Le flop de l’ inauguration du tram
A l’issue de deux ans de chantier dans le centre-ville, ca y est, le grand jour était arrivé. Les élus, Michel Thiollière (maire UDF de la ville pour mémoire) en première ligne, avaient déjà chaussé leur plus beaux souliers pour monter à bord du tram sur son tracé flambant neuf. Manque de pot, la grande majorité des chauffeurs de tram de la STAS (Syndicat des Transports en commun de l’Agglomération Stéphanoise) ne l’ont pas entendu de cette oreille. Le 6 au matin, les huiles locales ont dû effectuer le trajet… à pied !
Explications : un pré-avis de grève avait été déposé quelques jours auparavant, dont le motif principal affiché était la suppression d’une prime promise aux chauffeurs. Malgré des discussions, aucun arrangement n’a été trouvé entre la direction et les chauffeurs : le mouvement de grève annoncé a donc été maintenu. Méchant flop, colère des élus et dirigeants de la STAS ; de vives critiques sont adressées à l’encontre de ces « agents inconséquents » qui viennent gâcher la fête attendue.
Parmi les commerçants, le ton est déjà plus nuancé (cf les réactions dans la Tribune les 7-8 octobre) : plusieurs regrettent l’action des chauffeurs mais disent comprendre leur réaction. De fait, les dirigeants du syndicat ont été pris à leur propre jeu : redoutant une action de grande ampleur des chauffeurs pour des questions de revalorisations salariales mises en stand by, ils avaient tenté de les amadouer par l’annonce d’une prime. Rappelés à l’ordre par leurs partenaires financiers (la communauté d’agglomération « St Etienne Métropole » principalement, dont les caisses ont pris un sérieux coup à l’issue des travaux réalisés pour le tram et le quartier de Chateaucreux), les patrons de la STAS n’ont finalement pas confirmé la fameuse prime… L’info a transpiré dans les couloirs, provoquant l’hire des chauffeurs.
Au-delà de cet incident plutôt amusant, il n’est pas inutile de revenir plus en détail sur la politique actuelle en matière de gestion des transports locaux.
Un tracé controversé
La construction d’une deuxième ligne de tram était plutôt une bonne idée en soi. Restait à s’entendre sur le tracé et les modalités de fonctionnement de cette ligne. Or il n’y pas eu de débat public ou de concertation, ou alors factices. Le projet de desserte des quartiers sud-est, à dominante populaire (Beaulieu, Montchovet, la Métare) évoqué un moment, n’a finalement pas été retenu. La jonction avec Montreynaud (autre fief de HLM) non plus. Au final c’est un court tronçon de 2.7 km reliant le centre à la gare de Chateaucreux qui fait office de deuxième ligne... On peut s’interroger sur les raisons d’un tel choix et même, pourquoi pas, émettre des hypothèses pour en comprendre les motifs.
Premier élément : le passage du tram par le quartier de Chateaucreux était un impératif. Pour que la gare constitue « une plateforme multimodale », autrement dit un lieu où se rejoignent trains, voitures et transports en commun intraurbains, comme cela se fait partout. Soit. A la limite près qu’il y a déjà deux lignes de bus (le 7 et le 9) qui assurent la liaison avec le centre ville, liaison qui ne prend que quinze minutes à pied par ailleurs (sans forcer).
Deuxième élément : le tracé semble avoir été dicté par la recherche de subvention étatiques pour l’aménagement de la Zone d’Activité de Chateaucreux. Il s’agit bien de constituer une vitrine de la ville aux abords de la gare, avec la création de beaux immeubles de bureaux, l’implantation de nouvelles entreprises et sièges sociaux, et surtout la reconstruction du siège de Casino, fleuron commercial local, vendu avant même la fin des travaux à une entreprise multinationale… Le tram fait partie de cette stratégie qui allie opportunité économique, renouvellement urbain et modernité technologique.
Troisième élément : pourquoi construire une ligne de tram en direction des quartiers populaires -pour ne pas dire pauvres- ???
Petit florilège de choses entendues ici ou là (cafés du coin, couloirs de mairie) : « Ils sont bien trop loin du centre, ca coûterait trop cher ; les bus y passent déjà et se font régulièrement brûler ou caillasser par les habitants de Montreynaud ou Montchovet (c’est selon, les deux quartiers sont classés en « Zone Urbaine Sensible » pour information). En plus les trois quarts ne payent pas les transports, c’est pas rentable. Et puis ca grimpe trop là haut pour un tram… ». Sans commentaires.
Si, un petit quand même : le fait que le tram ne passe pas dans ces quartiers n’est pas forcément un problème. Si c’est pour faire un équipement clinquant qui coûte effectivement très cher et utiliser ça comme argument pour sucrer tout le reste… Déjà de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer le retour ou le maintien des bus existant avant le lancement du nouveau tram. Un exemple : grâce à la pression des habitants de la Métare, la section la plus périphérique de la ligne 9 a été rétablie au sud de la ville après avoir été interrompue au CHPL, « la plus grande clinique privée de la Loire », construite sur l’emplacement de l’ancienne Muraille de Chine à Montreynaud. Qui a dit que la politique des transports stéphanoise manquait de cohérence ?
Les priorités budgétaires
Au final, l’utilité sociale de la nouvelle ligne apparaît très réduite. Le chantier et les dépenses somptuaires de communication ont englouti une large part du budget disponible (dont il est difficile d’obtenir la teneur précise !), au détriment d’une desserte de qualité.
Pour faire la promotion de la nouvelle ligne, un festival des transports a été organisé dans la cité : l’idée était intéressante, le résultat l’est moins. Au menu : une expo qui flaire bon l’autocongratulation avec panneaux et films à la gloire de la STAS et de la SNCF, en plus du chapitre désormais classique « transports du futur » ; une journée « Se déplacer autrement » durant laquelle les enfants étaient conviés à faire un tour en chameau sur la place Chavanelle (sans rire) ; enfin summum du summum, un son et lumière pseudo philosophique bidon sur la destinée de la ville avec feu d’artifice et tout le bataclan. En arrière-plan, un débat s’installait à coup de pétitions entre les pro- et les anti-A 45, projet de doublement de l’autoroute St-Etienne - Lyon (à suivre). Une belle parade de la compagnie Transe Express sur la nouvelle ligne vint redorer le tout d’une touche artistique du meilleur goût.
En parallèle, il est intéressant de savoir qu’aucune rame n’a été ajoutée à la flotte de trams fonctionnant sur la première ligne… Concrètement, cela signifie que la fréquence de cette ligne (la 4) a été nettement amoindrie, sans en garantir une meilleure sur la nouvelle (la 5). Et à moins d’être particulièrement chargé ou fatigué, mieux vaut donc partir à pied de la gare plutôt que d’attendre un bon quart d’heure en moyenne la prochaine rame dans le froid.
Autre point : l’opération urbanistique réalisée dans le centre aurait pu être l’occasion de mettre en place un réseau cyclable de meilleure qualité… et bien que dalle. Evidemment il est interdit d’emprunter en vélo les voies en site propre du tram, pourtant idéales vu leur fréquentation limitée. A quand la brigade de flics à moto pour traquer les contrevenants ?
Une semaine après l’inauguration, une coalition d’amateurs d’engins motorisés divers, autoproclamée « front vert », envahissait les rues du centre dans l’indifférence générale ou presque. Le rassemblement avait pour objectif de protester face à la « limitation abusive de la liberté de circulation » (en quad, 4x4, et autres moto-crottes sur les sentiers, faut préciser) par un amendement législatif. Gerbant. Sûr que ces adeptes des sports mécaniques iront soutenir les sans-papiers et les Roms délogés cet été (faut s’entraider entre clandestins !).
Sinon, le ticket STAS coûte toujours un euro vingt, pour 1 H de trajet. C’est toujours moins qu’à Lyon ! Et on peut faire des allers retours ; l’amende aussi est un peu moins chère… De quoi vous plaignez-vous ? Bonne route sur nos lignes.
Furax
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