L’épouvantail terroriste en pratique – Résistons Ensemble no 137, janvier 2015
Le bulletin no 137, janvier 2014 du petit journal mobile recto-verso A4 du réseau Résistons ensemble contre les violences policières et sécuritaires est sorti. Pour lire l’intégralité et télécharger ce bulletin mis en page au format pdf : http://resistons.lautre.net/.
L’épouvantail terroriste en pratique
Mardi 16 décembre 2014 vers 1h du matin, Abdoulaye Camara, 31 ans, est tué par la police, au Havre dans le quartier Mont-Gaillard en Zone de sécurité prioritaire (ZSP). Vingt-six coups de feu, une dizaine de balles dans le corps. Le samedi 20 décembre dans l’après-midi, Bertrand Nzohabonayo, aussi prénommé Bilal, converti à l’islam, 20 ans, est tué par la police devant le commissariat de Joué-lès-Tours. À chaque fois, le scénario des événements qui suit leur décès semble écrit d’avance, tant il a été rejoué pour chaque mort entre les mains des forces de l’ordre. « Ils l’ont bien mérité », semblent éructer les autorités avec cet argument puant qu’un casier pourrait justifier de leur mort.
Pour Abdoulaye la version officielle parle d’un « dément meurtrier », « schizophrène » et fait étal de son passé judiciaire. Mais un pas est franchi lorsque la police tue Bilal. En moins de quatre heures, la section antiterroriste est sur le coup. L’agresseur « originaire du Burundi » a crié « Allah Akbar » nous assure une « source proche de l’enquête » qui part aussi sec sur la piste de « l’islamisme radical ». Son frère est arrêté au Burundi, sa sœur placée en garde-à-vue… Les jours suivants, 21 et 22 décembre coup sur coup à Nantes et Dijon deux voitures foncent sur la foule et s’ajoutent à l’équation. Dans la foulée Manuel Valls enfonce le clou, « jamais nous n’avons connu un aussi grand danger en matière de terrorisme ».
Mais les chauffeurs sanguinaires ne sont que des fous qui se sont emparés de la psychose du moment, finissent par constater les autorités (157 passages en unité psychiatrique pour le conducteur à Dijon). La vérité s’exfiltre, finit par s’échapper du brouhaha. On apprend alors qu’Abdoulaye n’avait pas de problème psychologique. Et le travail de ses frères allant sur les lieux a pu rassembler des témoignages très loin de la version policière. Pareil à Joué-lès-Tours, des témoins nous apprennent que Bilal ne se serait pas présenté de lui-même au commissariat dans un but d’attentat, mais aurait été arrêté par une équipe de police suite à une agression sur l’un des leurs la veille, jour où le jeune homme n’était d’ailleurs pas en ville. Son seul cri aurait été de douleur… Et la thèse du terroriste si chère au ministère de l’Intérieur prend l’eau de toute part. Mais la justice s’obstine comme elle sait le faire – le nouveau non-lieu dans l’affaire Ali Ziri est là pour nous le rappeler – le procureur dans un communiqué de presse voudrait mettre fin à ces « rumeurs ». Ce n’est pas une bavure, c’est un choix de société qui s’affirme.
En automne dernier l’État durcissait l’arsenal répressif dans une énième loi agitant l’épouvantail terroriste (voir RE 134) : après la théorie, la pratique. L’amalgame va bon train et la construction d’un ennemi intérieur comme remède miracle au maintien de cette société inégalitaire semble faire l’unanimité du PS à l’extrême droite.
Cet emballement ne peut plaire et profiter qu’aux extrémistes de tous bords comme nous le montre déjà la terrible fusillade du siège de Charlie Hebdo.
Alors pas d’illusion, la police et la justice marche main dans la main. Jusqu’à présent c’est la lutte des familles, des comités de soutien indépendants et auto-organisés qui a su faire rejaillir des pans de vérité et arracher une dignité volée. Pas de justice pas de paix !
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