Rappelons-nous : été 2003, il fait chaud, très chaud, et cela dure. La situation est difficile dans les maisons de retraite et les services d’urgence, mais c’est d’une telle banalité… Il faut que les morgues arrivent à un point de saturation ingérable pour que les pouvoirs publics en viennent, si ce n’est à agir, au moins à prendre conscience du problème.
Bilan : 15 000 décès de plus que les chiffres habituels, essentiellement chez les personnes âgées. Catastrophe sanitaire pour certains, aubaine pour la logique libérale qui veut que les vieux, d’abord, ça coûte cher. On l’aura suffisamment entendu, en ces temps de matraquage social sur les retraites et la sécu.
Les vieux seraient d’ailleurs d’un tel poids économique pour la société qu’à chaque fois qu’il est question d’assumer socialement leur besoin d’être aidé, on nous ressert l’obligation d’organiser un « effort national » spécifique. Citoyens, si vous ne voulez pas avoir leur mort sur la conscience, vous irez travailler un jour de plus.
Mais la méthode a un goût de réchauffé. Personne n’a oublié l’esbroufe de la vignette automobile ou des péages d’autoroute, qui ont dû profiter à bien d’autres qu’aux vieux.
L’instauration de la Journée de Solidarité a donc été accueillie avec scepticisme (20% de grévistes dans la fonction publique et jusqu’à 75% dans quelques grosses entreprises privées) mais aussi avec un espoir naïf par ceux qui travaillent auprès de personnes âgées.
Deux ans après, aucune amélioration concrète ne semble pouvoir être dégagée. Dans les maisons de retraite, les effectifs de personnel sont toujours au minimum et l’installation de climatiseurs n’est guère qu’un motif supplémentaire pour parquer tout le monde au même endroit avec interdiction d’aller se balader ailleurs.
Les prestations sociales ont changé de nom mais n’ont pas réduit les sommes exhorbitantes que les personnes âgées, et souvent leur famille, doivent assumer. Pendant ce temps, les établissements privés à but lucratif se frottent les mains… Ce que l’on ne nous dit pas, c’est que les deux milliards d’euros générés par cette journée ont en bonne partie financé des dispositifs qui existaient déjà pour les personnes âgées mais aussi handicapées.
Le message a été tout à fait clair avec la campagne audio-visuelle assénée cet été : Soyez solidaires de vos voisins âgés, surveillez-les bien ! Et s’il leur faut quelque chose, eh bien, donnez-leur ! C’est bien la preuve qu’il y a une volonté de ne pas inscrire, prendre en compte les vieux dans l’organisation sociale et qu’il n’y a pas d’argent à investir à perte pour eux.
Cette situation qui leur est faite est à notre sens révélatrice d’un fonctionnement social global qui exclut tous ceux qui ne sont pas suffisamment productifs, donc pas assez exploitables par le travail. Le vieux est ainsi un rebut en puissance, quand bien même il a trimé de ses quatorze ans jusqu’à ses soixante.
Nous, anarchistes, rejetons en bloc toute cette logique mortifère et rabaissante. Nous voulons d’une société dans laquelle chacune et chacun peut avoir sa place et sa liberté. Tant qu’il y aura de l’argent, les politiques dites de solidarité resteront intéressées et profondément inégalitaires. Alors, ne soyons pas complices, relevons la tête et renversons la marmite !
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