« Le monde ou rien » a été le slogan majeur de la révolte du printemps 2016. Le prendre au sérieux nous impose quelques réflexions stratégiques. Si c’est contre un monde et pour un monde que nous nous battons, il nous faut penser comment faire s’effondrer le premier, et grandir le second.
Dans un pays et une époque où la quasi-totalité de la production de marchandises a été délocalisée, où une partie importante de la population est sortie du marché du travail, il paraît évident que la simple grève ne suffira pas pour attaquer le capital. Il nous semble qu’aujourd’hui le monde du capital repose sur deux choses : la circulation effrénée des marchandises et des hommes, et le contrôle de plus en plus insidieux de nos actes, nos comportements, nos manières d’être. Ceux qui vivent l’horrible quotidien des employés savent les contraintes qu’on leur impose (vêtements et maquillage imposés, sourires forcés, enthousiasme simulé…) et la souffrance qui en résulte.
Contre cela, le blocage et l’occupation doivent devenir nos premiers réflexes. Le blocage, en perturbant les flux sur lesquels repose le capitalisme, vient interrompre le cours normal du monde. Et dans cette interruption, nous entrevoyons d’autres mondes, d’autres manières d’être ensemble, non régies par la concurrence, l’argent et la marchandise. C’est ici qu’intervient l’occupation : elle nous permet de réaliser ces possibilités, d’habiter l’interruption que constitue le blocage. Car si on ne s’empare pas de ces moments, les possibilités se referment et la normalité reprend son cours. Nous appelons donc, partout où cela est possible, à occuper des lieux, pour en faire inséparablement des espace de vie et des espaces de lutte.
L’un des échecs de Nuit Debout a été de ne pas réussir à perturber la métropole et ses flux. La place Guichard a été expressément conçue pour que des gens s’y rassemblent sans que cela ne change rien pour le reste de la ville et ses habitants. Nous avons cru qu’il était possible de nous réapproprier la politique sans chercher à bloquer le cours du monde contre lequel nous nous battions, et sans habiter l’espace où nous étions rassemblés. Impuissants à attaquer le monde du capital, impuissants à en construire un nouveau, nous étions condamnés à mourir à petit feu.
Il nous faut renouer avec ce qui a fait la force du mouvement des place en en Espagne, en Turquie, en Grèce ou en Tunisie : l’interruption du cours normal des choses en bloquant un nœud central de la circulation, et l’habitation de cet espace. Nous ne savons pas de quel lieu cela partira cette fois-ci : places, facultés, ZAD, lieux de travail ou de vie, tout est possible. Et il ne faut pas singer ce qui a eu lieu ailleurs. Ce texte est un appel. Si le blocage et l’occupation sont bien les points de départ pour s’affronter au temps présent, ils ne sont en aucun cas le point d’arrivée. Ce dernier, nul de le connaît, il n’existe probablement pas, mais avancer dans l’inconnu ne nous fait pas peur. Au contraire.
Bloquons tout
ZAD partout
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