Pendant ce temps, les cheminot.es étaient 500 à manifester le 9 novembre pour un vrai service public du rail. Pour la relance des lignes rurales fermées durant ces 30 dernières années, forçant les ruraux à utiliser leurs voitures, non par choix, mais par non-choix. Pour la non privatisation de la SNCF et le maintien d’un service public accessible à tou.tes, ou du moins plus accessible qu’aujourd’hui. Pour le développement, ou du moins le non-enterrement, du ferroutage pour que le transport de marchandise ne se fasse plus par camion avec tous les dégâts environnementaux que cela implique. En somme pour un service public du transport qui soit écologique et social ... bizarrement on était qu’une pauvre cinquantaine à être venu manifester avec eux.
Et pourtant, ne serait-ce pas la solution la plus simple, la plus bénéfique, et la plus écologique pour tout le monde qu’on arrête de lutter de manière divisée, soit pour des voitures polluantes qui sont vouées à disparaître à court ou moyen terme, soit à cause de leurs ravages écologiques, soit à cause de la disparition de la matière première ; soit de manifester pour « la nature », le « climat » comme concept éthéré qui n’engage au final les gouvernants qu’à faire de belles phrases sans n’avoir à agir concrètement pour rien. Ou alors, plus cynique, mais tellement plus malin de leur part, d’utiliser les manifestant.es pour le climat pour justifier une nouvelle hausse d’impôt qui n’a pour but que de combler le déficit de l’État que le gouvernement Macron a creusé à force d’exonérer d’impôts les plus riches ; en transformant l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (-3,2 milliards d’euros pour l’État), en supprimant la taxe d’habitation (qui touchait plus fortement les détenteurs de capitaux immobiliers), et en réduisant l’impôt sur les sociétés.
Mais surtout la politique macronienne est basée sur un concept simple. Depuis la mort du Parti Socialiste et l’affaiblissement des Républicains, le « centre » est dans les choux et il est le seul représentant auto-proclamé d’une voix « raisonnable » et « démocratique » face à la montée des « extrêmes ». Pour s’assurer une réélection dans un système politique où les élections les plus importantes sont à deux tours (présidentielles, régionales, législatives ...), Macron n’a pas besoin d’être soutenu par la majorité de la population, mais uniquement par un très léger tiers des électeurs (qui ne représentent pas eux même la moitié de la population). Car il sait que le report des voix entre l’extrême droite et l’extrême gauche est très faible et que tout duel électoral avec un « extrême » jouera toujours en la faveur du « centre ». Selon une conception du « centre » et des « extrêmes » totalement flou et propre à une analyse politique d’un plateau télé entre un épisode de télé-réalité et un évènement sportif. Car soyons clair, Macron n’est en rien un modéré, mais mène une politique violente (extrêmiste ?) contre les pauvres, les immigrés, etc .... Ce n’est pas pour rien que médias dominants et politiciens en marche crient aujourd’hui au poujadisme face à une exaspération légitime de la population d’être ponctionnée toujours plus pendant que le gouvernement exonére les plus riches réformes après réformes.
On pourrait aussi débattre sur le tapage médiatique de ce mouvement du 17 novembre. Si la cause écologique, et la lutte contre le réchauffement climatique, sont récupérées par Macron pour ces magouilles politico-financières, cette journée d’action est une grande foire à la récupération maladroite. Entre le Rance Nationaliste qui récupère en bloc et donne raison à tous ceux qui souhaitent réduire cette colère à une crise poujadiste, et la France « c’est moi ! » qui hésite entre ne pas froisser ces électeurs urbains, donc forcément écolos-bobos anti-voitures, et soutenir ses électeurs ruraux, et qui donc patauge dans l’entre-deux intenable, cette journée d’action risque de se résumer à un jeu politico-médiatique de qui réussira à récupérer les bulletins de vote pour les élections européennes de mai 2019. Cette récupération est d’autant plus facile que les appels à manifester et bloquer le 17 novembre sont flous, issus de réseaux sociaux désorganisés et ne proposent au final rien d’autre qu’un statu-quo sur le prix du gazole. Une aubaine pour celui ou celle qui gueuleura le plus fortement et qui pourra récupérer une colère légitime.
Au final, au lieu d’être 15.000 à manifester pour le climat sans revendication claire, ouvrant la porte à la récupération politique, et de l’autre côté, à être des milliers à manifester pour défendre un moyen de locomotion mourant et polluant ; soyons tous et toutes à la prochaine manifestation cheminot.es pour exiger un vrai plan national sur le transport. Exigeons la hausse en nombre et en qualité des moyens de transports écologiques sur tout le territoire. Exigeons une nationalisation totale de la SNCF, mais aussi des TCL et de tous les services de transport public, exigeons la remise en service de toutes les lignes rurales et l’ouverture de nouvelles là où c’est nécessaire. Mais aussi exigeons la gratuité des transports, autant les trains de la SNCF que tous les transports urbains (TCL) et interurbains (Trans’Bus, etc ...). Exigeons que la création ou la suppression de lignes de transport public ne soit plus du ressort de comptable parisien, mais qu’elle ne puisse être décidée par des représentants locaux, lié à l’échelle de la décision, au sein d’instance démocratique. Que le transport ne soit plus un moyen pour Macron et son monde de diviser la population pour s’assurer une réélection facile, mais un moyen de faire demi-tour dans la voie du tout capitalisme sauvage et du changement climatique.
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