Le protocole de 2003 et ses conséquences
En juin 2003, un protocole d’accord portant sur l’indemnisation chômage des salariéEs du spectacle est adopté par 3 confédérations syndicales, puis agréé par le gouvernement. Principales mesures : passage d’un système avec une date anniversaire fixe et ouverture de droits pour 12 mois à un système très complexe : recherche d’affiliation sur 10 ou 10,5 mois, droits ouverts pour 243 jours, avec décalage des périodes de référence en fonction des périodes de travail.
Principaux objectifs : réduire les recours dits abusifs à l’intermittence et combler le déficit des caisses.
Dès sa sortie, toutes les analyses ont montré que ce protocole était gravement inégalitaire et précarisant pour bon nombre d’entre-nous. Depuis 2003, toutes les études effectuées constatent qu’il n’a pas atteint son objectif énoncé de réduction du déficit de l’UNEDIC, 952 millions d’euros, soit 7% en plus (pour info, le déficit global est de près de 14 milliards). Pourtant il rend l’accès au régime plus difficile : forte baisse des nouveaux entrant depuis 2003, recul sensible des entrées au 1er semestre 2005.
Le protocole rend le système d’indemnisation encore plus aléatoire en fonction des diverses réalités de travail même s’il entraîne une augmentation de l’allocation journalière moyenne (58 € en 2004 contre 48 en 2003) due au nouveau mode de calcul du Salaire journalier de référence (SJR).
Toutefois, il atteint un objectif officieux : 8% d’excluEs, sans compter les « repêchéEs » du fond transitoire créé par le gouvernement.
Historique du mouvement : actions et propositions
Contre ce protocole, une forte mobilisation s’est développée dès le printemps 2003. Regroupant non-syndiquéEs et syndiquéEs, elle se distingue par des formes d’organisation variées (AG, coordinations locales, coordination nationale) et un fonctionnement la plupart du temps en démocratie directe. Le mouvement crée des liens avec les autres mouvements sociaux. Les modes de lutte et d’action sont multiples et souvent novateurs pour nos professions : grèves de grande ampleur et actions directes (blocages de tournages et de festivals, occupations d’institutions,...).
Poursuivant la pression politique et l’occupation médiatique menées au cours de l’été 2003, la coordination nationale et la CIP-IDF inventent de nouveaux outils : elles élaborent et proposent un « Nouveau Modèle », plus égalitaire et innovant avec l’adoption d’un plafonnement cumul salaire+indemnités. En février 2004, elles créent à l’Assemblée Nationale, un Comité de Suivi qui met en place un « lobbying » politique pour l’abrogation du protocole 2003, et élabore une Proposition de Projet de Loi (PPL), article unique rétablissant une date anniversaire fixe et une indemnisation sur 12 mois. Suite aux pressions sur les députéEs (pétitions, courriers, occupations de permanences), une majorité absolue de signatures est obtenue en faveur de la PPL qui n’a, aujourd’hui, toujours pas été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale.
En mai 2004, alors que le Festival de Cannes est perturbé, le nouveau ministre de la Culture, RDDV, annonce quelques mesures (reprise en compte des congés maternités) et met en place un fond transitoire, pour atténuer les effets du passage de l’ancien au nouveau système. Ce fond transitoire, reconduit en 2005, est financé directement par l’État qui prend le relais des caisses de l’UNEDIC. Cette mesure, concession ambiguë aux revendications, semble préfigurer la sortie pour nos professions de la solidarité interprofessionnelle, voir de la convention UNEDIC.
Depuis sa nomination, RDDV s’engage régulièrement à aboutir à un système pérenne et équitable avant le 1er janvier 2006...
Actualités :
Réforme des annexes 8 et 10, conventions collectives
Depuis 2 ans, les promesses des ministres de régler la situation n’ont pas été tenues. A l’heure actuelle, le report de l’examen des annexes entraîne la prorogation du protocole 2003 et du fond transitoire...
En décembre 2005, les partenaires sociaux négocient la refonte de l’UNEDIC. Dans ce cadre, les annexes 8 et 10, sont réexaminées, la dernière échéance annoncée serait le
8 mars !
Ce sont les propositions du MEDEF qui servent de base aux négociations en cours. Le MEDEF prône, entre autres, de limiter à 22 le nombre de jours indemnisés dans le mois (au lieu des 30 actuels).
Les différents rapports d’enquête effectués suite à cette « crise » montrent toute la complexité des pratiques de travail qui ont cours dans nos secteurs d’activités. On ne peut réduire nos professions au régime d’assurance-chômage dont nous relevons.
On peut craindre, au vu du dernier rapport Guillot, que les partenaires sociaux élaborent 8 nouvelles conventions collectives au lieu de la vingtaine en cours actuellement. Ces 8 conventions réduiraient le périmètre de l’intermittence : seuls les employeurEs relevant de ces conventions pourraient avoir recours aux CDD d’usage, donc à une affiliation à l’intermittence pour leurs salariéEs.
Quelques chiffres
Un vrai secteur économique
Il pèse 20 milliards d’euros et occupe 300 000 personnes (soit autant de salariéEs que dans l’industrie automobile), dont un tiers d’intermittentEs.
Il touche massivement les FrançaisEs qui passent chaque année 63 milliards d’heures à regarder la télé, aller au cinéma ou au spectacle contre 34 au travail.
Les ressources du secteur sont financées à hauteur de 15% par les pouvoirs publics.
Aujourd’hui on compte entre 100 000 et 130 000 intermittentEs (chiffres des congés spectacles/Assedic, seuls 77% étaient indemniséEs en 2003) dont 6000 en région Rhône-Alpes, en grande majorité dans le spectacle vivant.
Un statut précaire
En 2003, 5800 intermittentEs ont un salaire horaire inférieur au SMIC horaire (dont 30% font plus de 750 heures).
Pour la moitié des intermittentEs, les allocations versées par les ASSEDIC représentent plus de 50% de leur revenu.
2/3 des entrantEs sont des primo-entrantEs, dont près de la moitié ressortEnt dès la première année (18600 nouveaux/elles en 2003). Seuls 40% des intermittentEs indemniséEs le sont depuis plus de cinq ans.
Le nombre d’intermittentEs augmente plus vite que le nombre d’heures ou d’emplois offerts.
(sources : rapport Guillot, sites de l’AMDRA et de l’ASSEDIC)
Compléments d'info à l'article