 7 heures de camion en cellule de 0,3 mètre carré pour une demi-heure devant cette juge qui, escorte aidant, n’arrive pas à me parler comme à une « victime ». J’essaie de prendre le temps avec l’avocat, mais l’escorte veut rentrer et nous interrompt au bout de dix minutes à peine.
Quand je reviens, je les suis jusqu’au mitard où ils me disent de récupérer mes affaires. Je les range dans les cartons stockés dans la pièce en face puis demande « C’est où la cellule ? ». « Mais tu y es ! » Et voilà, j’ai fait 2m, je passe du QD (Quartier disciplinaire) au QI (Quartier d’isolement). Dans l’après-midi, ils m’amènent la convocation pour pour le débat contradictoire (ndlr : une mesure d’isolement est prise après une commission) du jeudi, mais je sais que c’est déjà joué, j’en ai pour trois mois au moins. Je réclame la promenade, c’est la même que les douze jours précédents, il n’y a que la trace de mes godasses dans la neige.
Il n’y a guère que le mobilier qui change : les chiottes sont séparées, le radiateur plus central, la chaise peut bouger (…) Comme la fenêtre n’a pas de grillage et que le mur (en face) est à 20m plutôt que 2, il y a un peu (on est en Bourgogne) de soleil. La température est environ de 16°C. J’ai accès au téléphone et à la douche tous les matins, soit deux fois plus qu’au QD. Les surveillants passent à 9h le matin. Et l’article D247 du CPP qui dit que la nuit sans ouverture ne peut dépasser 12 heures… Ouais, de 18h à 9h, ça fait combien ?
(…)
Le chef du quartier femmes, Dinan, m’a dit que le toubib avait eu un appel de l’OIP (ndlr : au sujet du chauffage en cellule) mais qu’il avait botté en touche. La technique, c’est pas lui, c’est Sodexo. Ce à quoi j’ai répondu. « Non, le respect de la loi, c’est vous. À vous de mettre la pression sur Sodexo ». Et là, pompon : « On le fait. Ils nous payent des amendes quand ils ne répondent pas à nos demandes ». En gros, merci les taulards de vous battre, vous enrichissez l’AP, et Sodexo l’a cool. Vive les Esquimaux !
• Samedi 23 mars, QI de Joux
(Christine raconte qu’elle envoie régulièrement des mots à la direction et exige des réponses, au sujet du fait qu’elle n’a pas rencontré la SPIP depuis son arrivée, qu’elle a demandé une négociation du prix de la télé avec Sodexo, une visite du médecin au sujet du suivi psy, et quand serait ré-examinée sa mesure d’isolement. Le vendredi 15, une chef et deux surveillantes sont venues lui parler en lui proposant de dialoguer pour apaiser la situation et en lui disant que les mots répétés à la direction ne serviraient à rien, mais que, elles, voulaient instaurer une « relation saine ». Malgré l’attitude moins « bienveillante » d’autres surveillantes, Christine espère que ce dialogue va apaiser la situation.)
Le samedi, à 18h, ils m’ont tendu le repas sans un mot, je l’ai pris et ai poussé du pied le sac poubelle bien fermé, pour qu’il franchisse le seuil de la porte. Là, le mec me l’a renvoyé d’un coup de pied. J’ai shooté dedans et il a éclaté dans le couloir. Ils en ont refoutu une partie en cellule et ont claqué la porte. Moi, j’ai repoussé les détritus contre la porte, ai caché l’œilleton et me suis mise à manger. Au premier passage à 19h45, la matonne a tapé, et je lui ai dit d’ouvrir, de ramasser ses poubelles, et qu’alors je déboucherais le judas. Elle m’a répondu « je t’ai entendu, ça suffit. T’as qu’à rester dans ta merde ». Pour le passage à 21h30, j’avais mis un mot sous la porte : « Cognez tant que vous voulez, ce sont les autres filles que vous réveillerez. Je vous demande juste que vous ramassiez vos poubelles puisque vous ne me laissez pas sortir les miennes ». Ça a cogné très fort à 22h30, moins fort à 1h30, 5h du mat’. Le lendemain dimanche, 7h, ils étaient plusieurs pour retirer le cache, sans un mot et sans prendre les poubelles. J’ai remis un cache aussitôt (sur l’œilleton). À 9h30 j’ai branché l’infirmier sur l’hygiène. Il était énervé. « Je dois déjà gérer l’OIP à cause de vous, alors vos histoires de poubelles, j’en ai rien à foutre ! » (…) À la gamelle, à 18h15, ils étaient au moins 6 pour me repousser quand je pousse les poubelles du pied.
La violence monte clairement. À 19h45, je suis étonnée car la porte s’ouvre. Ils sont huit. Je connais ce chef ? J’imagine que c’est le délégué CGT, car il m’appelle « camarade », ne cherche jamais la violence et sifflotte Bandera Rosa quand il approche de ma cellule. Il me fixe le marché : je retire le cache ou ils vident toute ma cellule ? Je lui redis le mien : ils vident leurs poubelles ou je laisse le cache. On discute pour le plaisir plus de dix minutes. Puis ils se décident à tout vider, y compris matelas, télé et couvertures, chaise et papier cul. Ça vire même à la franche rigolade car ils se savent ridicules. Il calme ses sbires quand, pour faire un peu de sport, j’essaie de gêner la fermeture de la porte et en rigole. Bien sûr, je cache l’œilleton aussitôt avec les moutons restés sous le lit. D’abord, je vais bien car il n’y a eu aucune volonté d’humiliation, juste l’obéissance idiote à des ordres idiots… que j’ai contrés. Mais la nuit est longue sans bouquins, et je commence à avoir froid sans couvertures. À 1h30, les coups dans la porte me réveillent et je n’arrive plus à m’endormir, même pelotonnée contre le radiateur. Par l’interphone, je demande la Ventoline et une couverture. Une bonne demi-heure plus tard (…) ils sont 3 à la fenêtre à me tendre la Ventoline. Ils font un autre aller-retour pour les couvertures que le chef, ensommeillé, me tend entre les barreaux en disant :
— Tu sais que tu fais chier, toi ?
— T’en fais pas, c’est réciproque…
(… le lendemain matin, Christine peut récupérer quelques maigres affaires.) Le chef m’appelle pour me signaler un CRI (Compte-rendu d’Incident) : jet de poubelles et insultes le samedi soir ! Je m’explique longtemps. (Puis elle récupère petit à petit toutes ses affaires.) Moi je vois que le QI les oblige à faire les loufiots puisque tout mouvement m’est interdit. Donc ils sont vexés. Mais au lieu de dire à la direction que la situation est idiote, ils la renforcent pour avoir un rôle plus « noble » de « disciplineurs ». Du coup, le temps et le nombre d’agents est multiplié à l’infini pour une peccadille à la base. C’est ce que j’essayais d’expliquer au juge le 13 février : « Foutez-moi la paix, ce sera plus simple pour vous, plus agréable pour moi. »
(L’embrouille suivante que Christine raconte a lieu un jour où elle doit aller voir le kiné :)
À 7h, j’ai prévenu en glissant un mot sous la porte que je devais monter voir la kiné. À 9h, quand ils sont venus ouvrir, je l’ai redit. Mais ils m’ont dit que j’avais le temps d’aller en promenade car elle ne venait qu’à 10h. Quand ils sont revenus vers 10h30, ils étaient 4, dont 2 mecs. La grille vers le bâtiment était fermée, et ma cellule ouverte. J’ai refusé tranquillement d’y entrer, expliquant qu’après, il serait trop tard. Le chef a voulu me saisir, je me suis débattue et retrouvée au sol. Là j’ai eu la possibilité de le mordre au bras mais je ne l’ai pas fait, mais le bracelet de sa montre a cassé quand il a retiré son bras. Ils m’ont tenue au sol le temps que les renforts arrivent. Ils m’ont menottée dans le dos, foutu une serviette dans la bouche et traînée jusque sous le lit du mitard. Mes lunettes étaient tombées depuis longtemps. Par deux fois, je suis arrivée à bloquer la fermeture du sas, puis ils m’ont délibérément écrasé la main dans la grille. Il restait un drap sous le lit et je l’ai mis sur le sas pour boucher la vue. Un quart d’heure après sont arrivés trois infirmiers psy. Je me suis d’abord adressée à la matonnerie en disant : « D’accord, je suis en prévention. Mais au mitard j’ai le droit aux bouquins, à de quoi écrire, aux couvertures. Alors quand vous m’aurez passé ça, je vous donnerai mes chaussures et mes lacets. _ Quand vous aurez mis l’allume cigare en route, je rendrai le briquet. Et je retirerai le drap quand j’aurai la convoc’ pour le prétoire. » Ils n’ont rien répondu. Les psys voulaient causer, que je retire le drap. Je leur ai dit que j’étais d’accord pour une consultation, qu’ils fassent ouvrir la grille, et ils ont refusé au prétexte qu’ils n’étaient pas toubibs. Puis ils ont essayé de me brancher en répondant au mot que je leur avais fait il y a une semaine. À la fin, je les ai envoyé chier et ils sont partis en disant : « Continuez comme ça et on vous fait hospitaliser ! » Même s’ils n’étaient pas médecins, ça m’a foutu les jetons. Une heure plus tard, à l’heure de la gamelle, ils sont rentrés avec les boucliers alors que j’étais assise sur le lit. Ils m’ont menottée et la chef Michel m’a tripotée pour trouver le briquet qui était dans la poche. (Elle ne l’a même pas trouvé !) Torture : ils faisaient mal exprès pour me faire « avouer où j’avais planqué le briquet ». J’en ai chialé de cette pseudo tournante ! Ils ont tout pris : veste, tabac, godasses, drap et même matelas. Ils sont partis sans me laisser à bouffer. Toute l’après-midi j’ai grelotté en écoutant si le brancard arrivait. Le chef « camarade » est venu me signaler la prévention et le CRI car j’aurais mordu le maton ce matin. Je lui ai redemandé mes affaires, il m’a dit de voir avec un gradé. Le médecin aussi est venu, sans ouvrir la grille malgré ma demande (« C’est non, vu les évènements ! »), je lui ai juste dit que je n’avais eu ni Doliprane ni repas (« Je vais leur signaler »). Ça a duré 30 secondes au plus. Je me demandais ce que je devais faire. J’avais froid et peur, j’étais en colère aussi. Puisqu’ils me privaient de bouffe, j’ai pensé commencer une grève de la faim, mais je suis contre ce mode d’action qui s’apparente à une tentative de suicide. À 18h, ils étaient super nombreux, dont le chef de détention Bacher pour m’apporter la gamelle. (…) Ils ont ouvert pour me rendre le matelas et mis le radiateur en route (mais au minimum). La discussion avec Bacher a été très agressive.
— Je veux mes affaires !
— Tu ne les auras pas et si t’es pas contente, t’as qu’à écrire à l’OIP.
— Et comment je leur écris sans stylo ?!
— Fais pas chier ! T’as mordu un collègue, t’es entre quatre murs et c’est bien fait pour ta petite gueule !
— De toutes façons, j’y suis entre quatre murs, que ce soit ici, en face, ou même en secteur ouvert !
— Et on va t’y faire triquarde si on veut. Tu vas apprendre que c’est pas toi qui décide. En 25 ans de pénitentiaire, j’en ai maté plus d’une, de petite conne comme toi !
(…) J’étais un peu rassurée car le risque d’hospitalisation d’office semblait s’éloigner, mais bien désespérée de passer tout le week-end dans cette cellule encore plus vide qu’une chambre d’isolement en HP… et plus froide. (…) J’ai essayé d’expliquer aux surveillantes que, quels que soient les ordres de la direction, elles devaient me passer mes affaires car c’était la loi. Je leur ai dit, très calmement, qu’après Nuremberg, pour contrer les « J’ai obéi aux ordres », l’armée française avait ajouté un paragraphe qui disait que tout soldat avait le devoir moral de refuser d’obéir à des ordres contraires à la dignité humaine. Elles approuvaient de la tête mais ne m’ont rien donné.
(Puis le chef lui restitue ses affaires petit à petit.) Il a aussi augmenté le radiateur qui souffle maintenant tous les quarts d’heure et mis en route l’allume-cigare. Je lui ai alors rendu le briquet, comme je l’avais promis 24 heures plus tôt. (…)
Dinan a voulu me faire un discours d’apaisement, me disant qu’il savait bien que je n’étais pas folle. N’empêche que ces s… n’ont appliqué la loi que quand ils ont pu voir que je craquais. Ça a du les faire jouir, ces sales m… !
• Dimanche midi : re-salut !
(Christine a reçu son dossier en vue d’un passage au prétoire pour les altercations survenues.)
Le 1er surveillant dit que je l’ai mordu et qu’il a 3 jours d’ITT. Le certificat n’est pas dans le dossier. Et je sais par expérience que ces s… sont capables de se mordre eux-mêmes pour des congés et des dommages et intérêts. J’ai donc demandé par courrier la production d’un certificat et une prise d’empreinte dentaire, bien que je sache que je ne l’obtiendrai pas. En plus il porte plainte. Voilà comment prendre un an de plus ! (…)
Dans le mot à la direction, j’ai aussi parlé des mauvais traitements de jeudi et vendredi, avoisinants à de l’incitation au suicide, et des permis de visites promis et toujours bloqués.
• Lundi 25 mars
(Christine est amenée au prétoire mais ni son avocat, ni son commis d’office ne sont présents.)
J’ai dit à la directice que je considérais cette commission comme illégale puisque mon droit à être assistée n’était pas garanti. Elle m’a dit que la commission aurait lieu quand même et que si je voulais je pouvais retourner en cellule. Là c’est vrai, j’ai crié : « Je ne veux pas retourner en cellule. Je ne veux pas être enfermée, et ce n’est pas la première fois que je le dis ! »
— Bon ! Et vous voulez vous exprimer sur ces faits ?
— Oui je veux m’expliquer devant une commission légale, assistée d’un avocat.
— Alors je vous écoute.
— Cette commission n’est pas légale.
Alors les matons qui étaient dans le couloir sont entrés pour me saisir.
(…) La directrice : si vous n’êtes pas contente, écrivez à la DI ou au batonnier. Moi je vais statuer.
— Non, vous avez la possibilité d’ajourner ce prétoire, pour qu’il se passe dans les règles. (…)
— Les commis d’office ne se déplacent pas pour une seule personne, je n’y peux rien. Alors maintenant, c’est à vous de décider si on vous ramène en cellule tout de suite ou si vous vous expliquez sur l’agression de ce surveillant.
— …
— Ok, emmenez-la !
Ils me sont tombé dessus à 10 et m’ont menottée. Je me débattais (sans une insulte) et mon pull et tee-shirt me sont passés au dessus de la tête. Torse nue, portée par ces gars, alors que je criais « Je n’agresse personne, moi ! », ça avait un côté « la Liberté guidant le peuple », mais ça manquait de témoins pour la postérité ! :)
Au mitard, ils m’ont démenottée alors qu’un maton avait un genou sur ma gorge. Je lui ai dit « Retire ton genou de là, je pourrais te mordre » et je me suis pris une baffe. J’ai ensuite essayé de bloquer la porte du sas. _ L’un a dit : « On la menotte au pied du lit ? », mais ils m’ont glissée dessous et sont arrivés à fermer le sas, comme d’habitude. (…)
La chef Michel m’a demandé si je voulais signer les papiers et je lui ai dit que je voulais d’abord les lire.
— Bon, donc vous venez de prendre 30 jours (de mitard) pour avoir mordu le premier surveillant.
— Je ne l’ai pas mordu !
— Si !
— Non !
— Si !
— Non ! Et j’ai demandé une empreinte dentaire pour confondre ce menteur qui veut des congés et des parties civiles.
— Vous vous rendez compte de ce que vous dites ?
— Parfaitement, et je parle d’expérience.
(…) Dans les motivations de la CDD (Commission de discipline) était écrit : « La détenue ne veut pas répondre aux questions. Elle ne reconnaît pas la CDD au prétexte qu’elle n’a pas d’avocat. Elle déclare n’avoir agressé personne. Les faits sont avérés et constituent une faute du 1er degré. Il convient donc de sanctionner par 30 jours de QD ».
(…) Putain ! Encore trois ou quatre ans comme ça, ça va être long… ! Et ça c’est dans les meilleurs des cas, si je fais attention à ne jamais me défendre de manière efficace lors de leurs démonstrations de force… Nom de dieu comment font les autres taulard(e)s ? Comment tenir debout dans ces conditions ?
• Mardi 9 avril, Bapaume, quartier arrivants
Ce matin à 8h j’ai eu droit au transfert. Il y avait les ERIS, aussi nombreux et équipés que le 15 février. Mais cette fois j’ai eu le droit à un fourgon cellulaire. J’ai donc refusé d’entrer dans la cage avec les menottes (devant) et les entraves, mais je n’ai rien pu faire. L’arrivée ici a été un peu plus calme. Bizarrement, je ne suis ni au QI ni au QD. (…) J’ai déjà rencontré la nana qui a pris une matonne de Joux en otage il y a deux mois. Je vais pouvoir aller en sport et en promenade collective. Je vais commencer par fêter ça avec une sieste et un coca devant la télé, quel confort ! Je vous tiens au jus de l’évolution, à bientôt.
Christine
A lire également sur Rebellyon.info :
Conditions carcérales et réalité actuelle sur la prison vue par un détenu de la Santé. Mars-avril 2011. Ce texte tend donc à s’inscrire dans la modeste perspective de faire visiter cette taule, sans compromis et à titre de contre-information, à tous ceux que cela intéresse, mais surtout pour tous ceux qui luttent contre la taule et pour qui, une meilleure connaissance de ce qu’est réellement la prison ne pourra qu’aider à mieux la combattre et à comprendre les mécanismes qui s’y jouent.
Lutte autour du centre de détention de Roanne : un prisonnier victime de l’acharnement des matons
Voici deux lettres écrites en ce début d’année 2013 autour de la situation de Nabil, détenu au centre de détention (CD) de Roanne depuis an an et demi. Sa situation est très dûre, typique des punitions exemplaires que sait infliger l’Administration Pénitentiaire (AP) aux prisonniers un peu trop remuants.
Et du remou, il y en a eu ces derniers mois autour du centre de détention de Roanne, à l’intérieur comme à l’extérieur des prisonniers et leurs soutien ont protesté contre l’enfer carcéral
A lire aussi, le blog Bruno des Baumettes, journal quotidien tenu pendant 3 mois et 19 jours par un détenu de la prison des Baumettes à Marseille.
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info