« Le soir du 11 novembre 1943, de retour du défilé patriotique des Maquis de l’Ain à Oyonnax [1], Charles Mohler se retrouve (en raison du couvrefeu) avec son adjoint, Lucien Bonnet, au domicile de Henri Jaboulay, chef régional Maquis. Alors qu’ils écoutent tous trois la radio de Londres, ils apprennent qu’une fausse édition du journal bruxellois Soir a été diffusée en Belgique par des résistants belges. Après discussion, ils projettent ensemble de réaliser quelque chose d’analogue à Lyon, en vue de faire connaître au plus large public les actions de la Résistance. Charles Mohler suggère de s’en prendre au Nouvelliste, journal ouvertement collaborationniste » [2]
Des hommes conduisant des camionnettes, disant agir au nom de la censure et du contrôle de la presse, ont remplacé au petit matin du 31 décembre 1943 les paquets du Nouvelliste du jour par des paquets d’un Nouvelliste clandestin attaquant violemment les Allemands nazis et les collaborationnistes français. À la faveur de la nuit, trente mille de ces journaux ont été vendus dans différents quartiers. Ce journal clandestin publiait la note suivante :
« Ce numéro exceptionnel du Nouvelliste a été entièrement réalisé par les Mouvements Unis de la Résistance (MUR) et mis en vente par eux malgré Gestapo et police vichyssoise, à titre de sanction contre la direction collaborationniste de ce journal. »
On pouvait lire entre autres articles, les titres suivants :
Éditorial : « Appel à la bourgeoisie »
« Raids massifs sur l’Allemagne »
« Les vrais terroristes, c’est la Milice »
« Oyonnax a fêté avec enthousiasme l’anniversaire de la victoire ! »
« Le maréchal de France, chef de l’État, rétablit la République »
« En deux mois, 140.000 têtes de bétail ont été livrées aux Allemands par la région de Paris »
« Comment fut préparé le débarquement des Alliés en Afrique »
« Maquis contre boches »...
Les diffuseurs avaient conseillé aux principaux gros débitants de retirer l’édition du Nouvelliste dès livraison pour la remplacer par la nouvelle par « décision de la censure ». La supercherie fonctionne, la police ne commençant à s’agiter que vers 11 heures du matin, quand bon nombre de Lyonnais ont déjà acheté leur « journal » ! Étant donné le contenu subversif pour l’état en place, la police française et celle allemande sont sur les dents...
On apprit plus tard qu’avaient participé à la rédaction de ce numéro apocryphe du Nouvelliste : Marcel Grancher [3] et Pierre Scize. Auraient peut-être participé aussi à l’élaboration de ce numéro sans signatures du 31 décembre 1943 : Eugène Pons [4], Yves Farge, Jacques Bergier, et probablement bien d’autres...
Jean-René Lefèvre, dit Belle Gambette, du maquis de l’Ain apporte son
témoignage :
« Le 31 Décembre 1943 - Depuis le sabordage du "Progrès" de Lyon, un seul quotidien lyonnais subsiste "Le Nouvelliste". En raison de son caractère agressivement collaborateur, la résistance l’a désigné pour être le jouet et la victime d’une fantastique opération de propagande à la gloire de la résistance française et de ses maquis. Un faux Nouvelliste sera vendu à la place du vrai dans les rues de Lyon, les articles qu’on y lira seront à la gloire de la résistance française, des maquis et des armées alliées.
C’est Pierre Scize, journaliste de Paris Soir [5], qui écrira les articles, c’est Amy Bellot qui fera la mise en page et, c’est ainsi que le 31 décembre 1943, sous la responsabilité de Philippe Boegner [6], de Maurice Aimé, sous la direction de Henri Jaboulay, chef de l’Armée Secrète de la première région (Rhône Alpes), entre 6 et 7 heures du matin que quatre camionettes de Paris Soir ont retiré des kiosques et des maisons de presse la véritable édition du Nouvelliste sous prétexte de ré-édition pour censure d’article. Le succès fut total, à 11 heures la milice intervient, mais les kiosques ont été dévalisés ! »
Ce coup d’éclat à la barbe des occupants et des collabos aura un retentissement énorme au profit de la résistance dans toute la région lyonnaise et même bien au-delà.
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