Il n’y a pas de pause pour le chagrin. L’âpreté des enjeux qui se jouent en Afrique se reflète dans des événements qui ne laissent pas de répit.
Le Congo-Kinshasa est toujours en lambeaux, que se disputent tant de vautours à coups de massacres.
Le Soudan, une fragile réconciliation à peine obtenue, se voit troublé par la disparition de Garang, éphémère vice-président.
En Mauritanie l’adjoint d’un militaire chasse son patron qu’ il aidait à emprisonner et torturer à tout va. Aux observateurs politiques qui raillent le coup d’État comme « maladie africaine », le journal burkinabè L’Observateur Paalga répond : « Tant que le sport favori des gouvernants restera le trucage des élections, tant que les présidents se plairont à tripatouiller les constitutions pour s’éterniser au pouvoir, aucune résolution ne pourra éradiquer les coups de force sur notre continent. [...] Le meilleur antidote aux rébellions, mutineries, coups d’État et autres révolutions de palais, c’est la démocratie, le respect des droits de l’Homme, la bonne gouvernance et la justice sociale. »
La force fait la loi. Au Tchad l’offensive du pouvoir contre les journalistes indépendants est cautionnée par les déclarations indécentes de l’ambassadeur de France. Sy Koumbo Singa Gali, directrice de publication de l’hebdomadaire L’Observateur, est la troisième journaliste à être condamnée à une peine de prison au Tchad depuis le début du mois de juillet. Accusée d’incitation à la haine raciale, elle rejoint le coordonnateur du même journal, Samory Ngar, accusé d’atteinte au chef de l’État, qui a écopé de trois mois de prison, ainsi que Michaël Didama, du journal Le Temps, condamné à six mois ferme pour diffamation, après avoir publié un reportage sur l’opposition politico-militaire tchadienne au Soudan. Pour Evariste Ngarlem Toldé, président de l’Union des journalistes tchadiens, cette série de procès en cascade vise « à museler la presse privée indépendante ».
Au Gabon le journal Nku’u le Messager a été suspendu le 11 août. Par un communiqué daté du 12 août, treize titres de la presse privée gabonaise ont informé de leur décision de ne pas paraître tant que cette suspension qu’ils qualifient d’arbitraire n’est pas levée.
Au Congo, l’infâme procès du Beach consacre l’impunité des militaires incriminés, défendus à grands frais par des avocats français, en face de victimes intimidées, après qu’en France l’État a élargi un criminel présumé et fait taire la plainte des victimes. La mascarade judiciaire de Brazzaville s’est déroulée sans grand retentissement. Laissera-t-on cette page se refermer ?
La normalisation du Togo, avalisant le pouvoir imposé du fils d’Eyadéma, va bon train, bénie par la Francophonie, en dépit de la relation, par Amnesty international, des crimes et des exactions qui continuent à s’y perpétrer contre tout suspect d’opposition, tandis que la Commission des droits de l’Homme de l’ONU tarde à publier son propre rapport. Fermons les yeux et réjouissons-nous puisque Bolloré va étendre son activité sur le port de Lomé.
La crise alimentaire qui sévit dans les pays du Sahel, particulièrement au Niger, est due aux difficultés climatiques certes, mais ces difficultés prennent un tour catastrophique du fait de la pauvreté des populations, victimes, tout autant sinon plus, de la spéculation sur les vivres que de la sécheresse. Or la pauvreté n’est pas un phénomène climatique mais un fait politique. En ce monde l’homme qui a faim est un homme opprimé.
Plus que jamais il faut lutter contre le silence, contre les clichés, car c’est cela qui tue.
Odile Tobner (
Survie Billet n°139)
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