“La bourgeoisie a peur du militantisme de la femme noire, et elle a de bonnes raisons d’avoir peur. Les capitalistes savent, mieux que de nombreux progressistes, qu’une fois que les femmes noires commencent à prendre des mesures, le militantisme de tout le peuple noir, et donc de la coalition anti-impérialiste, est grandement améliorée”
Claudia Jones, An End to the Neglect of the Problems of the Negro Woman !, 1949
Depuis plusieurs mois, la mobilisation contre la réforme des retraites s’est transformée en véritable mouvement contestataire de l’ordre social bourgeois capitaliste. Individuellement, nous avons pris part à des actions, à des manifestations. Nous trouvons cependant important en tant que collectif afroféministe de réaffirmer une nouvelle fois notre combat anticapitaliste contre le patronat qui exploite la main-d’œuvre racisée, en particulier celles des femmes noires.
Comme cela a déjà été démontré, la réforme des retraites touche particulièrement les femmes travaillant dans des secteurs invisibles (métiers du soin, femmes de ménage, caissières…), qui rappelons-le étaient applaudies pendant la période Covid. Et pour lesquelles la prise en compte de la pénibilité est à peine reconnue.
Parmi les emplois les plus pénibles et sous-payés on retrouve une large démographie de femmes noires souvent immigrées ou des outre-mers.
Le report de l’âge légal de départ à la retraite serait particulièrement défavorable aux femmes les plus précaires, qui sont déjà soumises à des carrières incomplètes. En effet en raison de leur parcours de vie, elles ont souvent des carrières hachées, des périodes de temps partiels, d’interruption de travail pour charge familiale, CDD ou de chômage qui feront baisser le montant de leurs pensions. Ce sont elles qui s’arrêtent ou limitent leur activité pour élever les enfants ou s’occuper des personnes dépendantes.
La réalité des chiffres
- 1 femme sur 5 attend 67 ans, l’âge d’annulation de la décote, (contre un homme sur 12). Mais elles subissent malgré tout plus souvent une baisse du montant de leurs pensions de retraite, du fait de leurs carrières plus courtes.
- Aujourd’hui, les femmes sont payées 26% de moins que les hommes.
-* 40% des femmes contre 32% des hommes partent avec une carrière incomplète. Les femmes partent en retraite en moyenne un an plus tard que les hommes.,
- La pension de droit direct des femmes est inférieure de 42 % à celle des hommes, cet écart est ramené à 29% une fois intégrée la pension de réversion et les droits familiaux.
- 37 % des femmes retraitées contre 15 % des hommes touchent moins de 1000 € de pension brute mensuelle (909 € nets). [1]
Ces inégalités touchent particulièrement les femmes travaillant dans des secteurs du care et les secteurs invisibles (métiers du soin, femmes de ménage, caissières…).
Les métiers dits féminins sont également pénibles !
- Les ouvriers ne sont pas que des hommes : en 2020, 33% des ouvriers non qualifiés sont des femmes [2]
- La proportion de femmes travaillant de nuit a augmenté depuis les années 90, principalement parmi les professions intermédiaires de santé et de l’action sociale, où les femmes noires sont surreprésentées. Hors on sait que le travail de nuit entraîne une désynchronisation des rythmes biologiques qui expose ces femmes à des risques de santé (prise de poids, maladies cardiovasculaires, augmentation du risque de cancers..). S’ajoutent à cela des charges familiales et extra-professionnelles plus lourdes et donc une capacité de récupération entre deux postes moindres et des difficultés d’organisation familiale plus importantes [3]. D’après une étude de 2015, le fait de travailler 3 nuits par mois ou plus pendant plus de cinq ans, augmente également la mortalité, toutes causes confondues, de 11% [4].
- On observe également une augmentation du nombre d’accidents de travail avec arrêts chez les femmes. [5]
Nos revendications
Le monde du travail est un lieu de domination, le capitalisme un système d’exploitation.
Alors que les milliardaires français ont connu un enrichissement record pendant la crise de la COVID, on assiste à une explosion des bénéficiaires de l’aide alimentaire et du nombre d’allocataires au RSA.
Face à ces inégalités de plus en plus grandes, le gouvernement choisit de réformer l’assurance chômage et le système de retraites contre la volonté majoritaire, plutôt que de taxer les super profits. [6]
Pour les femmes noires, l’émancipation n’est jamais passée et ne passera jamais par le travail. Si l’organisation dans les lieux de travail est une nécessité pour obtenir de meilleures conditions (syndicats, grèves), il est important de rappeler que le travail implique l’oppression et l’atteinte à la liberté.
Nous souhaitons l’abolition du salariat, qui par sa distinction arbitraire du public et du privé permet d’invisibiliser toutes les tâches non rémunérées effectuées par les femmes en-dehors du cadre de l’entreprise.
A la veille du 1er Mai, face à la globalisation du monde, face au capitalisme néolibéral, nous souhaitons rappeler qu’il est urgent de continuer à s’organiser contre le patronat et le fascisme.
Nous réaffirmons notre anticapitalisme, notre libération ne se ferra pas en gravissant les échelons, parce que la domination persistera tant qu’il y aura une échelle. Notre but n’est pas d’avoir une place à la table néolibéral, notre but est de renverser la table !
Militer pour l’émancipation des travailleuses noires c’est militer pour l’émancipation de toutes les personnes noires et de tous les travailleurs et travailleuses.
Suite et fin de l’article sur le site du collectif Mwasi !
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