Ici, en 1958, la France torture des Algériens

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André Malraux, ministre d’Etat sous de Gaulle, avait assuré publiquement au début de l’année 1958 « qu’il n’y avait plus de tortures en Algérie ». Mais apparemment le mal s’est propagé en France. Ces témoignages de tortures proviennent d’extraits du bulletin n°2 de l’Action Civique Non-Violente de l’époque.

A Paris, au mois de décembre 1958, trois étudiants algériens furent arrêtés et battus dans l’Université jusqu’à ce que le Recteur intervint pour signifier aux policiers qu’ils avaient à « faire leur besogne ailleurs ».

Voici la plainte que l’un d’eux déposa :

- « Arrêté le 5 décembre 1958 vers 21 heures, je fus immédiatement conduit dans les locaux de la DST, rue des Saussaies. A mon arrivée, je fus interpellé par Mr Wybot lui-même qui me confia à un des policiers qui l’entouraient, gros, trapu, très brun, avec une face de bouledogue, et, à en croire ses confidences et son accent, français de Tunisie.

Il me conduisit dans une salle du rez-de-chaussée mesurant environ cinq mètres sur trois et m’« interrogea » à coups de poings et de gifles. Je protestai et refusait de répondre. L’on me conduisit alors dans une salle située au dernier étage de l’immeuble. Là, les policiers me lièrent les poignets et les chevilles, le policier qui m’avait interrogé plaça une barre de fer entre mes jambes et mes bras en flexion. J’étais, suivant leur expression « à la broche ». La « broche » fut appuyée sur des cales de bois placées sur deux tables hautes d’un mètre environ. Les policiers firent passer le courant électrique dans la barre. En même temps l’on me plaça des électrodes un peu partout sur le corps et même sur la bouche, dans l’anus et sur le coeur. La séance dura de 23 heures environ jusqu’au samedi matin 6 heures. Je dus m’évanouir sept ou huit fois. Pour m’empêcher de crier, un des policiers, à un moment donné, me plaça un mouchoir gluant rempli de tabac. Je refusai toujours de répondre.

Le samedi matin, je fus conduit dans une autre cellule où un frère algérien gémissait. Ordre fut donné de ne nous donner ni à boire ni à manger, et de nous empêcher de dormir. J’y restai jusqu’au dimanche matin, le garde me donnant des coups de pieds chaque fois que je m’assoupissais.

Au petit jour mes tortionnaires revinrent me prendre et me « repassèrent à la broche » jusqu’au soir. J’ai dû m’évanouir dix fois, mais je persistai à ne pas parler.

Le soir, je fus jeté dans une cellule située au deuxième étage. Le garde reçut les mêmes consignes que son collègue de la veille et les appliqua de la même façon.

Le lundi deux autres inspecteurs vinrent me voir... Ils me déshabillèrent et me placèrent les jambes et les reins sur une table, la partie supérieure du corps dans le vide, les épaules et la tête au sol. Ils placèrent ma tête entre les pieds et les barreaux d’une chaise et tandis que ses aides tenaient mes mains, le sous-directeur me fit des torsions des muscles dorsaux et trapèze. Je refusais de parler.

Ils me mirent alors à genoux et partirent manger, me laissant à un garde avec les consignes habituelles. Ils revinrent trois heures après et le sous-directeur recommença mon « interrogatoire », tandis que les inspecteurs ayant retiré leurs bagues me frappaient. Comme je persistais dans mon refus, ils m’attachèrent de nouveau sur une table, nu, bras et jambes écartés et le sous-directeur me porta des coups au plexus et sur tout le corps. Quans il s’arrêtait, il fumait et m’envoyait toute sa fumée dans le nez. Je fini par m’évanouir...

Le mardi, vers huit ou neuf heures du matin, je fus porté dans une chambre du deuxième étage où, de nouveau entouré du sous-directeur et de mes tortionnaires, Mr Wybot m’attendait. On m’interrogea jusqu’au soir. Je persistai à me taire. Ma faiblesse était extrême...

Le vendredi matin, je fus conduit au dépôt et présenté au Juge d’instruction.

J’ai hésité à saisir la Justice française de mes tortures. Elle n’est pas compétente pour me juger, mais, après tout, elle devrait pouvoir juger les Français. Je n’ai pas le droit de lui refuser, pour son honneur, cette dernière chance. »

Moussa KHEBAILI, étudiant

Dans la plainte de son camarade qui reçut à peu près le même traitement, nous relevons cette note :

- « Vers trois heures de l’après-midi je fus conduit dans une autre salle, ficelé sur un banc, la tête dans le vide. Et l’on me posa des questions auxquelles à nouveau je refusai de répondre. En soulevant le banc, l’on me plongea alors la tête dans une bassine remplie d’un mélange d’eau sale et d’urine, dont je dus boire environ cinq litres.

Je suis asthmatique et atteint d’un ulcère à l’estomac. Je perdis plusieurs fois connaissance. La séance dura jusqu’à la nuit.

Les questions concernaient surtout l’Église, en particulier l’archevêque de Lyon, le Cardinal Gerlier et l’abbé Carteron, et les avocats qui plaident pour les Algériens poursuivis. En ma qualité de responsable de l’aide aux emprisonnés l’on voulait obtenir de moi des déclarations écrites pour les mettre en cause... »

BOUMAZA

- Hacène BENCHOUFI, fin septembre 1958 eut la plante des pieds éclatée à la suite de sévices qui lui furent infligés en la caserne Dode (de Grenoble) par des membres de la DST de Lyon.

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