Au gré des époques, le marché de l’art peut donner l’illusion de se remettre en cause, mais s’il remplace l’expression « art nègre » par « art primitif », son seul souci demeure de satisfaire les préoccupations du moment de ses consommateurs. Pour durer, ce marché peut s’adapter à toutes les entreprises de moralisation – sans jamais renoncer au pillage et aux expropriations qui lui procurent son oxygène. Aujourd’hui, le pillage généralisé touche tous les secteurs du patrimoine africain : peintures rupestres du Sahara découpées à la tronçonneuse pour être exportées, anciens manuscrits volés dans la région de Tombouctou, au Maroc, en Éthiopie, squelettes d’animaux préhistoriques arrachés au Ténéré, vestiges préhistoriques revendus sur les marchés touristiques, tombes profanées.
Ce livre propose un état des lieux du marché de l’art africain et nous montre que, par l’impunité dont il jouit et par ses conséquences, le marché des arts « primitifs » est à la fois le plus pernicieux des marchés et le plus symbolique des destructions que subissent les pays du Sud où les matières premières, les sources d’énergie, les productions agricoles et la culture continuent d’être irréversiblement drainées vers les salles de vente et les musées d’une poignée de pays riches. Marchands et collectionneurs de quelques pays riches captent l’essentiel des richesses générées par un trafic qui dégrade irrémédiablement les zones auxquelles il s’attaque.
Journaliste indépendant, ayant notamment écrit pour Le Monde diplomatique, Philippe Baqué est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages aux éditions Agone : La bio, entre business et projet de société (2012) et Homme augmenté, humanité diminuée, d’Alzheimer au transhumanisme, la science au service d’une idéologie hégémonique et mercantile (2017).Il a aussi réalisé plusieurs films documentaires, la plupart en relation avec l’Afrique, dont trois sur la question des migrants, Carnet d’expulsions, de Saint-Bernard à Bamako et Kayes (1997), Melilla, l’Europe au pied du mur (1998, sélectionné pour le Prix Albert Londres), l’Eldorado de plastique (2001), un documentaire critique sur le commerce équitable au Burkina Faso, Le Beurre et l’argent du beurre (2007), et un documentaire sur l’excision, Femmes, entièrement femmes (2013).
Créée il y a plus de 30 ans, l’association Survie décrypte l’actualité franco-africaine et se mobilise contre la Françafrique, qu’elle a fait connaître. Elle compte plus de 1300 adhérent.e.s et une vingtaine de groupes locaux partout en France. Elle a dernièrement publié un nouveau dossier noir sur le pillage des objets d’art en Afrique. Ce livre propose un état des lieux du marché de l’art africain et nous montre que, par l’impunité dont il jouit et par ses conséquences, le marché des arts « primitifs » est à la fois le plus pernicieux des marchés et le plus symbolique des destructions que subissent les pays du Sud.
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