Droit de reponse : parlons du 1er mai 2021 lyonnais
Les événements du 1er mai 2021 ont donné lieu à beaucoup de réactions et de débats. Nous parlerons ici de faits qui se sont produits à Lyon lors de la marche du 1er Mai 2021 indépendamment de ce qui a pu se passer dans d’autres villes, en tant que participant.es au cortège de tête. Nous ne sommes qu’une partie du bloc, sans en être représentatif.ves.
Résumé des événements :
La manifestation a commencé Place Jean Macé. Les blocs se sont formés en tête de cortège, comprenant plusieurs blocs aux revendications diverses, inscrites sur leurs banderoles, dont un Pink Bloc composé de personnes LGBTQIA+.
Alors que la manifestation venait tout juste de partir, le SO de la CGT69 décide d’arrêter le cortège syndical puis de reculer, permettant ainsi aux flics de diviser les cortèges. La première charge, très violente, a lieu à ce moment-là. Les flics prennent en tenaille le cortège de tête pour charger les manifestant.es, leur arracher les banderoles et matraquer à tout va.
Le service d’ordre de la CGT laisse faire malgré les manifestant.es à terre et les charges hyper violentes.
Des témoins ont affirmé depuis que la CGT avait été informée de la charge et des arrestations auxquelles les flics allaient procéder.
Le cortège se reforme et hésite à repartir au vu des agissements des cortèges syndicaux (qui reculent encore et encore... tout en nous enjoignant à continuer d’avancer) et de l’importance du dispositif policier. Lorsque que la marche repart enfin, les charges (au nombre de trois) sont immédiates. Là encore, le SO de la CGT le permet.
Cette attitude est justifiée par beaucoup par le fait que ce SO était destiné à protéger le cortège syndical. Est-ce pour autant normal de faire, comme ce fut le cas, une ligne pour bloquer les personnes qui s’enfuyaient afin d’échapper aux coups qui pleuvaient ? De ne venir en aide à aucun moment aux personnes matraquées et à terre ? De repousser les personnes qui voulaient échapper à la charge, manifestant.es, photographes comme medics, tout en criant SOLIDARITÉ au micro ? Le comportement de ce SO, en plus d’être indécent et violent, était dangereux et a mis de nombreuses personnes en péril.
Suite à ces événements, des camarades du bloc sont allé.es reprocher aux organisatEURS du cortège de la CGT leur attitude incompréhensible et irresponsable. Les réponses sont virulentes (du type « on s’en fout’, »vous le méritez« , »c’est normal"), niant le traumatisme d’être chargé.es et matraqué.es, et tentent de se dédouaner de leur implication. Au-delà de cette violence verbale, une bagarre éclate entre le SO de la CGT et certain.es militant.es venant déjà de subir une charge de la police dont on connaît la délicatesse. Des coups sont portés des deux côtés. La police tente alors de s’immiscer dans le cortège pour gérer la situation, mais l’ensemble des personnes présentes s’unissent spontanément pour dégager les flics.
Des personnes des cortèges syndicaux ont également tenu, cette fois comme en d’autres occasions, des propos sexistes et homophobes. Des « bandes de pd », « vous n’avez pas de couilles », « salopes » ont ainsi été proférées à l’encontre des membres des blocs de la part du SO de la CGT69. Il a également été, à de nombreuses reprises, reproché aux membres du Pink bloc encore présent.es dans la manifestation de ne pas avoir de message (« vous n’avez pas de pancartes ») alors même que les banderoles revendicatives leur avaient été arrachées et que la constitution d’un Pink Bloc ce jour avait en soi une visée revendicative.
La manifestation se déroule donc sous garde rapprochée de la gendarmerie mobile d’un côté et des CRS de l’autre. A plusieurs reprises, nous avons vu de nos propres yeux des membres du service d’ordre de la CGT69 pointer des manifestant.es du doigt, menant alors à une charge ciblée de la police aboutissant à l’interpellation des personnes en question.
Les charges à répétition ont ainsi mené à :
- une dizaine d’interpellations ayant abouti à 5 garde-à-vues, dont 4 personnes poursuivies
- au moins 3 plaies ouvertes à la tête dont au moins une personne syndiquée
- auxquelles s’ajoutent de nombreuses autres blessures
- 7 banderoles embarquées dont 3 du Pink Bloc
Notons à titre informatif, qu’aucune sommation n’a été faite.
Oui, les SO d’organisations syndicales ont parfois été accusés à tort de complicité avec les forces de l’ordre. Mais spécifiquement ce jour (1er Mai 2021), c’était le cas, nous l’avons vu et vécu. Comme lors de la loi travail et à de nombreuses reprises, les figures de proue de la CGT locales ont travaillé avec des flics. Les liens déjà existants entre les flics et le SO de la CGT ont ici été grandement facilités avec l’introduction des brigades ELI (« équipes de liaison et d’information »). Si nous ne dénonçons pas le principe du syndicat ou la CGT dans son ensemble, nous dénonçons en revanche les choix politiques faits par rapport au maintien de l’ordre effectué par le SO de la CGT dans le cadre des manifestations.
La CGT UberEats/Deliveroo Lyon a fait remonter que lors de ces conflits des propos racistes et classistes ont été tenus par un.e manifestant.e : il va de soi que ces propos sont insupportables et inacceptables. Nous ne nions pas qu’au sein du bloc de tête existent des comportements merdiques et oppressifs, que nous condamnons.
(Toutefois, un autre communiqué de personnes du bloc dément ces propos ; dans le doute, nous rappelons que l’instrumentalisation de personnes non-blanches à des fins politiques est toute aussi condamnable que des propos racistes. Nous rappelons aussi que les organisations syndicales sont des espaces majoritairement composés de personnes blanches qui n’hésitent pas à prendre la place et la parole des premier.es concerné.es.)
Les LGBTQIA+phobies et le racisme n’ont aucune place ni dans la société ni dans nos luttes.
Nos conceptions politiques
Les droits sociaux n’ont jamais été conquis par des manifestations « festives » comme évoqué par la CGT dans les communiqués publiés après ces évènements. Ces manifestations dites festives participent à la dépolitisation des luttes. De la même façon que la Pride est désormais considérée comme une fête, les manifestations du 1er mai sont aujourd’hui décrites comme « un défilé » par le Progrès.
Pour nous, la stratégie du bloc a pour but de faire face à la répression tout en revendiquant nos combats avec nos propres voix, dans une lutte où nous ne nous sentons pas représenté.es par les syndicats.
Ce 1er mai, nous revendiquions le moyen légitime de la violence contre des symboles de l’Etat et du capitalisme comme mode d’action.
Si nous avons opté pour ce mode de lutte, nous ne considérons pas les autres comme non valables et inutiles.
Dans ces blocs, il y avait aussi des personnes syndiquées qui avaient juste choisi un autre mode de lutte ce jour-là. Nous sommes nombreux.ses à ne pas être anti-syndicats.
Traditionnellement, les modes d’action des syndicats et les nôtres ne sont pas opposés et pourraient être complémentaires. En de nombreuses occasions, une entraide entre bloc de tête et bloc syndical a déjà eu lieu et a prouvé son efficacité dans la lutte.
De nombreux appels à l’unité des luttes ont été effectuées de part et d’autre depuis samedi, ce qui n’est effectivement pas ce qui s’est passé, ou en tout cas pas avec les membres du cortège de tête. Cela signifie-t-il que ne pas être encarté.e ou ne pas exercer un mode d’action syndical nous refuse cette solidarité ?
N’oublions pas que la CGT comporte également une branche forces de l’ordre et pénitentiaires, qui soutient également les travailleur.ses de l’appareil de répression étatique.
Un grand merci aux manifestant.es syndiqué.es ou non, et à certaines orgas d’avoir protégé les camarades face aux multiples charges et tentatives d’interpellations menées par les flics.
Merci également aux médics du cortège de tête qui ont soigné SANS DISTINCTION tous.tes les manifestant.es blessé.es qui les sollicitaient.
Voilà l’unité évoquée de toute part, voici la solidarité qu’on souhaite voir dans nos manifs.
Nous trouvons indécent de nous traiter de fascistes alors que nous vivons quotidiennement les violences de l’extrême-droite. Dans un contexte où, à Lyon, les attaques des groupes fascistes contre des personnes queer et des locaux d’extrême-gauche se sont multipliées au cours des derniers mois, se voir assimilé.es à ces individus est une violence supplémentaire.
Nous déplorons aussi que tant d’organisations et d’individus aient pris position sans connaissance des faits et appelons à modérer les propos et comparaisons hasardeuses.
Le SO de la CGT a légitimé toute la répression sur des personnes qui militaient aussi pour leurs droits, alors que la répression n’est jamais justifiable. Cette histoire a pris des proportions énormes et nous avons nous-mêmes axé notre communiqué là-dessus, alors que les violences policière et judiciaire ont été très fortes durant cette manif. Visiblement, ce qui nous a le plus surpris en ce 1er mai a été l’attitude de la CGT et non de la police, parce que, si la répression policière et judiciaire s’abat de plus en plus fortement dans les quotidiens, elle est banalisée dans nos manifs.
Si les manifestations sont aujourd’hui un terrain d’expression de la violence policière, n’oublions pas que ces pratiques s’inspirent du maintien de l’ordre raciste et colonialiste qui s’exerce dans les banlieues depuis des décennies.
C’est cette violence et la violence exercée par les patrons et le capitalisme qui auraient dû indigner en ce 1er mai.
Nous collons ce communiqué parce nous voulons garder l´anonymat qui permet aussi le cortège de tête. Nous sommes des personnes dont la mixité est très large et dont la représentation dans les médias (indépendants ou pas) et réseaux sociaux n’est pas que limitée, mais presque inexistante. Nous revendiquons l’anonymat propre à notre méthode de lutte pour faire valoir nos droits et nos voix.
Des personnes du cortège de tête.
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