Durant les années 90 dominées par les arts de la convivialité (esthétique relationnelle et théâtre de rue), on affirmait volontiers qu’en art comme en politique les idéologies radicales étaient révolues : « Le temps des barricades - quand deux forces déterminées s’opposaient farouchement - est terminé » (Élisabeth Wetterwald). Depuis des hommes ont fait mieux que les barricades et l’idéologie qui les portait ainsi que bien d’autres ont montré, par leurs discours et les actions qu’elles ont inspirées, l’excellence de leur santé et démenti les analyses apathiques des fossoyeurs du politique. Cette situation nouvelle repose avec acuité la question de la légitimité de la violence et porte un coup sévère au consensus sur l’insécurité qui apparaît de plus en plus nuisible au débat politique. Ce consensus est d’autant plus intenable que l’idéologie qui le réclame, c’est-à-dire le libéralisme économique se révèle en dernière analyse être de loin la plus violente et la plus radicale des idéologies. En rupture avec le collaborationnisme relationnel et prenant appui sur la nouvelle donne politique, des artistes comme Henrik Plenge Jakobsen ou Philippe Meste tentent de conjurer « le monopole du mal » constitué par la violence libérale en renouant avec un activisme qui fait écho aux actions de vandalisme du Black Block et aux attentats spectaculaires des islamistes radicaux. Dans ce contexte, l’insécurité s’avère n’être qu’une pure invention politique expérimentée et validée aux États-Unis puis vendue clés en main au reste du monde via le bavardage ésotérique et inepte des experts sociologues. Ce n’est effectivement pas la sociologie qui est un sport de combat mais la misère car bien que de plus en plus incomprises et périphérisées à l’extrême « les créatures, comme l’écrit Garcia Lorca, ne veulent pas être des ombres » c’est-à-dire les otages des ambiguïtés de l’insécurité qui sont celles du libéralisme même. N’est-il pas en effet proprement étrange que ce soit ceux-là même qui sont aux commandes de la déréglementation sociale qui montent au créneau pour réclamer toujours plus de sécurité pour une population dont ils ont en partie complètement hypothéqué l’avenir ? C’est pourquoi ce que nous avons d’abord voulu faire avec INSECURITY® c’est, pour plagier la formule d’un groupe de rock célèbre : « rendre l’insécurité à qui elle appartient » c’est-à-dire à la population en mettant à sa disposition un instrument de critique subtile pour un prix modique, facile d’utilisation et à l’efficacité garantie. En déposant la marque « insecurity » à l’INPI, et en déclinant l’insécurité sous forme d’une esthétique et d’uniformes vendus à la population, nous avons évadé le mot « insécurité » du discours dominant et l’avons rendu libre d’interprétations, de suites et d’événements. Portée dans l’espace public, la marque INSECURITY® fonctionne comme un véritable prisme pour le discours sécuritaire diffracté en faisceaux d’interprétations, voire en faisceaux tout court... Notre structure se présente comme une entreprise en phase avec son époque, c’est-à-dire très largement informelle, autrement dit, elle est composée d’une base d’une dizaine de personnes, le reste de notre personnel étant essentiellement constitué par notre clientèle. Nos agents, c’est-à-dire nos clients, sont parfaitement autonomes et libres de leurs actions. Par leur présence sporadique, ils orchestrent une véritable campagne marketing au nom de l’insécurité. Postures policières ou miliciennes, attroupement dans les halls d’immeubles (ou simple présence dans la rue) sont autant d’attitudes marketing pour investir le vaste marché de la désobéissance civile ouvert par le libéralisme économique. Sur ce marché très concurrentiel, nos clients sont nos meilleurs agents et nous avons pour alibi la collusion de l’art et de l’entreprise exprimée sous forme de sur-adhésion à la doctrine du libéralisme économique.
HASSAN AFNAKAR
Compléments d'info à l'article