PETIT RAPPEL DES faits. Fin janvier, alors
qu’il vient d’être placé en centre de
rétention, Guillherme apprend son expulsion
imminente et s’enduit d’excréments
pour y échapper. Pour cet acte, il écope
de deux mois fermes à la maison d’arrêt
de Corbas. Le 18 mars, à sa sortie de
prison, il est de nouveau placé en rétention
à Saint-Exupéry, avant une nouvelle
tentative d’expulsion. Mais lors du transit
à Francfort, le pilote refuse de décoller
avec un sans-papier ligoté à son bord. Il
est donc libéré.
Le répit est de courte durée. Cinq jours
plus tard, le 25 mars au petit matin, il est
de nouveau arrêté à son domicile, toujours
sous les yeux de sa famille. Il passe deux
semaines enfermé au CRA, et le 8 avril,
on l’embarque à l’aéroport militaire du
Bourget, où une troisième tentative d’expulsion
échoue : le pilote Air France pour
Luanda (capitale de l’Angola) explique que
sa conscience lui interdit d’embarquer un
sans-papier baillonné et maintenu sur son
siège avec une camisole de force. Nouvelle
tentative le lendemain qui avorte quand
l’avion militaire dans lequel Guillherme a
été traîné doit faire demi-tour car le Portugal
refuse le survol de son territoire.
Relâché, il est accueilli en héros le lendemain
à la gare de la Part-Dieu par ses
soutiens. Après ce nouvel échec, le préfet
du Rhône, Jacques Gérault, déclare forfait
et annonce qu’il renonce (provisoirement)
à son expulsion « constatant l’impossibilité
matérielle de faire procéder à
la reconduite à la frontière de M. Hauka
Azanga » (communiqué de défaite envoyé
à la presse lyonnaise le 8 avril à 21h). Sans
pour autant lever son OQTF (obligation
de quitter le territoire), sans non plus le
régulariser [1].
Des gens autour n’en ont pas démordu,
« non, Guillherme ne partira pas ». La
manière de faire de la politique du collectif
de soutien (qui s’est monté pendant les
semaines d’enfermement de Guillherme)
est loin des cénacles de la politique institutionnelle.
Elle a pour origine les liens de
proximité qui existent entre Guillherme
et les parents d’élèves, ses amis, ses voisins,
des gens qui habitent simplement la
Guillotière et qui connaissaient un peu
Guillherme, ou qui ont entendu parler de
l’histoire.
Voilà ce qui se passe, quand une lutte
se donne les moyens de sa victoire. Des
parents d’élèves tout ce qu’il y a de plus
ordinaires qui commencent par interrompre
le cours des choses. En occupant l’école
sans perturber les cours mais en dormant
quand même là. L’école ne devient plus
seulement l’endroit où on laisse ses enfants
la journée mais un lieu où on se retrouve
pour s’organiser. Tous les jours, un goûter
est organisé pour fi nancer une caisse de
solidarité [2]. Dans le quartier, des dizaines
de banderoles de soutien ornent les fenêtres.
Les manifs s’enchainent à un rythme
effréné (quasi-quotidien à certaines périodes).
De simples citoyens deviennent des
acharnés.
Le collectif joue sur tous les tableaux. Il
veut faire parler de cette histoire en médiatisant
(beaucoup d’articles dans le Progrès
et dans d’autres canards, pas seulement
lyonnais). 5000 lettres de soutien sont
envoyées par des anonymes à la préfecture
réclamant sa régularisation. Le collectif
joue aussi la carte de la dénonciation avec
l’envoi d’e-mails à Air France et aux syndicats
de pilotes portugais et allemands
pour qu’ils refusent « le vol de la honte ».
Mais les gens qui soutiennent Guillherme
ont surtout occupé l’espace public avec
ces manifs où des nourrices, malgré les
reproches d’une militante RESF, bloquent
la circulation automobile en gueulant que
tant que Guillherme ne sera pas revenu,
elles ne bougeront pas de là. Ces moments
chouettes où des gens pas du tout habitués
aux luttes politiques sortent de la stratégie
prévue par des organisations. Une des
manifs (certaines réunissent pas loin de
500 personnes), de déambulations de la
rue de la Ré à la place du Pont en sit-in
bloquant la circulation, durera 7 heures
de suite. C’est dans ces moments-là que
se joue la lutte politique, dans cet acharnement
à ne pas céder.
Aujourd’hui, le collectif est toujours là et
continue de se réunir. On a d’ailleurs pu
voir cette énorme banderole déployée pendant
la manif du jeudi 28 octobre. Il veut
obtenir la régularisation de Guillherme.
Depuis sa libération en avril, celui-ci vit
dans la clandestinité, sans pouvoir voir sa
compagne et ses enfants.
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