Comme « bulletin mensuel gratuit d’information sur la région lyonnaise », le popouri a dû faire face dès sa création à une rude concurrence : celle de Lyon Citoyen.
Lyon Citoyen sort aussi tous les mois... et à plusieurs milliers d’exemplaires. Lyon Citoyen aussi c’est gratuit... et ça arrive souvent directement dans les boîtes aux lettres. Il y a plein d’images aussi... mais en couleur. Lyon Citoyen aussi fait de la propagande... mais elle est municipale. Dans le numéro de mai on nous propose plus particulièrement un « point à mi parcours », le demi bilan de « G. Collomb et son équipe ». Et au coeur de ce bilan, en double page centrale on apprend que « Lyon est une ville à vivre » parce qu’elle est propre (p.20), parce qu’elle est sûre (p.21).
Propreté et sécurité, devise républicaine
Ce qui frappe d’abord c’est l’échange des propriétés d’une rubrique à l’autre, d’une page à l’autre. « Plus musclé, plus rapide » : ce sous titre n’ouvre pas sur l’évocation des exploits de la Brigade Anti Criminalité mais vient qualifier le travail des équipes propreté du Grand Lyon, dont « la capacité de réaction a été accrue par la création de 20 Brigades d’Intervention du Nettoiement ». Non pas la BAC donc mais les « BIN »... Et si ces équipes se voient dotées de « nouveaux équipements », de sigles « qui tabassent » et de caractéristiques jusque là réservées aux unités spéciales de la police ou de l’armée (muscle, réaction rapide, mobilité tactique) c’est que l’environnement urbain et la qualité sensible « des espaces publics » deviennent l’objet d’une « vraie mobilisation » sécuritaire...
Au chapitre sécurité on apprend d’abord que le « plan de déploiement de la vidéo surveillance » vise à couvrir « tous les secteurs exposés » soit parce qu’ils sont « très fréquentés » soit parce qu’ils sont « très enclavés » (?)... bon, disons alors tous les secteurs. Ensuite vient l’évocation du travail de la « Commission de Prévention Situationnelle. Son objectif : identifier les moyens d’éviter tout ce qui pourrait faciliter l’insécurité dans le tissu urbain : espaces peu éclairés, couloirs, recoins isolés par une végétation trop dense ou du fait du parti pris architectural. La lumière aussi est source d’une plus grande sécurité ». Il faut faire de la ville elle même, dans son épaisseur architecturale, son ambiance, un relai de la politique de sécurité : plus de zones d’ombre, de temps morts ni d’espaces incertains où autre chose risquerait de se produire, autre chose que le bon usage de la rue réglé selon l’ordre policier.
On retrouve des accents comparables avec ce qui se faisait du temps d’Haussman (vers 1870), le type qui a mis par terre les rues tortueuses et tracé à la place les grands boulevards parisiens, des espaces où on peut faire manoeuvrer la troupe en cas d’émotion populaire ; ce sympathique baron écrivait alors que sa politique de rénovation visait à faire entrer « la moralité dans les taudis en même temps que l’air et la lumière ». Quelle est alors la morale de l’histoire pour l’équipe municipale ? « Pouvoir aller et venir en toute tranquillité est un droit fondamental ». Les personnes sans papier en instance d’expulsion, les sauvageonNEs contrôléEs au facies, les pauvres qui ne peuvent pas se payer le billet SNCF ou TCL apprécieront... La « propreté » dans ce montage signifie, symbolise l’apparition publique et l’omniprésence, jusque dans les moindres recoins, d’une « sécurité » comprise alors comme principe d’organisation du « vivre ensemble » : comme une façon de faire le partage entre « les citoyens de plein droit » qui peuvent aller et venir, et ceux et celles qui font tâche dans le paysage.
NAV
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