Les faits remontent à février 2020. Subitement, nous avions été submergés par une multitude d’appels et de courriels à caractère publicitaire non sollicités. Notre enquête avait rapidement permis d’établir que l’ensemble de ces actes malveillants provenaient d’une seule et même adresse IP, appartenant… aux services de l’État. Nous avions déposé plainte, et l’enquête judiciaire avait confirmé nos soupçons : l’adresse informatique en cause appartenait au ministère de l’Intérieur.
En avril 2022, nous avions donc saisi le tribunal administratif de Lyon pour faire juger la responsabilité du ministère de l’Intérieur, qui a permis que ces manœuvres d’intimidations envers notre association soient diligentées depuis ses locaux, avec les moyens du service. Dans cette première procédure, l’État s’est précipité… pour ne rien faire. Il a fallu plusieurs relances de Flagrant déni et de la justice pour que le ministère daigne enfin, en décembre 2023, faire entendre sa défense dans ce dossier. Un an et demie plus tard, donc.
Le ministre rejette la faute sur ses agents
L’argument principal des services juridiques du ministère est cocasse : la faute commise serait « dépourvue de tout lien avec le service ». Autrement dit, pour les services du ministre l’Intérieur, s’il y a eu faute, c’est celle d’un agent, mais pas celle de l’État. Au passage, le ministère affirme sans honte dans ses écritures que « l’hypothèse de la prise de contrôle par un tiers ne peut pas être écartée et ne constitue pas qu’un cas d’école ». A l’en croire, n’importe quel quidam pourrait s’emparer d’un ordinateur policier pour envoyer des messages intimidants. Rassurant non ?
Quoi qu’il en soit, le ministère fait bien peu de cas du fait que les manœuvres d’intimidation ont bel et bien été accomplies grâce à ses propres moyens techniques. Dans ce dossier, les débats sont clos depuis décembre 2023. Mais malgré notre demande, aucune audience n’a encore été fixée par le tribunal administratif. En attendant, ces faits restent impunis.
L’affaire ne s’arrête pas là. Car l’enquête menée suite à notre plainte, si elle avait permis d’établir la responsabilité du ministère de l’Intérieur, n’a pas pu aller plus loin. Les coupables individuels (celui ou ceux derrière lesquels le ministère essaie de se cacher) n’ont jamais pu être retrouvés. Étaient-ils d’habiles informaticiens ? Même pas. Il avait suffi à la justice d’« oublier » le dossier sur un bureau, le temps que les preuves disparaissent. Nous avons déjà raconté cette étonnante histoire dans l’un de nos précédents articles.
Audience « préliminaire » fin 2025
Pour ces graves manquements, nous avions saisi le tribunal judiciaire en septembre 2022. Celui-ci est compétent, en cas de mise en cause d’un dysfonctionnement grave la justice. C’est une procédure assez peu connue, mais potentiellement promise à un bel avenir en cas d’enquêtes bâclées. Notre avocat, Yannis Lantheaume, fait preuve d’une patience d’ange. Aucune date n’est fixée pour l’examen du fond de l’affaire. Et sur les préliminaires, l’État joue aussi la montre.
Devant le « juge de la mise en état », qui statue sur la validité de la procédure avant l’examen du fond du dossier, l’État a demandé un « sursis à statuer ». Motif ? Il faudrait attendre que le tribunal administratif ait jugé le dossier. Pratique, dans la mesure où notre adversaire a tout fait pour faire traîner l’affaire. Le juge de la mise en état a rejeté cette demande, en mai dernier. Mais nous avons appris cet été, à grands renforts de visites d’huissiers à nos siège social et domicile, que l’État fait appel de cette décision. L’audience préliminaire aura lieu… en novembre 2025.
A cette vitesse, notre avocat, pourtant jeune et fringuant, commence à se demander s’il sera encore en activité quand toute cette affaire sera jugée. L’attitude de l’État poursuivi en justice est la même que celle des riches chefs mafieux : jouer de toutes les ficelles procédurales pour gagner du temps. Mais nous ne lâcherons pas.
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