“You know what it is ? Black and yellow, black and yellow !”
Il y a quelque chose d’historique dans ce qui s’est joué à Paris ce 16 mars pour l’acte 18 des Gilets Jaunes. La détermination à mettre hors d’état de nuire les boutiques ou restaurants de luxe des Champs Élysées semblait sans limite ; le lèche vitrine réservé aux plus riches s’est transformé en casse-vitrine populaire, et quelle joie de voir ce haut symbole du sarkozysme que représente le Fouquet’s se faire défoncer, et les manifestants boire un verre en pleine rue sur les tables cossues de l’opulent établissement. Par ailleurs, et ce malgré les campagnes appuyées de bashing des blocs offensifs, il a existé une réelle sympathie des manifestants à l’égard des casseurs. La force du 16 mars parisien réside en ce que la construction de la séparation entre bons et mauvais manifestants, entre légitimes gilets jaunes et terrible black bloc, ne s’est pas imposée dans la rue.
Un coup d’œil sur les comparutions immédiates suffit d’ailleurs à battre en brèche la théorie d’un acte 18 entièrement noyauté par l’extrême gauche. Comme chaque semaine, on se rend compte qu’un peu de partout en France, de plus en plus de gens viennent en manif chargés de désirs de débordement. Les équipements de protection se généralisent et l’envie de s’en prendre aux flics aussi.
Quelles sont les deux réactions les plus courantes face à la peur ? Le déni, la reconstruction de la réalité pour la rendre plus acceptable, et puis la colère, la réponse aussi violente que la situation est incontrôlée. Castaner et Philippe ont flippé, pas -encore- pour leur vie ou leur ministère mais face à l’énergie déployée en face d’eux et leur dispositif policier exceptionnel.
Des mensonges donc d’abord, les deux compères décident de charger la préfecture de police de Paris -RIP Delpuech- et ses prétendues consignes pour limiter l’usage du LBD. Tout se passe comme si la police n’avait pas été mise en déroute à la régulière mais qu’elle s’était simplement vue, par quelques erreurs de commandement, réduire ses moyens et sa capacité d’agir. Mais, loin de leurs pleurnicheries syndicales, les flics n’étaient pas vraiment désarmés dans les faits. Ainsi, on a vu pour la première fois un blindé tirer du gaz lacrymogène depuis son canon ; le recours aux GLI-F4 a été massif et encore une fois bien violent ; quand aux LBD, dont la force avait soi disant été limitée, ils ont encore blessé plusieurs personnes gravement, dont au moins une a été éborgnée.
« Vous m’entendez bien madame ? »
C’est ensuite la colère qui a secouée les hommes de Macron, visiblement rentré tendu de ses vacances au ski. Dans une conférence de presse sensationnaliste au possible, Philippe a annoncé qu’il voulait se venger et qu’il mettait les moyens sur la tables pour que ça marche.
D’une part, grossir les moyens des flics : ils auront des drones et pourront surtout utiliser des « produits de marquage codés » ou PMC qui sont des dispositifs chimiques indétectables à l’œil nu, inodores et incolores permettant le marquage des biens, des personnes et des lieux. Les PMC constituent un vieux serpent de mer ramené régulièrement sur le devant de la scène comme après le 1er mai derniermais pour l’instant jamais vraiment mis en place, en raison notamment de l’incertaine valeur de la présence de ces produits sur un individu comme élément à charge lors d’un procès.
D’autre part, il s’agit de punir plus fort les manifestants, ainsi toute participation à une manif non déclarée sera plus durement réprimée financièrement (de 38 à 135Euros) et les personnes soutenant publiquement la violence seront systématiquement poursuivis. Une formulation bien floue qui fournit les armes pour transformer la sympathie envers les manifestations un peu offensives en nouvelle apologie du terrorisme. Les manifs pourront aussi être simplement interdites si on soupçonne qu’elles puissent donner lieu à des violences, sans préciser sur quelles bases ni qui établira ces prédictions.
Enfin Philippe a décidé de passer un cap, au moins dans la rhétorique. Invité au JT de France 2 il a insisté devant la présentatrice complaisante, « vous m’entendez bien madame ? », nous allons faire payer tous ceux qui s’en prennent à nos Champs Élysées pouvait-on lire dans ses yeux. Le Premier ministre a assumé totalement que l’accentuation de la violence de la répression était risquée, que des blessés graves – comme s’il y en avait pas eu jusqu’alors...- n’étaient pas à écarter.
Clairement vexé de l’échec de leur stratégie de pacification nationale par la mise en place du grand débat, le gouvernement s’est fait saisir d’effroi face à la réalisation de leur cauchemar : un saccage en règle de l’avenue la plus touristique du monde encouragé par la majeure partie des manifestants.
Dans les cordes, Castaner et Philippe se sont précipités pour nous sortir de nouvelles mesures liberticides ; mais en attendant, pas de shopping sur les Champs cette semaine.
Don’t stop GJ now !
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