Le plan froid correspond à l’ouverture de places d’hébergement supplémentaires au début de l’hiver. La loi stipule que
« Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y bénéficier d’un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement adapté à sa situation. »
(Code de l’Action Sociale et des Familles, article L. 345-2-3)
Pour la respecter, l’État doit permettre aux personnes d’être réorientées sur des dispositifs d’hébergement adaptés ou maintenues sur le dispositif plan froid afin de ne pas remettre les personnes à la rue.
Cette année, dans le Rhône, au-delà de la date butoir du 31 mars, le plan froid a été prolongé jusqu’au 31 mai. A cette date, 443 personnes étaient encore hébergées à l’hôtel.
Depuis, les dernières nouvelles quant au devenir des personnes encore prises en charge dans le cadre du plan froid dans notre département sont assez inquiétantes. En effet, il est annoncé pour le mois de juillet l’ouverture de « centres de préparation au retour ». Pour autant, aucun écrit ne définit clairement la mise en route et le fonctionnement de ces centres.
En juin 2015, Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, indiquait : « De nouveaux dispositifs de préparation au retour seront expérimentés. Nous souhaitons en effet faire bénéficier 8 000 familles d’aide au retour vers un pays extérieur à l’Union, soit deux fois plus qu’en 2014. Les étrangers en situation irrégulière se maintenant dans les dispositifs d’hébergement d’urgence, ou des déboutés de l’asile, y seront assignés à résidence jusqu’à quarante-cinq jours. »
C’est dans cette optique qu’à Lyon, certaines familles actuellement hébergées à l’hôtel ont été sélectionnées par la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS), sur des critères non explicites, pour intégrer un « centre de préparation au retour ». Les professionnels de terrain qui reçoivent les listes des personnes concernées constatent qu’il s’agit de familles avec des enfants de plus de 3 ans, scolarisés, ressortissants de l’Union européenne (stigmatisant toujours la même population), en France depuis déjà de nombreuses années.
Ils seront ainsi 29 ménages, soit 110 personnes, maintenus à l’hôtel jusqu’au 1er juillet. La moitié d’entre eux se verront « proposer » une « prise en charge » dans ce centre pendant 45 jours, renouvelable une fois, avec assignation à résidence. Puis viendra le tour des suivants…
Ce type de dispositif est déjà expérimenté en Moselle en toute discrétion. Un article de France Bleu (seul écrit public) le décrit sommairement :
« Deux travailleurs sociaux y interviennent en permanence et chaque semaine ils reçoivent la visite d’agents de l’office français de l’immigration et de l’intégration. Le but : les convaincre de partir de leur plein gré, en faisant le deuil de la France. Une solution bien plus humaine que les centres de rétention. Le sénateur et maire de Woippy (LR), François Grosdidier, a pu visiter le centre la semaine dernière avec d’autres parlementaires : "Ce dispositif est complémentaires aux mesures coercitives de reconduite à la frontière. Il permet un accompagnement personnalisé, en fonction des individus et des situations. Il doit pouvoir s’étendre à d’autres départements". »
Dans le Rhône, ce projet sera piloté par Adoma comme c’est déjà le cas depuis un an en Moselle. Il ne relève d’aucun appel d’offre. Les personnes ne souhaitant pas intégrer ces centres seront remises à la rue.
Cela pose beaucoup de questions :
- Quid du volontariat ?
- Quid de la loi sur la continuité de l’hébergement puisque la rupture sera imputée au refus de la « proposition d’orientation » ?
Nous n’avons à ce jour aucune information sur les conséquences qu’entrainera le refus des ménages dont le projet n’est pas de quitter la France.
- Que devient leur demande de titre de séjour ?
- Que devient leur demande au SIAO (Service Intégré d’Accueil et d’Orientation) ? Vont-ils perdre leur ancienneté ?...
Et plusieurs paradoxes :
- Comment expliquer que les ménages volontaires au retour soient assignés à résidence lorsque juridiquement une assignation ne relève que d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) ? La préfecture n’avoue-t-elle pas là sa supercherie d’OQTF déguisée.
- Comment comprendre que les personnes accèdent à l’hébergement via l’inconditionnalité de l’accueil relevant du CASF (Code de l’Action Sociale et des Familles), et en sortent avec une proposition coercitive relevant du Ceseda (Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile) ?
Nous ne pouvons pas rester silencieux face au détournement de l’usage des dispositifs sociaux, à savoir permettre aux personnes de jouir de leurs droits et de construire un projet de vie, au profit d’un dispositif répressif dénué de toute logique et précarisant une nouvelle fois des parcours de vie déjà difficiles.
Le collectif des Professionnels de l’Urgence Sociale (PUS)
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