Le 29 août 1842, le traité de Nankin destabilisait la Chine pour sauver la balance commerciale britannique

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Almanach de Myrelingues

Le commerce mondial assurerait la paix entre les nations et entre les peuples selon le discours des économistes néo-libéraux. Toujours plus de commerce, toujours plus de libre-échange, toujours plus de « saine » concurrence commerciale, serait donc le meilleur moyen d’assurer la paix dans le monde. Si vous avez déjà entendu ce discours lénifiant, c’est normal, il est omniprésent dans les médias ou à l’école. Et pourtant le capitalisme c’est la guerre !

Contextualisation : Guerre pour l’Opium ?

L’Empire britannique, premier narcotrafiquant de l’Histoire

Le commerce extérieur direct de la Chine avec les pays européens débute au XVIe siècle avec l’arrivée des portugais dans la région. Ils seront suivis rapidement des espagnols, puis des hollandais, anglais et français le siècle suivant. Les russes, quant à eux, développèrent le commerce avec l’Empire de Chine dès que leurs frontières furent adjacentes au XIXe siècle. Mais le commerce entre les puissances européennes et la Chine resta assez faible notamment dû à l’état d’esprit des élites chinoises qui se pensent le centre du monde, et ne voit donc aucun intérêt à commercer avec des étrangers. L’Empire de Chine, fondé en -221 av. J.C., dominait la région depuis presque deux millénaires déjà et était à la tête d’un état centralisé, bureaucratique et surtout auto-suffisant. La bureaucratie d’état n’avait donc aucun avantage à développer un commerce extérieur pour lequel elle n’avait que peu d’intérêt et surtout aucune formation.

Durant le XVIIIe siècle les choses changent. L’Europe est touchée par une vague sinophile et raffole de tous les produits qui viennent d’Extrême-Orient. Les anglais importent massivement des produits chinois (thé, soie, porcelaine, objets laqués…). Face à cette augmentation du commerce, le gouvernement chinois refuse la mise en place d’un commerce marchandise contre marchandise que leur proposait les anglais et refuse d’importer des produits anglais. Les élites chinoises ne voit aucun intérêt dans des produits dont elle n’a pas le besoin et demande à ce que le commerce extérieur se fasse contre de la monnaie (or, argent, etc...). Si dans un premier temps le commerce sino-anglais se développe, rapidement il devient problématique pour le gouvernement britannique qui s’inquiète de sa balance commerciale et de la fuite de sa monnaie. Face à l’augmentation toujours de plus en rapide des importations chinoises, le risque de déstabilisation monétaire est réelle. Or pour se maintenir comme la première puissance commerciale et maritime mondiale, l’Empire Britannique a besoin de maintenir une monnaie forte.

Pour rétablir leurs balance commerciale, et pour contourner le refus chinois d’importer des produits anglais, les Britanniques se lancèrent dans le commerce lucratif d’opium. Si en 1729, environ 200 caisses d’opium entrent chaque année en Chine ; à la fin du XVIIIe siècle, le chiffre dépasse les 4 000 unités, et en 1838, plus de 40 000 caisses sont vendues par les Américains et les Britanniques. La Compagnie britannique des Indes orientales voit ainsi un bon moyen de stopper le déséquilibre commercial avec la Chine tout en finançant la colonisation de l’Inde, principale région productrice d’opium dans le monde. La Compagnie britannique devint dès lors la première organisation de narco-trafic internationale, le tout avec le soutien de la couronne et du parlement.

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L’opium du peuple, la religion commerciale britannique

Dès le XVIIIe siècle, la Chine faisait déjà état d’un phénomène de consommation abusive d’opium, et en 1729 l’empereur Yong Zheng (1723–1736) interdit les importations d’opium. Cependant le trafic continue, et en 1796, un nouvel édit, proclamé par l’empereur Jiaqing (1796–1821), confirme l’interdiction du trafic de l’opium, sous peine de mort. Cette fois, des sanctions contre les opiomanes sont également prises. En 1800, l’empereur proclame un troisième édit qui confirme à nouveau la prohibition de l’opium et interdit sa culture sur le sol chinois. En 1809, une mesure administrative est prise pour tenter d’entraver le trafic : les navires qui déchargent au port de Huangpu doivent fournir un certificat indiquant l’absence d’opium à bord. La corruption régnant parmi les fonctionnaires ne permet pas l’application stricte de ces mesures.

Rien ne semble pouvoir arrêter ce commerce très lucratif : en 1813, une caisse d’opium indien se vend 2 400 roupies, alors que le prix de revient n’est que de 240 roupies. En 1821, un nouveau décret chinois annonce que le commerce n’est plus possible à Huangpu. Le marché se déplace à Lingding, où il se développe de 1821 à 1839. La Compagnie britannique des Indes orientales décide alors de contourner l’interdiction et augmente ses ventes illégales d’opium en Chine ; elles passent de 100 tonnes vers 1800 à 2 600 en 1838. La balance commerciale des Britanniques avec la Chine devient enfin excédentaire. En 1835, il y aurait plus de 2 millions de fumeurs d’opium en Chine, devenant un problème sanitaire, commercial, mais aussi un réel souci d’autorité pour le gouvernement chinois.

En mars 1839, pour mettre fin à la contrebande et à la consommation d’opium, l’empereur décide d’envoyer Lin Zexu à Canton pour y établir la liste de toutes les fumeries d’opium, de leurs tenanciers et des vendeurs. Il confisque ensuite tous les stocks d’opium de la ville et il ordonne à leurs propriétaires de venir remettre la drogue en échange de thé. Tous les propriétaires étant étrangers, ils doivent aussi renoncer par écrit au commerce avec les Chinois. Le surintendant du commerce britannique devra alors coopérer avec Lin. En avril 1839, Lin fait parvenir à la reine du Royaume-Uni, Victoria, un message pour lui dire que la consommation d’opium est interdite en Chine et lui demande d’en faire cesser le trafic.

Le 3 juin 1839, la drogue saisie est détruite, soit 20 291 caisses contenant 1 188 tonnes d’opium. Lin édicte un règlement stipulant que les bateaux étrangers entrant dans les eaux territoriales chinoises seront fouillés. Face aux actions de Lin Zexu, qui met rapidement fin au commerce de l’opium et menace les intérêts des contrebandiers britanniques, William Lamb, vicomte de Melbourne et Premier ministre de la reine Victoria, convainc le Parlement britannique d’envoyer un corps expéditionnaire à Canton, déclenchant du même coup la première guerre de l’opium. Au Royaume-Uni, environ 300 sociétés commerciales britanniques demandent au gouvernement d’intervenir auprès des autorités chinoises afin qu’on leur paie leur marchandise détruite.

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La première guerre de l’opium ou la diplomatie de la canonnière

En avril 1840, une armada britannique est mise sur pied : 16 vaisseaux de ligne, 4 canonnières, 28 navires de transport, 540 canons et 4 000 hommes sont envoyés en Chine pour défendre les intérêts des contrebandiers et trafiquants de drogue britanniques. La criante infériorité numérique des britanniques est compensée par les avancées techniques et tactiques dans le domaine militaire et ils enchaînent victoire sur victoire. Ils conquièrent la petite ville de pêcheur qu’est alors Hong Kong, et qui ne comptait que 7.000 habitants en 1830, et en font une tête de pont pour l’expédition militaire. Dès lors les britanniques s’efforcent de faire tomber les forts côtiers via l’utilisation de leur navire de guerre, le tout sans jamais s’avancer dans les terres. Ils contrôlent rapidement l’embouchure du Zhu Jiang, l’un des principaux fleuves du sud-est de la Chine, et ainsi peuvent prendre le contrôle du commerce dans la région. Face aux victoires britanniques, la cour impériale chinoise prend peur. Lin Zexu tombe en disgrâce et est condamné à l’exil. Qishan, un aristocrate chinois, est envoyé pour le remplacer.

Qishan souhaite ouvrir les négociations avec les britanniques afin de mettre fin au conflit qui tourne en sa défaveur. Pour cela il prend le contre pied de son prédécesseur. Il détruit les défense de Canton et y dissout la milice qui avait réussi à repousser les britanniques. Il cède par la suite aux demandes britanniques et accepte la reprise du commerce avec le Royaume-Uni, le remboursement des stocks d’opium détruits, mais aussi la passation de Hong Kong dans leur giron britannique. Les Britanniques veulent encore faire peur aux Chinois afin d’obtenir davantage avec une nouvelle négociation. En août 1842, une escadre britannique remonte le Yangzi Jiang jusqu’à Nankin, obligeant le gouvernement de l’empereur Daoguang à capituler et à signer le traité de Nankin le 29 août 1842. Ce traité est une victoire totale pour les britanniques qui forcent ainsi le libre commerce de l’opium, l’ouverture de nombreux ports chinois au commerce international, ainsi que la prise de Hong Kong.

L’effondrement politique, social et économique de la Chine

Révolte des Taiping (1851-1864)

Le traité de Nankin affaiblit le gouvernement des Qing alors qu’il faisait déjà face à de nombreuses difficultés. Les sanctions financières conduisent le gouvernement chinois à accroître la pression fiscale, et la ponction annuelle d’argent-métal, liée au commerce de l’opium, est énorme. Cela entraîne le renchérissement de l’argent, avec lequel sont payés impôts et loyers, ce qui engendre de facto une forte augmentation du coût de la vie pour des populations affaiblies. Car à ce contexte économique difficile vient s’ajouter plusieurs catastrophes naturelles (famine dans le Sichuan de 1839 à 1841, famine dans le Hunan en 1851, inondations du Yang-tsé Kiang en 1849, inondations en 1851 et en 1855 du Huāng hé, ...) qui paupérise la population et décrédibilise le gouvernement du fait de son manque cruel de réactivité. Le gouvernement impérial étant ruiné par les remboursements britanniques il est incapable de subvenir aux besoins des victimes. La dynastie mandchoue des Qing tombe alors dans un grand discrédit. Son impuissance à secourir rapidement les victimes des catastrophes naturelles, jointe à sa défaite face aux occidentaux et à la situation économique totalement dégradée, montre à tous que les Qing ont perdu le peu de légitimité qui leur restait et que le "Ciel" leur a retiré son mandat.

Cette déstabilisation majeure de la Chine du sud-est permis l’émergence d’une secte messianique dirigé par Hong Xiuquan (1813-1864), un Hakka originaire de la classe sociale paysanne. Ce messie autoproclamé avait lu des brochures chrétiennes remises par des missionnaires autour de 1834, et qui se disait frère cadet de Jésus-Christ. Son mouvement resta avant tout situé dans le Sichuan durant les années 1830 et y resta assez minoritaire. Il n’était alors qu’une des très nombreuses sectes qui existait en Chine. À la fin de 1844, l’un de ses tout premiers disciples, Feng Yunshan, commence à prêcher, et créé le Bai Shangdi Hui, la « Société des adorateurs de Dieu », qui faisait la synthèse de l’Ancien Testament et des traditions des sociétés secrètes chinoises, obtenant ainsi l’adhésion des minorités hakka, zhuang et yas de la province du Guangxi, en Chine du Sud. Mais c’est en 1850 que le mouvement prend les armes. Il conquiert ainsi rapidement le Guangxi avant de faire marche vers Nankin et les riches régions du sud-est chinois. La prise de Nankin en 1852 est une date-clé pour le mouvement Taiping puisque c’est à partir de cette date que le « Royaume céleste » s’organise : Hong Xiuquan établit un « Système agraire de la dynastie céleste » ; il élabore dix « Commandements célestes », et constitue un système à la fois politique, religieux et social. Le mouvement adopte, dès la prise de la ville, une organisation et une hiérarchie strictes, ce qui fait sa force initiale et le démarque des nombreuses révoltes du passé.

Les réformes mises en place sont radicales : l’esclavage est aboli, la polygamie et le bandage des pieds des femmes interdits. L’égalité des sexes (mais aussi leur rigoureuse séparation) est instaurée pour la première fois dans l’histoire du pays. Toutes les terres sont réparties également entre tous les habitants. Les récoltes, les vivres, les vêtements, les étoffes et l’argent sont mis en commun, puis redistribués égalitairement. La religion occupe une place importante dans le « Royaume céleste ». La société Taiping présente d’ailleurs certains des caractères d’une secte, comme l’obligation d’assister aux offices religieux, toutes les semaines pour les adultes, tous les jours pour les enfants, ou encore la forte hiérarchisation, la centralisation des décisions, et la remise de tous les biens et de l’argent excédentaires au Trésor Public. L’opium, le tabac et l’alcool sont aussi interdits.

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La seconde guerre de l’opium (1856-1860)

Si le commerce de l’opium n’était plus réprimandé par le gouvernement des Qing depuis la première guerre de l’opium, l’opium restait illégal en Chine. Cette situation empêchait le développement de la consommation (qui était déjà très élevée) pour les marchands occidentaux. De plus, les avantages commerciaux que possédaient les britanniques depuis le traité de Nankin étaient enviés par les autres puissances occidentales (France, États-Unis, ...). Cette situation dégénéra le 8 octobre 1856 quand un bateau contrebandier anglais est arrêté par les autorités chinoises. Le Royaume-Uni trouve dans cet incident l’occasion de lancer un second conflit avec l’Empire des Qing afin de continuer à forcer l’Empire chinois à s’ouvrir au commerce international, sur des bases, bien entendu, favorables aux puissances occidentales. La seconde guerre de l’opium se trouve dès lors être une réédition de la première, à ceci prêt que la France et les Etat-Unis participent cette fois au conflit, au côté des britanniques, et que les forces occidentales doivent faire face à une armée chinoise déstabilisée et affaiblie par la révolte des Taiping alors en cours.

En 1858, les occidentaux imposeront le traité de Tianjin à l’empire des Qing. Ce traité forçait l’ouverture de onze nouveaux ports chinois aux étrangers, ouvrait aux délégations étrangères l’accès à Pékin, mais aussi l’activité des missionnaires chrétiens ainsi que la légalisation de l’importation de l’opium. Il ne fut ratifié par l’empereur de Chine que lors de la Convention de Pékin en 1860, suite à la prise de la capitale par les forces armées britanniques et française, et le pillage du « Palais d’été » le 5 octobre 1860, alors résidence de l’empereur, puis sa destruction par le feu le 18 octobre.

Paradoxalement, cette seconde humiliation sauve temporairement la chine impériale. Car une fois soumise aux diktats occidentaux, ceux-ci acceptent de l’aider dans son conflit interne contre la révolte des Taiping. En août, les révoltés avaient tenté de prendre Shangai, mais il avait été repoussé par les garnisons occidentales qui étaient sur place pour défendre les commerçants occidentaux. Cet évènement retourne l’opinion des britanniques et des français qui ne voient plus dans cette révolte qu’un conflit interne, mais bien un danger pour leurs intérêts commerciaux dans la région. Les occidentaux décident donc de former une armée pour soutenir l’armée des Qing. La contre offensive est radicale pour les révoltés. « L’Armée toujours victorieuse » créée par l’Américain Frederick Townsend Ward, assisté du Français Albert-Édouard Le Brethon de Caligny, puis commandée par le britannique Charles George Gordon à partir de la mort de Ward en septembre 1862, enchaîne victoire sur victoire. Les avancées techniques et tactiques militaires occidentales permettant d’écraser la révolte dans le sang. La répression des révoltés, les famines et les batailles entraînent alors l’un des plus grands massacres de l’histoire de l’humanité. Alors que la guerre civile se concentre que dans le sud-est de la Chine, elle aurait fait entre 20 000 000 et 30 000 000 de mort dans les deux camps. Les pertes occidentales étant quand à elle totalement dérisoire.

La révolte des Taiping et la seconde guerre de l’opium laisse la Chine face à un état de crise permanent. Mais après plusieurs dizaines de millions de mort, l’empire chinois connu un relatif calme. Mais le commerce avec les occidentaux ne faisant que s’accélérer, il continua à désorganiser l’économie chinoise et à paupériser la population.

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L’effondrement chinois

L’empire de Chine affaibli, désorganisé, paupérisé sombre petit à petit dans une forme de guerre civile et extérieure permanente entre les forces pro-occidentales, réformistes, conservateurs, les occidentaux, les forces japonaises, puis les républicains, les chefs de guerre locaux et le parti communiste chinois.
La révolte des Boxers (1899-1901) sera d’ailleurs avant tout dirigé contre les occidentaux. Ainsi se succéda la guerre franco-chinoise entre septembre 1881 et juin 1885 pour imposer la colonisation de l’Indochine à un pouvoir chinois qui considérait traditionnellement l’Indochine comme étant dans sa sphère d’influence. Puis vint la guerre sino-japonaise (1894-1895), qui mit face à face les armées chinoises, encore assez peu occidentalisées et mal équipées, face aux forces japonaises largement équipées et entraînées par les occidentaux. La victoire japonaise est sans appel et lance la colonisation japonaise du sud-est asiatique. Ainsi la péninsule coréenne, l’île de Taïwan (Formose) tombe sous le joug japonais.

Face à ce découpage de la Chine par les pouvoirs occidentaux et par le Japon, la guerre civile gangrène le pays, et en 1899 éclate la révolte des Boxers. Poussée par une société secrète chinoise, les Poings de la justice et de la concorde, cette révolte vise à chasser les occidentaux et l’impératrice Cixi de Chine. Mais rapidement des éléments de l’armée impériale rejoignent le mouvement et la révolte ne prend plus que pour cible les occidentaux et les chrétiens. Les combats se déroulent dans les grandes villes du nord-est chinois où sont implantés les compagnies occidentales. Les forces colonisatrices (britanniques, françaises, allemandes, japonaises, italiennes, russes et austro-hongroises) s’allièrent rapidement pour faire face et la révolte sera écrasée dans le sang. On dénombre environ 30.000 chrétiens chinois morts, massacrés par les boxers, 3.000 morts chez les occidentaux, et environs 30.000 à 50.000 morts chez les révoltés.

Profondément ébranlé par la révolte, l’autorité impériale essaya tant bien que mal de se réformer durant les années qui suivirent. Mais incapable de renégocier les différents traités avec les puissances occidentales, le pays reste profondément déstabilisé par la corruption, le commerce et la consommation massive de l’opium, et l’effondrement économique et social. Au final, c’est la révolution Xinhai en 1911 qui verra l’émergence d’une révolution républicaine qui mettra fin à l’empire l’année suivante. Le 1er janvier 1912, Sun Yat-sen proclame la République de Chine, lui-même assumant la charge de président provisoire. Nankin devenant la capitale provisoire du pays. Sun se rend avec son cabinet sur la tombe de Yongle, empereur de la dynastie Ming et s’adressant à ses ancêtres hans, déclare : « La politique des Mandchous a été une politique extrêmement tyrannique. Motivés par le désir de soumettre perpétuellement les Chinois, les Mandchous ont gouverné le pays au plus grand détriment du peuple. La race chinoise, aujourd’hui, a enfin restauré le gouvernement du peuple de Chine… Le peuple est venu ici pour informer Votre Majesté de la victoire finale ». La volonté de reconstruire une Chine sur un modèle nationaliste, moderne et militariste vise à rétablir un état fort en vue de reconstruire le pays après 50 ans de déstabilisation extérieure et intérieure.

Rapidement, la République de Chine est incapable de contrôler les territoires de l’ancien empire des Qing et l’empire se disloque. Le Kuomintag, le gouvernement de la république, ne contrôle qu’une petite région au sud-est de la Chine, le reste du pays étant sous le contrôle de cliques, dirigées par des chefs de guerre, qui exercent réellement le pouvoir sur les territoires qu’ils contrôlent. La guerre civile entre le gouvernement du Kuomintag et les chefs de guerre, entre les chefs de guerre, et entre les communistes du P.C.C.(fondé en 1921) maintient le pays dans un climat de guerre civile permanente jusqu’en 1949, date de la victoire du P.C.C. sur le continent. Ce conflit fit entre quatre et sept millions de mort. Sans compter que la déstabilisation profonde de la Chine permis son invasion entre 1937 et 1945 par les forces japonaises, causant 20.000.000 de morts chinois (dont 17.500.000 civils) et 1.000.000 de mort japonais.

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La reconstruction douleureuse et autoritaire par la République Populaire de Chine

Suite à la victoire du P.C.C. en 1949, bien que techniquement la guerre soit toujours en cours entre la République de Chine, installée sur l’île de Taẅan, et la République Populaire de Chine, sur le continent ; la déstabilisation de la Chine perdura à cause de conflits internes au P.C.C. et des tentatives de rattrapage économique désastreuses de la part du pouvoir chinois. Le "Grand Bond en avant" entre 1958 et 1960, politique économique radicale de Mao pour faire rattraper le retard productif chinois après presque 50 ans de guerre civile permanente, se solda par un échec total et entre 30.000.000 et 55.000.000 de mort. Enfin, en 1966, Mao Zedong décide de lancer la révolution culturelle afin de consolider son pouvoir en s’appuyant sur la jeunesse du pays. Le dirigeant souhaite purger le Parti (P.C.C.) de ses éléments « révisionnistes » et limiter les pouvoirs de la bureaucratie. Les « gardes rouges », groupes de jeunes Chinois inspirés par les principes du Petit Livre rouge, deviennent le bras actif de cette révolution culturelle. Ils remettent en cause toute hiérarchie, notamment la hiérarchie du P.C.C. alors en poste. Cette purge à grande échelle fut le dernier grand évènement de conflit interne massif en Chine et fit entre 500.000 et 3.000.000 de mort.

Il faudra attendre 1978, avec l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping et la mort de Mao Zedong (1893-1976), pour que la Chine retrouve une certaine stabilité intérieure. Même si les manifestations de la place Tian’anmen en 1989 fit environ 10.000 morts, le pays se stabilise via un réalisme politique et économique particulièrement efficace mis en place par Deng Xiaoping et ces successeurs. Les réformes économiques chinoises sont une synthèse de l’histoire économique de la Chine entre ouverture et maintien d’un protectionnisme fort. Ainsi les réformateurs chinois mettent en place une ouverture sous contrôle face au commerce international dirigé par les anciennes puissances rivales. Acceptant de commercer avec les occidentaux uniquement si cela est en faveur de l’économie chinoise. Cette politique a l’efficacité qu’on lui connaît et permet de rattraper rapidement son retard technologique et économique. Faisant aujourd’hui de la Chine la seconde économie mondiale. Mais bien que renforcés politiquement et économiquement, les dirigeants de la R.P.C. maintiennent une posture défensive au niveau économique pour éviter toute ingérence et déstabilisation étrangère, refusant de suivre aveuglément le modèle occidental, conscient qu’il a été créé par et pour l’occident capitaliste.

Capitalisme et Guerre

La déstabilisation de la Chine du XIXe siècle par les puissances commerciales capitalistes n’est malheureusement pas un cas isolé dans l’Histoire. Plus récemment, l’invasion par les U.S.A. de l’Irak, en 2004, relève d’une politique militaro-commerciale assez proche. Pour ré-ouvrir le pays au commerce international et faire main basse sur ces ressources cruciales pour les économies des grandes puissances (thé et coton en Chine, pétrole en Irak), le capitalisme industriel et financier à largement poussé à une invasion et une déstabilisation profonde d’un état en vue de s’assurer de nouveaux moyen de faire du profit. La déstabilisation de l’Irak est aujourd’hui profonde et ce pays restera sûrement encore longtemps en proie aux conflits religieux (révolte des Taiping en Chine, Etat Islamique en Irak), aux crimes de seigneurs de guerre et aux interventions à répétition de coalitions internationales à chaque fois que les intérêts du pillage commercial sera menacé. Car bien que l’État Islamique est aujourd’hui (août 2018) perdu le contrôle de la plupart de ces territoires, les derniers rapports de l’O.N.U. indiquent qu’il y aurait encore plus de 20.000 combattants djihadistes actifs qui se cacheraient dans les zones sunnites du pays. Le capitalisme d’aujourd’hui n’a donc rien à envier au capitalisme d’hier. Les même méthodes pour les même objectifs.

Mais l’Histoire des puissances dominantes est changeante et les conflits d’hier pourrait s’inverser. Les tensions commerciales de plus en plus vive entre les U.S.A. et la R.P.C. sont là pour nous rappeler que le commerce international à changer de visage. Deng Xiaoping et les nouveaux dirigeants chinois ont renversé la donne commerciale. Aujourd’hui la guerre commerciale Chine/U.S.A. est à l’avantage de l’ancienne puissance colonisée et cela pose de sérieuse question sur les possibilités d’escalade militaire dans l’Asie du sud-est. Car l’O.M.C. et les "régulations" du marché international n’existe que pour assurer la domination des puissances dominantes qui l’ont mise en place, et Donald Trump et les grands industriels étasuniens sont aujourd’hui conscients que les règles ne vont plus dans leur sens. Il n’est d’ailleurs pas exclu de revoir ressurgir des tensions commerciales, mais aussi d’ordre militaire pour assurer l’approvisionnement de nouvelles matières premières stratégiques (terres rares). Car quand le commerce ne suffit plus à asseoir la domination des grands industriels et financiers occidentaux, le recours à l’armée est rarement loin.

Au final le capitalisme n’est qu’une guerre commerciale entre les états, les entreprises, les producteurs et entre tous les individus. Si à chaque échelon cette guerre a des formes différentes, elle n’en est pas moins qu’un seul et unique conflit sous de nombreux visages. Que cela soit entre les puissances européennes et la Chine au XIXe siècle ou entre des livreurs Uber mis en concurrence à celui qui sera le plus disponible, rapide, "concurrentiel", le capitalisme est un conflit permanent. Mais cette "concurrence libre et parfaite", selon la novlangue économiste, n’est que pure mensonge car elle est avant tout l’oppression de ceux qui possèdent les moyens de s’assurer la meilleure place commerciale. Mais dès lors que les moyens économiques ne suffisent pas à maintenir ou renforcer l’oppression, tous les moyens sont "bons" pour assurer sa domination (militaires, diplomatiques, culturels, religieux, ...).

Il ne peut donc avoir de paix dans le capitalisme, car le capitalisme c’est la guerre !

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