Dans le sillage des émeutes éclatant depuis une dizaine de jours en région parisienne [1], l’insurrection gagne l’agglomération lyonnaise autour du 5 novembre : Vénissieux, Rillieux-la-Pape, Saint-Fons, Meyzieu, Bron, Saint-Priest, Lyon... En 6 jours, plus de 200 voitures flambent et les affrontements se multiplient avec la police : 8 flics sont ainsi blessés à Vénissieux dans la nuit du jeudi 10 novembre ; 8 bus TCL sont pris pour cible mardi soir, un bus est incendié totalement à Vaulx et un cocktail molotov jeté sur une rame de métro vide à la station Mermoz-Pinel ; des écoles, des annexes de la préfecture et des mairies sont attaquées - avec une mention spéciale pour l’incendie du garage de André Gérin, maire national communiste de Vénissieux et grand fan de Sarko.
Le 8 novembre, l’état d’urgence est décrété pour Lyon et Vénissieux, sans que le couvre-feu soit pour le moment appliqué ; par contre les arrestations se multiplient (une quarantaine au moment où ce truc est rédigé) et les peines de prisons fermes tombent quasi systématiquement, même si aucune preuve matérielle n’accrédite la thèse des policiers ; c’est ça aussi l’état d’exception... 2 à 4 mois pour jets de pierres ou pour avoir fait le guet si on vous ramasse à proximité des « zones chaudes », jusqu’à 6 mois pour une présomption de détention d’engin incendiaire... Après les lacrymos et les balles de flash-ball, ce sont les décisions de « justice » qui tombent dures, et les choses risquent de se corser encore pour les interpeléEs qui passeront au tribunal dans les mois qui viennent, loin de tout soutien collectif.
Une trentaine de personnes venues assister le 9 novembre au triste spectacle des comparutions immédiates ont d’ailleurs été expulsées du Tribunal de Grande Instance à coups de matraques. Hasard ou coïncidence, un magasin fournissant les magistrats en robes et chapeaux rigolos a vu sa vitrine fracassée une fois la nuit venue. Voilà pour un petit bilan à la fois parcellaire et nécessairement provisoire, vu que dans les jours qui viennent la guérilla sociale devrait illuminer encore la nuit lyonnaise...
Post-Scriptum sur la solidarité émeutière...
Face au traitement médiatique des émeutes urbaines dans les média bourgeois [2] il est important de ressaisir la positivité et le souffle de cette insurrection populaire. Sur les formes d’organisation, on a déjà affaire à une action collective décentralisée, qui manifeste à la fois l’émergence de forces autonomes (on lutte depuis ses lieux de vie, en profitant des avantages tactiques et des réseaux de sociabilité qui définissent le « quartier ») et une réelle solidarité entre cités (« la contagion ») Les modes d’action et de coordination en groupes affinitaires ont permis de mener des offensives d’envergure sans qu’il y ait nécessité de mettre en place un appareil centralisé et avec une grande efficacité tactique (les flics ont été largement dépassés par la mobilité des émeutiErEs, leur capacité à esquiver l’affrontement ou au contraire à le mener en bloc) et politique (perturbation nette des activités économiques avec les blocage induits dans les transports, mise en évidence des logiques répressives qui définissent « l’ordre républicain ») Enfin, l’émeute constitue la scène d’un affrontement direct avec l’État et l’ordre normal de la domination, en visant principalement 1. des biens publics et privés (rouages de l’administration ou de l’économie marchande, institutions scolaires légitimant la mise au rencart et l’exploitation des jeunes marginaliséEs, dispositifs de transports gérant la ségrégation spatiale des quartiers...) 2. les forces de sécurité et leur fonction de gestion du partage riches/pauvres, de maintien de l’ordre existant (un ordre massivement inégalitaire qui ne signifie que le contrôle et l’exploitation), les flics qui assurent quotidiennement l’ordre dans les quartiers à coups de contrôles d’identité, de matraques et de flash-ball.
Et la suite ? Étendre la situation insurrectionnelle sur nos lieux de vie mais également au cœur des métropoles. Assurer le soutien juridique et financier pour les sauvageon-nes interpellé-es et emprisonné-es. Pour le reste, quand on a du pétrole, on a des idées !
Edma Skée
Compléments d'info à l'article