Samedi 3 février des manifestations contre la loi Darmanin auront lieu dans toute la France. Réclamant l’abrogation de la loi elles permettront de montrer que le combat ne s’arrête pas. De plus, dans de nombreux endroits, comme à Paris, Lyon, Marseille ou Rennes, les cortèges contre le racisme et en solidarité avec les Sans-Papiers seront rejoints par les cortèges de solidarité avec la Palestine.
La vitalité de ce mouvement est cruciale. C’est la base sur laquelle il peut redéfinir ses stratégies alors que la loi a été promulguée.
Ce lundi 29 janvier, à la Bourse du travail de Paris, lors de la réunion hebdomadaire de la Marche des Solidarités, la salle était encore comble comme pratiquement chaque semaine depuis quelques mois : représentant·e·s des collectifs de Sans-papiers, lycéen·ne·s, étudiant·e·s, enseignant·e·s, personnels de la santé, membres de différents réseaux et associations…
C’était la première réunion depuis la promulgation de la loi Darmanin. La première réunion depuis la fin d’une séquence de plus d’un an et demi à combattre pour que cette loi ne soit pas adoptée.
Nous indiquons ici les premières pistes issues de la discussion pour faire face à la situation nouvelle créée par l’adoption de cette loi.
Nous invitons tous les cadres qui se sont mobilisés dans les régions à nous faire remonter leurs propres réflexions et pistes pour riposter. Trouver comment répondre à la nouvelle situation nécessitera de multiplier les échanges d’idées et d’expérimentations.
Car croire qu’on peut simplement faire comme avant risquerait fort de nous laisser désarmé·e·s et surtout de laisser isolé·e·s les Sans-papiers et les immigré·e·s.
Exiger l’abrogation, oui mais...
Nous avons suffisamment alerté contre les conséquences de cette loi pour se permettre le luxe de l’oublier, une fois la loi promulguée. De ne pas en tenir compte pour notre lutte.
Il faut bien sûr ajouter l’abrogation de cette loi à notre liste de revendication. Mais disons-le se focaliser sur cette revendication risque d’être à la fois trop et pas assez pour orienter concrètement notre activité.
Trop : comment imaginer que cette revendication soit pratique, c’est-à-dire oriente concrètement notre activité alors que nous n’avons pas réussi à empêcher que la loi ne passe.
Trop : parce que, en attendant, cette loi va être appliquée et que la revendication de son abrogation ne doit pas masquer les tâches pratiques de résistance contre ses conséquences concrètes pour les Sans-papiers et tous et toutes les immigré·e·s.
Pas assez : parce que cette loi et son processus d’adoption n’ont fait que renforcer le développement du racisme, son emprise idéologique dans toute la société comme sa réalité en termes de politique d’État.
Pas assez : parce que cette loi et son processus d’adoption n’ont fait que préciser le danger fasciste et la légitimité des courants qui le portent.
Le mot d’ordre de désobéissance
Darmanin ne fera pas sa loi ! Personne n’est illégal !
Voilà ce que nous avons proclamé pendant toute cette séquence de combat contre la loi. Cela reste.
La loi est passée. Continuer de la combattre, dans les faits, c’est assumer qu’il est juste désormais d’y désobéir, de ne pas accepter ce qui sera fait, légalement, au nom de cette loi. Pas simplement attendre qu’elle soit abrogée. Nous ne parlons pas là des intentions de désobéissance affichées (avant la promulgation de la loi) par des cadres institutionnels. Tant mieux si les discours sont suivis d’actes à ces niveaux. Mais nous parlons ici d’une désobéissance de lutte.
Ce mot d’ordre donne un des contenus de l’activité à développer. Les formes de cette désobéissance sont à construire et à inventer. (Et il va aussi falloir suivre dans les détails les décrets d’application et circulaires qui formaliseront les modalités précises)
Car la loi va d’abord restreindre considérablement les possibilités de régularisation des Sans-papiers tout comme l’accès spécifique au droit d’asile qui en est une des modalités.
Elle soumet désormais totalement l’attribution du titre de séjour à l’arbitraire préfectoral selon des critères flous juridiquement (intégration, respect des valeurs de la République, menaces à l’ordre public) et liés à la considération raciste qui fait des immigré·e·s un potentiel danger.
Elle va ensuite précariser considérablement les titres de séjour (un an renouvelable, lien à un « métier en tension »), possibilité de retrait du titre de séjour selon les mêmes critères soumis à l’arbitraire préfectoral et policier.
Mais les conséquences les plus immédiates et directes vont être la traduction du versant répressif qui permet à Gérald Darmanin de se réjouir d’avoir les mains libres pour expulser des milliers d’étranger·e·s.
Réseaux de défense
Désobéir c’est donc construire d’abord tout ce qui permet aux Sans-Papiers et Immigré·e·s et aux réseaux de solidarité d’empêcher à la machine à harceler, contrôler, assigner, emprisonner et expulser de fonctionner.
Le renforcement des organisations de Sans-Papiers et d’immigré·e·s est une des premières réponses. Cette machine à illégaliser les Sans-Papiers (arrestations, Ordres de Quitter le Territoire, Interdictions de Retour sur le Territoire, assignations à résidence, rétentions, expulsions) fonctionne d’autant mieux sur des personnes isolées et atomisées. Les formes d’organisation collective sont une protection et un moyen de réponse dès le contrôle et/ou l’arrestation.
Et la protection collective et la capacité de défense immédiate est bien sûr considérablement renforcée quand elle peut s’appuyer sur un réseau au sein du quartier, de la ville, de l’école, du lieu d’études ou du lieu de travail.
C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’une des premières tâches est de renforcer et de coordonner tout ce qui a commencé à émerger dans la mobilisation contre la loi Darmanin avec comme objectif immédiat d’organiser la solidarité concrète autour des Sans-papiers et immigré·e·s menacé·e·s :
les Collectifs de Sans-papiers et leur unité
les formes de mobilisation dans les écoles, personnels et parents d’élèves
l’organisation des lycéen·ne·s et des étudiant·e·s
la mobilisation active de syndicalistes contre le racisme et en solidarité avec les Sans-papiers
la convergence avec différents réseaux et fronts de lutte (environnement, féminisme, LGBTQI, solidarité avec la Palestine…)
Luttes pour la régularisation
La lutte pour l’égalité des droits est d’abord une lutte pour la régularisation. Plus la régularisation sur des critères individuels se ferme et plus la lutte collective prend un sens immédiat. Pas de régularisation sans combat : il faut trouver les modalités d’action et de luttes permettant d’imposer des régularisations collectives.
La décision de régularisation ne sera plus autant répartie, en ce qui concerne la régularisation dite « par le travail » entre patronat et État. Elle sera désormais bien plus exclusivement aux mains de l’État (en réalité le ministère de l’intérieur via les préfectures).
Cela n’enlève pas la grève comme outil de lutte mais devra en modifier les modalités.
La perspective d’une journée de grève en mars impliquant travailleurs et travailleuses avec et sans papiers a été avancée lors de cette réunion de la Marche des Solidarités. Cela implique bien sûr de convaincre des syndicalistes et syndicats de cette perspective. Ce serait par ailleurs un outil pour développer un réseau syndical de solidarité avec les travailleurs et travailleuses sans-papiers.
Cela devra s’accompagner d’autres répertoires d’action avec les Sans-Papiers en lutte. L’exemple de la lutte actuelle des Jeunes mineurs de Belleville en est un exemple. Les luttes menées il y a quelques années autour des écoles avec RESF en sont une autre. Tout comme le sont les luttes menées avec des familles à la rue et les occupations menées à Lyon, Rennes ou ailleurs.
Lutte contre le racisme et le fascisme
Racisme, fascisme, colonialisme, de cette société-là, on n’en veut pas !
Le vote de la loi l’a illustré : sur le dos des immigré·e·s avec et sans papiers c’est toute l’évolution de la société qui est concernée.
Laisser se développer les attaques contre l’immigration c’est légitimer une société de plus en plus inégale, liberticide, nationaliste et sécuritaire. Et ouvrir la voie aux courants fascistes. Symétriquement, laisser se développer ces tendances c’est rendre de plus en plus difficile la lutte pour l’égalité des droits et la régularisation des sans-papiers.
Il va bien sûr falloir prendre le temps pour comprendre pourquoi nous n’avons pas réussi à construire un mouvement suffisamment fort pour empêcher la loi de passer.
Mais, dans tous les cas, la lutte, immédiate sur des lignes défensives, doit s’accompagner d’une lutte politique plus générale contre le racisme et le fascisme.
A court-terme la Marche des Solidarités participera à la manifestation contre le fascisme appelée par les syndicats le 10 février prochain.
Nous appelons à participer aux manifestations organisées par des familles victimes des violences policières les 16 mars et 21 avril prochains.
Nous lançons déjà l’appel à organiser, dans tout le pays, des manifestations, comme chaque année, le 23 mars prochain à l’occasion de la Journée Internationale contre le racisme.
Nous prévoyons de travailler sur la mobilisation contre l’organisation des Jeux Olympiques : Pas de JO sans papiers ! Pas de Jo sous loi raciste ! Pour la solidarité internationale.
Ce ne sont que de premières grandes lignes ouvertes à la discussion et qui devront être précisées et enrichies.
Nous invitons déjà :
A participer, à Paris, à la soirée organisée avec la Marche des Solidarités et les Collectifs de Sans-Papiers, ce vendredi 2 février à partir de 19H00 (prises de paroles, concert,…)
A rejoindre toutes les manifestations organisées ce samedi 3 février (Pour Paris à 14H00 à République)
A participer, pour la région parisienne, à la réunion de la Marche des Solidarités (tous les lundis à 19H00 - Bourse du travail 2 rue du Château d’eau Métro République) et aux assemblées organisées dans différentes villes.
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