Le bulletin no 205 du 22 juillet 2022, du petit journal mobile recto-verso A4 « RESISTONS ENSEMBLE » du réseau contre les violences policières et sécuritaires est sorti. Il est destiné à être photocopié et à être diffusé localement, si le journal vous plaît. Vous êtes invitEes à participer à son élaboration, à sa rédaction, à se joindre à l’équipe de rédaction. Nous attendons vos contributions, propositions, critiques ...
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Le nœud-coulant de la dématérialisation
Une goutte d’eau contient toute la mer, dit la sagesse populaire.
La mort d’Omar contient ce que Macron a proclamé dans son premier discours en 2017 : la « Start-up Nation » à construire sous le drapeau de la révolution numérique et de sa « dématérialisation ».
Omar est mort le 15 juin à la frontière franco-italienne, touché par une balle de police. Il vivait et travaillait comme ouvrier dans le BTP en France depuis 13 ans. Il faisait partie des 600 000 sans-papiers qui construisent les bâtiments et les tunnels, qui nettoient les déchets, livrent les colis, soumis à la surexploitation par le patronat et à la répression par l’État.
Omar avait gagné le droit à une régularisation grâce à ses années de labeur, mais il n’a jamais pu déposer sa demande. En dépit de mois d’efforts, de nuits passées face à un écran, le portail informatisé, dématérialisé de la préfecture est resté fermé : impossible de prendre rendez-vous.
Il partageait le sort des dizaines de milliers de sans papiers qui deviennent expulsables à cause de ce barrage informatique délibéré. En désespoir de cause, Omar a suivi des conseils qui lui ont été donnés : en Italie, il pourrait obtenir une carte de séjour valable en France moyennant quelques arrangements.
C’est en revenant d’Italie qu’il est tombé, à Vintimille, entre les mains des passeurs. La suite est un grand classique. Le camion frigorifique dans lequel Omar était enfermé avec d’autres sans-papiers a été pris en chasse par la police française, les passeurs refusent de s’arrêter malgré le tir qui a déjà touché Omar à la nuque ; il meurt à Nice, exsangue. Les passeurs, eux, se sont évaporés dans la ville.
Le corps d’Omar intègre la longue file de ceux tombés sous les balles policières, légalisées par le permis de tirer sous le nom de « refus d’obtempérer ». Mais, attention ! La police ne fait qu’appuyer sur la détente. Dans ce monde dématérialisé le seul objet matériel est certes la balle qui transperce les chairs mais il y a aussi la réalité d’une mort douce qui fait des millions de victimes : sans-papiers, chômeurs, vieux, handicapés, SDF, précaires… jetés sans défense entre les dents mortifères des algorithmes des préfectures, des CAF, de l’URSSAF, de Pôle-Emploi, de la Sécurité Sociale de la « Start-up Nation ».
Les récentes révélations sur la danse collé-serré de Macron, ministre de l’économie puis président, avec le géant sinistrement célèbre Uber, montrent comment cette dématérialisation a servi à invisibiliser et légaliser les exactions des riches. Un exemple ? L’utilisation détournée du logiciel coupe-circuit « Switch-Kill » par Uber a permis de rendre impénétrables par la justice ses ordinateurs et donc insaisissables les traces de son fonctionnement vorace et sordide.
Des voix officielles, Conseil d’état et Défenseure des Droits, se sont émues du sort réservé aux populations repoussées à la marge par la dématérialisation « à marche forcée ». Réaction juste mais à côté de la plaque : cette brutalité numérique du pouvoir est révélatrice de sa nature, elle ne fait qu’accroître l’appauvrissement galopant des pauvres et l’enrichissement sans pudeur des riches.
Ce nœud coulant de la dématérialisation/ numérisation ne pourra pas être tranché par des joutes parlementaires. Ça paraît difficile à imaginer, à prévoir mais finalement c’est la rue qui tranchera la corde.
au sommaire
> Le nœud-coulant de la dématérialisation
> Refus d’obtempérer, le permis de tuer en action !
> Bon débarras !
> C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E
Prisons = mort
27 morts et des centaines de blessés à Melilla
Effet cocktail
Lorsque la justice légitime la violence
Les quartiers et les ascenseurs : la plainte et le deuil !
On n’oublie pas
> A G I R
Donner une identité fictive
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