Les 1, 2 et 3 juin se déroulera à Evian (sur les rives du lac Léman, Haute-Savoie) le sommet du G8, le groupe des 7 pays les plus riches de la planète et la Russie (voir encadré G8). Ce type de rencontre est pour eux un moment privilégié pour assurer leur planification de notre futur par le contrôle sur tous les types de ressources permettant la bonne marche de l’économie capitaliste qui les enrichit toujours plus.
J’entends par « ressources » aussi bien l’eau, le pétrole, les forêts, les terres...que la force de travail que peut fournir chaque individu-e et par « contrôle » : les guerres extérieures (les bombes en Irak et le pillage des pays néocolonisés comme l’Argentine), les guerres intérieures (politiques sécuritaires qui visent d’abord les populations pauvres et marginalisées), mais aussi les oppressions qui vont de pair avec le capitalisme (patriarcat, domination adultes/enfants, humain/non-humain...).
Bref, le G8 est la face immergée de l’iceberg, la concrétisation spatiale et temporelle de la volonté de domination des grands (chefs d’état, hommes d’affaire, industriels) de ces 8 pays sur le monde entier. C’est pourquoi les individu-es qui s’y opposent profitent de ce spectacle annuel pour démontrer leur refus de cette logique faite d’exclusions, d’exploitations et d’injustices. Il s’agit donc d’empêcher la tenue, ou jusqu’à maintenant, la bonne tenue du sommet, de le perturber... par
différents moyens : manifestations, actions en tout genre pour pénétrer la zone rouge où se tient le sommet, ou provoquer des dommages aux institutions (banques, police, grandes chaînes de magasins...) du capitalisme et de l’état qui le soutient (émeutes). A chacun-e ses méthodes d’action et ses justifications. Les discours hypocrites sur les bon-nes et les mauvais-es manifestant-es ne servent qu’à noyer le poisson : l’intérêt que porte chacun-e à être présent-e au moment du sommet là où il a lieu.
Et justement les derniers contre-sommets (Gênes et Bruxelles en 2001, Barcelone en 2002... et Davos cette année) ont amené nombre de leurs participant-es à repenser le concept de contre-sommet, estimant que ce type de manifestation oblige à se plier à un calendrier qui est encore une fois celui de ceux qui dirigent et pas celui de ceux et celles qui luttent au quotidien chez eux/elles. Le contre-sommet se réduit alors à une partie du spectacle de ces sommets, spectacle car il s’agit d’événements fortement médiatisés et hyperprévisibles, car aussi bien les autorités que les journalistes attendent toujours impatiemment l’entrée en scène des contre-manifestations (effectifs de police, armée : 15 000 membres des forces de l’ordre mobilisés pour Evian, traitement par les médias, obsédés par « la casse »).
Résultat : même la répression, bien réelle, fait partie du spectacle et semble normale. La théâtralisation de ce genre d’événements anéantit la spontanéité et la sincérité des militant-es dont les messages politiques sont occultés ou résumés au terme abyssal d’« antimondialisation ». De plus, cette année, il sera strictement impossible de pénétrer dans Evian puisque la ville-même et un périmètre de 10 kms ont été décrétés « zone 0 » par Sarkozy, n’y accéderont que les personnes munies d’un badge. C’est pourquoi certaines personnes, lassées de cette farce, ont sans doute décidé de ne pas aller à Evian, tandis que d’autres ont cherché à proposer des formes de mobilisations plus constructives et plus profitables aux participant-es des contre-sommets.
C’est dans cette perspective qu’a été conçu le projet du Village Alternatif Anticapitaliste et Anti-Guerres.
Le VAAAG
L’appel à participer à ce village lancé par ses organisateur/trices explique qu’ils-elles veulent construire et réaliser « un espace autonome de réflexion et d’action qui permette l’expression politique et surtout l’affirmation de nos propositions alternatives. L’action pourra se refléter dans la mise en place d’actes de désobéissance et/ou de résistance. Elle sera également le fait de la mise en place d’alternatives concrètes, de pratiques anti-autoritaires, de démocratie directe et d’autogestion.
Nous voulons que ce lieu, au-delà de la visibilité nécessaire, soit aussi un espace d’expérimentation sociale et politique en rupture avec le capitalisme et avec les formes de représentations classiques et/ou institutionnelles ». Ce sera aussi « un lieu qui puisse devenir un véritable espace de convergence des résistances à la mondialisation capitaliste au sein duquel différents axes ou stratégies de luttes seront représentées et pourront s’exprimer. Ce sera ainsi une occasion de tisser des liens entre les différents individu-es, groupes ou associations ».
Cette initiative, lancée par le réseau anticapitaliste et antifasciste No Pasaran, a rapidement regroupé divers collectifs, organisations et individu-es investi-es dans des luttes anticapitalistes et anti-autoritaires. Depuis le mois de janvier, des « collectifs village » se sont
formés un peu partout en France et en Europe et travaillent à la mise en place du VAAAG. Ils ont aussi organisé des journées ou soirées de soutien pour présenter leur projet et en assurer l’autofinancement. Bien sûr, un appel a été lancé pour récolter des contributions financières d’individu-es ou de collectifs qui n’y participent pas directement mais souhaitent soutenir le village ; de même en ce qui concerne le matériel basique nécessaire à la construction du village (chapiteaux, camions, cuisines collectives...). Il se tiendra du 28 mai au 3 juin sur un champ près de l’aéroport d’Annemasse et pourrait accueillir quelques milliers de personnes.
L’organisation quotidienne du village s’inspire de l’expérience du No Border Camp de cet été à Strasbourg (camp contre les frontières, pour la liberté de circulation...). Il sera divisé en quartiers organisés autour d’une cuisine collective. Chaque quartier décidera de ses
animations et de ses actions, sans doute par les assemblées générales qui s’y tiendront chaque jour (la charte du village sur le site web ne le précise pas pour l’instant, mais la télépathie n’est pas au point et les modes de décision autoritaires, eux bien au point, sont proscrits dans le village). Sont aussi prévus des espaces collectifs inter-quartiers d’accueil et d’informations et des espaces thématiques (forums des luttes sociales, des solidarités internationales, des médias alternatifs, des cultures indépendantes...).
La mise en pratique d’alternatives à la société de consom-
mation se fera aussi dans le quotidien : chaque habitant-e participera à la cuisine, au ménage, aux prises de décision. Et les repas et boissons non-alcoolisées seront à prix libre (on donne ce qu’on peut/veut). L’argent récolté ira dans la caisse du village.
Des débats et ateliers autour de luttes et d’expériences concrètes seront organisés, en plus des actions contre le G8.
Bref, il s’agit d’expérimenter pendant ces journées une forme de vie collective et autogérée qui se veut une alternative à la société marchande. Et oui ! L’utopie existe ! Car ces moments-là sont toujours l’occasion de rencontres, de partages, et plus si affinités...
Donc jusqu’ici tout va bien, cependant, il persiste encore un manque d’informations pratiques sur le projet (modes de prises de décision générales, ravitaillement en bouffe, activités prévues...) sans doute dû au fait que les organisateur/trices, pris-es dans leur quotidien militant, n’ont pas eu le temps d’amener plus de précisions et de les diffuser. Donc restez à l’affût, sur Internet entre autre ou contactez le collectif de Lyon. (cf contacts)
MAIS ENCORE...
Les mobilisations contre le G8 auront surtout lieu autour du lac Léman : Lausanne, Genève en Suisse et Annemasse, ville frontalière entre la Suisse et la France, ce qui permettra des réflexions et actions sur les frontières, pour la libre-circulation des individu-es...
D’autres villages seront organisés à Lausanne et Genève sur les mêmes bases que le VAAAG, et le réseau G8 illégal propose un Village Intergalactique, qui se tiendra aux mêmes dates près du VAAAG. Le texte d’appel disponible sur Internet indique qu’il s’organisera aussi sur des principes « auto-éco-gestionnaires », mais reste flou sur de nombreux concepts : le mouvement altermondialiste, les actions de résistance symbolique, et surtout l’illégalité du G8 (une formule bien sympathique mais qui reste vide de sens, puisque le G8 est l’expression même de la légalité et de la démocratie internationale actuelles, alors illégal aux yeux de quelle loi ? la loi du juste ? la loi du nombre ? la loi de l’histoire ? certainement pas la mienne). Je vous laisse donc juger...
Quelque soit votre couchage, vous pourrez mettre « le feu au lac » Léman samedi soir. De grands feux de protestation contre le G8 seront allumés tout autour du lac. Le lendemain, la manifestation unitaire provoquera un blocage du sommet, puisqu’elle paralysera tout trafic dans la zone d’Annemasse et Genève, où sont hébergés nombre de sbires du G8 (traducteur/trices, technicien-nes, journalistes, ministres des pays invités...).
Quant aux mobilisations lyonnaises, le CLAG (collectif lyonnais après Gênes) organise le festival « Traboulons le G8 » du 28 avril au 6 mai, et une soirée de soutien au VAAAG aura lieu le 16 mai à la Duende. Et des mobilisations ici, il en faudrait encore bien d’autres, avis à nos révoltes et notre créativité.
Mar
Sur le web, VAAAG lyon : vaaag69 at no-log.org, site VAAAG, site d’info des manifestations contre le G8, site g8illégal, sites autonomes : G8deviant ; Contre-attaque ...
CALENDRIER DES MOBILISATIONS :
Mercredi 28 : installation des villages à Annemasse.
Jeudi 29 : manif « G8 not welcome » à Lausanne, manif au tunnel du Mont-Blanc (Chamonix) contre le transport international routier et pour la liberté de circulation des personnes, manifestive communicative à Annemasse pour les habitant-es de la ville qui accueille le contre-sommet, début du « Sommet pour un Autre Monde » à Annemasse.
Vendredi 30 : colloques, débats, conférences des Attac d’Europe et d’autres ONG à Annemasse et Genève.
Samedi 31 : le feu au lac dès 19 h autour du lac Léman.
Dimanche 1 : manifestation unitaire à 10 h (départ des villages ou de la gare d’Annemasse), jonction avec les manifestant-es de Genève, la frontière sera ouverte (accord des autorités). Actions de blocage de la zone de Genève.
Lundi 2 & Mardi 3 : encore plus de désobéissance civile et d’actions festives.
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