L’accord de juillet 2004 signé entre le patronat et 3 syndicats, (FO, CFTC, CFE-CGC), qui maintenait le secteur des hôtels-cafés-restaurants aux 39h de travail hebdomadaire a été annulé par le Conseil d’État le 18 octobre 2006. C’est près de 800 000 salariéEs soumis à un système dérogatoire, avec une durée du travail hebdomadaire de 43 h de 1999 à 2002, puis de 39 h, de 2002 à 2004 qui aurait travaillé sous le régime commun des 35 h (loi Aubry). Cet accord était basé sur un régime d’heures d’équivalences permettant de ne pas rémunérer au tarif « heures supplémentaires » de la 36e à la 39e h. Une 6e semaine de « congés conventionnels », avait été accordée. Le Conseil d’État a jugé que l’extension de l’accord à l’ensemble des salariéEs de la branche était illégale, les heures travaillées entre la 36e et la 39e devant être rémunérées. Cet accord aurait permis aux salariéEs de demander le paiement rétroactif des heures supplémentaires effectuées depuis janvier 2005. Selon les calculs des permanentEs de la CFDT, la rétroactivité du paiement des heures supplémentaires apporterait 788,41 euros brut à un salarié au SMIC pour les 22 mois écoulés depuis la mise en application de l’accord. Le maintien du salaire serait compensé par le paiement des heures supplémentaires.
Après la décision du Conseil d’État les parlementaires UMP ont proposé, le 19 octobre, de réinstaller cet accord en le validant par la loi. Pour le patronat il y a un « vide juridique » qui permet d’utiliser le décret de 1999 qui fixait la durée du travail à 43 h hebdomadaires. L’amendement UMP (déposé en urgence dans le projet de budget de la sécurité sociale, ce qui n’a rien à voir avec le sujet) remet en cause l’arrêt du Conseil d’État qui annule l’accord. Il n’y aura donc pas application de la loi sur les 35 h, mais retour aux 39 h (et, par dérogation, à 37 h dans les entreprises de + de 20 salariéEs où la durée du temps de travail a été fixée à 37 h par décret en 2002) dans les conditions négociées et approuvées par le patronat de la branche et 3 syndicats. C’est donner une légitimation au système d’heures d’équivalence, jugé illégal par le Conseil d’État et la Cour de Justice Européenne. Au revoir les droits sociaux cités ci-dessus et bonjour les heures d’équivalences sous-payées. Ce retournement de situation montre que la lutte syndicale sur un plan strictement juridique est souvent vaine si elle ne s’accompagne pas d’un réel rapport de force sur le terrain. En effet, s’en remettre uniquement aux tribunaux c’est oublier la solidarité de classe entre politicienEs de tous bords (qui font et défont la loi selon leurs intérêts) et exploiteurs. Dans leurs discours, Chirac et Ségo font l’apologie du « dialogue social » et du « syndicalisme d’accompagnement » qui permettrait de gommer la lutte des classes. En réalité, ce qu’ils souhaitent c’est une violence à sens unique : des attaques agressives de leurs copains/copines capitalistes contre des travailleurEs passifEs et résignéEs. L’accord de juillet 2004 dans l’hôtellerie-restauration est une belle démonstration d’attaque patronale, maquillée en « négociation » issue du « dialogue social ». Et si les travailleurEs sont trop remuantEs, les lois seront toujours là pour les remettre à leur place. Autre exemple de la connivence entre
« représentants », « décideurs » et autres « entrepreneurs » : les patrons n’ayant pas obtenu une baisse de la TVA de 19,6 % à 5,5 %, ils ont signé un obscur « contrat de croissance » (qui devait entre autre permettre la mise en place d’une nouvelle grille salariale, toujours libéllée en francs !) soit près de 1,5 milliard d’exonérations de charges patronales sur les bas salaires (qui sont majoritaires dans la branche).
De notre côté aussi, il est urgent de retrouver une solidarité effective. En permettant de renouer des liens forts entre travailleurEs, de fédérer les énergies, la lutte est un excellent moyen d’y parvenir (« ceux qui ont vécu parmi les grévistes parlent avec admiration de l’aide et du soutien mutuel qui sont constamment pratiqués par eux », P. Kropotkine, « l’entraide »). Cette lutte peut être juridique mais nous pouvons également recourir collectivement aux outils proposés par l’action directe. C’est-à-dire agir nous-même sans passer par des représentantEs ou des médiateurEs, par exemple avec la diffusion d’un tract syndical rédigé par nos soins, en définissant ensemble des revendications concrètes, en se rassemblant sous les fenêtres du bureau du patron, par la mise en œuvre collective d’une grève ou d’un blocage… C’est également l’occasion de vivre quelque temps hors du travail imposé, de la consommation inutile, du monde de l’argent ; de découvrir que la vie ne se résume pas à travailler toujours plus pour toucher quelques thunes en plus (dont la majeure partie ira dans les poches des patrons et de l’État au profit de quelques unEs), de réfléchir au contrôle de la production en la limitant aux besoins et désirs réels de chacunE. En bref, c’est l’occasion de mettre en pratique les prémices d’un autre futur possible.
État des lieux :
800 000 salariéEs répartiEs dans plus de
180 000 entreprises, l’activité de restauration est dominante avec 90 000 entreprises regroupant 60% des emplois. 92% d’entre elles emploient - de 10 salariéEs. Parmi les salariéEs à temps complet, 73,7% sont employéEs (serveurEs, femmes de chambre...) ou ouvrierEs (cuisinierEs, commis...). Les employéEs constituent plus de la moitié des effectifs. Les travaileurEs sont jeunes, près de la moitié des emplois est occupée par des salariéEs de moins de 30 ans. La branche se distingue par une féminisation des postes accrue : 1/2 est occupé par une femme. 1/3 des salariéE travaille à temps partiel, contre 15% dans le secteur privé. Le travail à temps partiel touche davantage les employéEs, les femmes et les jeunes (43% des employéEs, 46% des femmes et 45% des moins de 25 ans sont à temps partiel). Les périodes d’emploi de courtes durées (emplois ponctuels ou saisonniers) sont extrêmement fréquentes. Un 1/4 des salariéEs du secteur travaille dans l’année moins de 3 mois dans le même établissement et 44% moins de six mois. Deux tiers des salariéEs sont payéEs au SMIC. La branche est l’une des moins rémunératrices. Les salaires sont inférieurs à ceux du secteur privé, l’importance du nombre d’emplois peu qualifiés et mal payés expliquent le faible niveau des salaires.
Source : insee
Ce qu’aurait changé l’arrêt du Conseil d’Etat :
o La durée légale hebdomadaire du travail à 35 h ;
o Les 8 premières heures supplémentaires effectuées au-delà de cette durée majorées de 10% dans les entreprises de - de vingt salariéEs et de 25% dans les entreprises de + de 20 ;
o Le travail de nuit limité à 8 heures ;
o La 6e semaine et les 2 jours fériés supplémentaires sont supprimés ;
o Les dispositions relatives au régime de prévoyance et à la suppression du SMIC hôtelier maintenues ;
o La décision du conseil d’état ayant une portée rétroactive et elle aurait permis à tous les salariéEs de réclamer une régularisation de leurs heures supplémentaires depuis le 1er janvier 2005.
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